Mata Hari, courtisane, danseuse exotique et espionne

Le nom de Mata Hari évoque encore aujourd’hui le mystère, l’exotisme et l’érotisme. Sa vie a été dissolue et romanesque : prostituée, courtisane, danseuse et espionne, elle n’a cessé de changer de masque, brodant son passé de mille petits mensonges, qui, s’ils ont participé à la construction de son mythe ont également conduit à sa tragique perte. 

Mata Hari, tome 39, vue 6
Albums Reutlinger, Mata Hari, tome 39, vue 6, Gallica/BnF

Mata Hari, une vie romanesque

Rien ne destinait Mata Hari à devenir une des figures mythiques. Née Margaretha Zelle dans une famille bourgeoise des Pays-Bas, elle aurait du connaître une existence rangée.

Albums Reutlinger, Mata Hari, volume 39, vue 7
Albums Reutlinger, Mata Hari, volume 39, vue 7, Gallica/BnF

A 18 ans, elle épouse un officier de marine qui a le double de son âge. Peu après le mariage, le couple s’installe à Java, prospère colonie néerlandaise où la jeune femme s’initie à la culture traditionnelle: elle apprend quelques rudiments de danse et de langue. En 1899, Margaretha perd son jeune fils, dont on dit qu’il aurait été assassiné par la maîtresse de son époux. Des recherches plus récentes penchent pour un empoisonnement au mercure, utilisé dans le traitement contre la syphilis, qui ronge la famille. Convaincu de la culpabilité de Margaretha, son mari, déjà violent, lui mène la vie dur. Rentrée en Europe suite à ce drame, elle obtient le divorce. Elle y perdra la garde de sa fille. Une nouvelle vie commence: elle doit subvenir à ses besoins. La prostitution la conduit en 1904 à Paris où elle se produit comme écuyère dans un cirque. Voguant sur la mode de l’exotisme, elle se compose un rôle de danseuse orientale et profite de son teint basané pour se faire passer pour javanaise. Elle adopte alors le nom de Mata Hari (« oeil du jour »).

Danseuse exotique, danseuse érotique

En 1905, Mata Hari se produit lors d’une réception chez Madame Kiréevsky. Emile Guimet, collectionneur et érudit passionné par l’Extrême-Orient, admire sa danse sensuelle. Charmé par cette femme qui prétend connaître les danses cultuelles javanaises, il lui propose de se produire dans le musée qu’il a fondé.

Quelques semaines plus tard, la bibliothèque du musée est transformée en éphémère sanctuaire de Shiva. Mata Hari interprète trois danses « brahmaniques ». Si la chorégraphie n’a rien de religieux, elle est éminemment érotique: « en l’honneur du dieu », la courtisane se dénude langoureusement. Sous couvert d’exotisme, Mata Hari vient d’inventer l’effeuillage.

Anonyme, Mata Hari exécutant une danse brahmanique au musée Guimet, 1905
Anonyme, Mata Hari exécutant une danse brahmanique au musée Guimet, 1905, RMN/Musée Guimet

Légitimée par ce spectacle donné chez Guimet, Mata Hari devient la coqueluche de Paris. Toute l’Europe la réclame, tandis que les amants se succèdent dans son lit. Mais la gloire est de courte durée : Mata Hari est concurrencée par d’autres danseuses de plus en plus nues et par la modernité des ballets russes. En 1910, son heure de gloire est définitivement passée.

Une espionne de pacotille

Désargentée, Mata Hari multiplie les amants. Elle aime beaucoup les militaires, quelque soit leur nationalité. L’appât du gain l’aurait d’abord conduit à espionner pour le compte de l’Allemagne. Éperdument amoureuse d’un jeune soldat russe blessé au front, elle cherche à obtenir un laisser-passer pour le rejoindre et accepte pour cela de devenir agent double pour la France (tout en réclamant un million de francs au passage!). Son manège est rapidement découvert par les Allemands, qui échangent alors des informations à son propos dans un code dont ils savent pertinemment qu’il est connu des Français.

Mata Hari est arrêtée le 13 février 1917 à Paris.  Condamnée à mort après un procès bâclé, elle est fusillée le 15 octobre 1917 à Vincennes.  Mata Hari, dangereuse espionne? Si la question a fait couler beaucoup d’encre, tout le monde s’accorde à reconnaître aujourd’hui qu’elle a surtout été victime naïve de ses propres mensonges et des manœuvres politiciennes. Que ce soit aux français ou aux allemands, elle n’a jamais délivré d’information exploitable. Il semblerait même qu’elle n’ait pas vraiment pris au sérieux sa mission d’espionne, y voyant surtout une activité lucrative et susceptible d’ajouter à son mythe.

Sacrifiée par les services secrets, abandonnée par ses (nombreux) amants, elle a surtout été une coupable idéale dans un contexte politique délicat. Son procès est instruit au lendemain de la tragédie du Chemin des Dames alors que l’opinion publique est obsédée par la crainte de l’ennemi de l’intérieur. Il faut au gouvernement une prise: belle et étrangère, Mata Hari est l’espionne parfaite pour remplir les colonnes des quotidiens.

Albums Reutlinger, Mata Hari, volume 39, vue 6
Albums Reutlinger, Mata Hari, volume 39, vue 6, Gallica/BnF

Au lendemain de l’exécution, le corps autrefois si prisé de la belle, non réclamé, est confié à la fac de médecine pour dissection. Voici comment finit la plus exotique des courtisanes de la Belle Epoque.

Une réflexion sur “ Mata Hari, courtisane, danseuse exotique et espionne ”

  • 4 novembre 2013 à 14 h 08 min
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    Coupable idéale c’est sur, belle, naïve peut-être, belle c’est discutable. A ton avis, qu’en pense les 343 connards ?

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