C’était il y a un peu plus d’un mois, je traversais le Marais, ralliant la BPI depuis les Archives Nationales. Nous étions entre chien et loup, et comme j’aime le faire, j’explorais aléatoirement les combinaisons de ce chemin quotidien. Au détour de la rue des Blancs-Manteaux, la niche d’une fenêtre murée. Je ne l’avais jamais remarquée auparavant. Dans l’ouverture aveugle, un artiste des rues a niché une ville miniature et immense. Une invitation au voyage lointain et immobile.

Une accumulation de coupoles, de portes, de passages et d’escaliers dont on ne sait où ils mènent, comme accrochés à une colline infinie. Une cité aux bâtisses blotties les unes contre les autres, un espace saturé, un quartier en dénivelé, des rues étroites qui dévalent les pentes. Une ville dont le plan serait né du hasard des interstices entre les murs…

Un paysage de papier sur lequel mes souvenirs rebondissent: ces maisons, ces mosquées, ces balcons en appellent d’autres et je déroule dans ma mémoire le fil des souvenirs, des fragments de villes réelles et de cités imaginaires.
Il y a d’abord ce papier peint que j’ai longuement admiré au dernier étage d’une demeure champenoise. Infini, parfois presque étouffant, ce paysage là a nourri quelques errances éphémères.

Il y a ensuite ce mont sacré qui occupait un mur au fond de la Fresh Paint Gallery de Montréal. Pyramides, temples khmers, cathédrales gothiques, mosquées formaient une vertigineuse montagne couronnée par la Sagrada Familia.

Il y a aussi les villes « vécues », ces villes aux 7 collines, dont la topographies offre des points de vue sans cesse renouvelés. Ces villes où l’on déambule sans fin, grimpant, dégringolant d’un sommet à un autre. Les rues étroites se succèdent, s’enchevêtrent, et tout un coup, nos pas se heurtent à un vide. Le temps d’une pause, le souffle court, un fragment du paysage encadré par deux vieux immeubles. Une fenêtre sur la ville. Ce n’est rien, une parcelle à peine du tissus urbain, et pourtant nos yeux ne pourraient pas compter les milliers de bâtisses qui s’y agglutinent. Voici les villes que j’aime.


Ces villes où aucun point de vue n’est égal à un autre. De trouée en trouée, c’est un nouveau fragment qui s’offre aux yeux, un nouvel angle. Beaucoup d’endroits dominent la cité, mais aucun ne l’embrasse en entier, il y a toujours un pan de quartier qui se cache dans un pli de colline, sur un autre versant.


Et mes souvenirs reviennent aux villes dessinées, étagées comme des pièces montées. Une accumulation de monuments grandioses, dissimulée derrière le volet d’un panneau de bois du Soane’s Museum. Cette surprenante composition est un dessin de Joseph Michael Gandy, un proche de Soane, qui a dessiné tous les bâtiments construits par l’architecte anglais entre 1808 et 1815 (!).

Un autre dessin lui fait écho, ce joyau des dessins d’architecture de l’école des Beaux-Arts, une vue presque irréelle du Sanctuaire d’Apollon à Delphes, restauré par l’imagination d’Albert Tournaire, grand prix de Rome en 1888.

Il y en aurait bien d’autres à raccrocher à ce flux, mais j’aime laisser ma mémoire librement vagabonder d’images en images.

Et vous, que vous évoquent ces images?
Bonne trouvaille que de mettre en évidence cette représentation verticale de la ville. Les illustration sont rès belles.
Excusez la faute de frappe !
Ca n’est rien!
Je viens d’y penser, mais j’aurai pu parler de la Tour de Babel aussi, il y a de beaux tableaux qui frisent la « ville verticale ».
Une très belle découverte me concernant :).
Très heureuse de vous l’avoir offerte 🙂
J’adore ce genre de dessins mais aussi tous les univers construits autour.
Un de mes derniers achats niveau livre (crowndfunding réussi) a été Jadis (https://twitter.com/MealinPUI/status/666241087485407232) et tant dans les illustrations que la manière dont est construite l’histoire, c’est parfaitement ce que tu nous décris.
Assez incroyable ce qu’a fait Gandy au passage et ne connaissant pas le musée Soane, grâce à toi j’ai une chose de plus à visiter la prochaine fois !