Il vous reste un peu plus d’une semaine pour découvrir les magnifiques photographies de Félix Thiollier au musée d’Orsay. Un de mes coups de cœur parmi les expositions de l’hiver 2012-2013 pour le travail de ce photographe amateur qui n’avait presque jamais été exposé dans les institutions parisiennes. Invitation pour un voyage en noir et blanc d’une extrême beauté dans la campagne forézienne et auprès des usines stéphanoises du début du XXe siècle… Deux paysages à jamais disparus.

Félix Thiollier, un nom oublié de l’histoire de la photographie
L’œuvre de Félix Thiollier est celle d’un photographe amateur, qui, malgré 50 ans de pratique, ne s’est jamais intégré aux milieux photographiques parisiens. Photographe amateur et érudit local féru d’art et d’archéologie, Félix Thiollier décide, à 35 ans, d’abandonner la rubanerie familiale pour se consacrer à ses deux passions. L’exposition du musée d’Orsay met précisément en avant ces deux facettes de son activité dès lors : celle d’un défenseur du patrimoine forézien, tant bâti que paysager et celle d’un artiste photographe.

En défenseur du patrimoine régional, il publie en 1889 un ouvrage intitulé « le Forez pittoresque et monumental » qu’il illustre de ses propres clichés. La campagne forézienne figure parmi les premiers motifs qu’il saisit. Face à ces paysages dont il pressent la disparition prochaine, Félix Thiollier adopte une esthétique proche de celle des artistes de Barbizon dont il collectionne par ailleurs les œuvres. Proche de Auguste Ravier, un peintre local, Thiollier n’hésitera pas à poser son matériel au côté du chevalet de son ami, lui-même également photographe : leurs œuvres entretiennent d’évidents liens. La première partie de l’exposition est consacrée à ces photographies champêtres dont on admire la poésie. Dès ses débuts de photographes, Thiollier porte une attention particulière aux reflets sur les plans d’eaux et aux beaux effets atmosphériques, conférant à ses clichés une grandeur théâtrale.

Son intérêt pour les paysages champêtres de sa région natale l’amène à fréquenter les paysans dont il réalise de très émouvants portraits. Une dizaine sont exposés à Orsay. Loin des codes photographiques du portrait de l’époque, ses clichés surprennent par la proximité des modèles et marquent le visiteur par leur sensibilité et leur justesse.
Fumée des usines stéphanoises
La seconde partie de l’exposition présente une autre facette de l’œuvre de Thiollier photographe : ses vues industrielles stéphanoises. A la fin de sa vie, en effet, Félix Thiollier se passionne pour le paysage industriel de Saint-Etienne. Ses clichés sont un étonnant témoignage d’un bâti dont les ruines qui subsistent sont aujourd’hui élevées au rang de patrimoine.

Image saisissante qui ouvre cette seconde partie d’exposition : un décor de théâtre usé, peuplé d’exotiques figures d’Asie et d’Amérique, de femmes au port de princesse, d’anges… Nous sommes sur un champ de foire. Dans l’ouverture de la toile relevée, une vieille femme courbée… et l’envers du décor ; une cour, les vestiges de quelques bâtisses abattues, un cabanon, le sol boueux, une échelle, des hommes, des poutres amassées. Plongée auprès des ouvriers des mines et aciéries stéphanoises.

Au visiteur contemporain, ces paysages charbonneux semblent irréels, magnifiés par d’extraordinaires effets atmosphériques saisis par Félix Thiollier. Du paysage champêtre aux paysages industriels, on retrouve ainsi le même goût des cadrages pittoresques, le même intérêt pour les belles lumières. Tas de crassier fumants, enfants parmi la ferraille, mineur poussant un tombereau, à Saint-Etienne, Félix Thiollier concentre son regard sur l’architecture des usines, les décharges, baignées d’une fumée vaporeuse, dans laquelle se détachent quelques silhouettes d’ouvriers, achevant de composer ces nouveaux paysages pittoresques.

Il faut venir ici avec une loupe pour véritablement voir. Voir la moue boudeuse de cet enfant à la casquette, l’expression goguenarde de cet adolescent, le sourire que l’on devine édenté de cet autre… Curieux amassés autour de l’appareil du photographe, grappilleurs indifférents à la présence du bourgeois amateur, il faut regarder ces visages…

Retrouvez toutes les informations sur cette exposition sur le site officiel du Musée d’Orsay
J’ai commencé cette année à travailler à la chambre technique, et j’admire d’autant plus les paysages de ce monsieur. Mon seul regret, comme je ne verrai pas l’exposition est de ne pas voir de portraits.
Dommage que Félix Thiollier n’ait pas croisé le jeune Alexandre Vialatte ! la rencontre d’un photographe et d’un écrivain sur les pentes des monts Forez, l’hiver ! De quoi ranimer les volcans de la poésie télégénique.
Oui, à quelques années près…
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