Dans un précédent article, je vous parlais de l’affichomanie, cette mode de collectionnisme née alors que l’affiche illustrée envahissait Paris. A quoi ressemblaient ces rues couvertes de papiers colorés? Les superbes images de Chéret, si convoitées aujourd’hui sur le marché de l’art, étaient elles-vraiment placardées sur les palissades, laissées aux outrages du vent et de la pluie? Les photographies d’Atget, disponibles en grand nombre sur Gallica, témoignent de la réclame à Paris autour de 1900.


L’oeil averti devine sur ces photographies quelques affiches passées à la postérité. Certaines d’entre-elles, présentes dans les collections du département des estampes, ont été numérisées et il est possible de les mettre en regard de ces vues parisiennes. L’exercice est cependant un peu difficile, du fait de la piètre résolution des numérisations d’Atget, mises en ligne en 2007. Les possibilités techniques ayant évoluées, Gallica s’est heureusement lancée dans une opération de re-numérisation de ses fonds précieux. Pour retrouver dans Gallica les documents qui ont servis aux montages qui suivent, cliquez sur les liens dans le texte!
En 1908, rue du Plat d’étain, Atget photographie quelques vieilles maisons. Au dessus de quelques charrettes des Halles de Paris, deux grandes affiches font la réclame des cycles Peugot.

Dans la même photographie, on distingue l’affiche composée par Jules Chéret pour les pastilles Géraudel. C’est encore elle que l’on devine sur le mur de la Maison de la Tête Noire, 39 Rue des Bourdonnais, deux ans plus tard. Si l’on en croit les datations fournies par le catalogue de la BnF, la composition d’une affiche publicitaire pouvait être exploitée durant plusieurs années…

Devant la gare Montparnasse, un kiosque à journaux est couvert d’affiches sur chacune de ses faces. Certaines sont des réclames des sociétés de chemin de fer, commecette affiche pour la très chic Côte d’Azur.

Rue Saint-Bon, c’est une affiche pour les machines Singer que l’on distingue, entre une publicité pour de la moutarde, une réclame pour la Suze et une annonce de vente de vêtements et de tissus de deuil au magasin « Au camélia ». L’affiche que j’ai trouvé sur Gallica pour la compagnie Singer est la première version (1870) de cette composition de Jules Chéret, qui a été reprise jusqu’au début du XXe avec des modifications…Cette réactualisation pendant plusieurs décennies par une même marque d’une composition publicitaire semble avoir été une pratique courante. C’est d’ailleurs assez logique: le consommateur habitué à une image, l’associe aisément à une marque, un produit…

Une petite infidélité à Atget pour une photographie de l’agence Rol, qui est en réalité à l’origine de ce billet. Très impressionnante, cette vue de l’église de la rue Réaumur, couverte d’affiches bien que plusieurs inscriptions rappellent l’interdiction d’afficher. Que ce soit sur les palissades ou sur les murs mêmes de l’église, on distingue très nettement plusieurs exemplaires de l’affiche pour l’entrepôt d’Ivry (livraison de charbon), réactualisation fin de siècle d’une affiche des années 1880, composée autour d’une lithographie de Daumier.

Au vu de ces photographies, on observe cependant que si l’on retient des années 1890-1910 les belles affiches illustrées de Mucha, Chéret, Toulouse-Lautrec, l’image n’était pas encore généralisée dans les réclames: ainsi beaucoup d’affiches sont encore uniquement typographiques.

Envie de voir plus de photographies des rues parisiennes couvertes d’affiches? Découvrez le tableau pinterest que j’y ai consacré!
J’ai un vrai faible pour l’histoire des affiches françaises. Elles reflètent à la fois la situation économique, la culture populaire, et les évolutions des techniques de la production d’image, avec en plus une dose d’auteurs de talents.
L’image dans la réclame à ce moment était une image d’auteur. Toulouse-Lautrec et comparses sont des artistes, leurs productions devaient se monnayer assez cher. Enfin j’espère !
Beau billet ! 😉
Merci! Comme toi, j’aime beaucoup l’histoire de l’affiche et je savoure chaque exposition consacrée au sujet. J’espère écrire d’autres billets à ce propos. Gallica est une mine d’or et propose plusieurs milliers d’affiches numérisées!
Ping : Paris couvert d'affiches | Belleville, histoire...
Marrant comme idée, vachequiresque, même : chercher des documents Gallica dans d’autres documents Gallica…
TOUT EST DANS GALLICA, TOUT EST GALLICA, amen.
J’aime bien 🙂
Mon rêve secret, c’est de vivre dans Gallica 😉
C’est superbe, passionnant, et bien documenté. Bravo et merci pour ce billet 🙂
Très intéressant croisement des murs photographiés et des affiches !
J’avoue moi-même être tombée totalement sous le charme des affiches depuis que j’en ai la charge dans un service d’archives… un pur régal ;-p
Je ne savais pas que tu travaillais dans un service d’archives!
Ping : Paris couvert d'affiches | Auprès de nos...
La bibliothèque Forney avait consacré une exposition assez amusante sur l’Histoire de France à travers la publicité l’année dernière d’ailleurs. Merci pour ce petit saut dans le temps !
Oui, je l’avais visité car c’est une thématique que j’aime beaucoup. Cependant j’avais préféré l’exposition qui avait eu lieu un an plus tôt aux arts décoratifs sur le même sujet… malheureusement sans catalogue!
Ping : Paris couvert d'affiches | History (will teach ...