Curiosité connue des amateurs, le phallus phénoménal appartient à un ensemble à part de l’œuvre gravé de Vivant Denon (1747-1825), le recueil priapique, composé de 23 estampes licencieuses.

Plus que pour son œuvre gravé, Vivant Denon est connu du public pour son rôle dans l’entreprise du Voyage en Egypte et pour son poste de premier directeur du musée du Louvre. Mais Denon fut aussi un graveur amateur et passionné, doublé d’un collectionneur acharné d’estampes. S’il a commercialisé certaines de ses œuvres, il n’a jamais cherché à vivre véritablement de cet art, sinon durant la Révolution. En 1792, alors qu’il traversait des difficultés financières, il rassemble sous le titre de recueil priapique 23 estampes à sujet érotique qu’il a gravées durant les dix années précédentes. Ces pièces, hétérogènes, sont pour certaines sorties tout droit de son imagination ; d’autres transcrivent des scènes érotiques qu’il a observées sur les vases antiques ou sur les parois des murs d’Herculanum pendant ses longs séjours en Italie.

Le but de cette publication était clairement de renflouer ses caisses, alors que la pension royale qui lui avait été accordée ne lui était plus versée en raison des événements révolutionnaires. Ambitieuse, cette publication ne fut probablement jamais commercialisée : de telles estampes licencieuses auraient, dans le contexte de la terreur, pu lui apporter de graves ennuis. Robespierre jugeait en effet que toute représentation immorale était une action antirévolutionnaire : il en fallait moins pour perdre une tête !

L’estampe la plus célèbre de ce recueil est le Phallus phénoménal. Un sexe masculin, géant, occupe toute la composition, entouré de petits personnages. L’estampe évoque bien sur le Guilliver échoué sur la plage de Lilliput, mais renvoie aussi aux monstrueuses baleines échouées sur les plages de Hollande, que les graveurs du XVIIe siècle ont plusieurs fois représentés.

Le sujet n’étonnera pas ceux qui connaissent Point de Lendemain, le roman libertin si célèbre de Vivant Denon. Pourtant les estampes du recueil priapique ne sont pas tant libertines que scabreuses : plus burlesques et grotesques qu’érotiques, elles se rattachent à la tradition des Caprices, dans laquelle Callot, Goya ou encore Rembrandt se sont illustrés. Peu surprenant quand on sait que l’œuvre gravé de Vivant Denon est marqué par les maîtres de l’eau-forte libre. Amateur éclairé, il appréciait tout particulièrement Rembrandt et Stefano Della Bella, dont il a beaucoup pastiché les œuvres tant par admiration que pour acquérir le métier.

Si vous avez envie d’offrir comme cadeau l’une de ces compositions, sachez que la Chalcographie conserve les cuivres de Vivant Denon et en commercialise toujours des tirages. Par ailleurs, pour les curieux, l’intégralité des œuvres priapiques est en ligne sur le site du British Museum.
Vivant Denon, toujours rêvé autour de son nom…
Moi aussi, je trouve son nom fascinant. Et que dire de l’oeuvre ? Prolifique, érudite, avec une touche d’humour. Le catalogue de l’exposition du Louvre (1999?) est un énorme pavé de 600 pages, où l’on découvre toutes les facettes de son existence. Comment un homme a-t-il pu abattre tant de travail, être à la fois graveur, collectionneur, écrivain, directeur du Louvre, grand manitou de la campagne en Egypte ?
Et surtout, après tout cela… Mourir dans son lit ?
Ping : Sex Actus *.* 1er mai, An XV - Eve de Candaulie
C’est touchant, ces à côtés des hommes si sérieux .