Lyonel Feininger & l’estampe – une exposition au MuMA

Jusqu’au 31 août 2015, le MuMa du Havre expose l’oeuvre graphique de Lyonel Feininger. De cet artiste américain qui a passé la majeure partie de sa carrière en Allemagne, on connaît surtout la grande Cathédrale, qui servit de frontispice au manifeste du Bauhaus. Pourtant, Lyonel Feininger est un artiste prolixe : caricaturiste, peintre, photographe, graveur, il s’est essayé à de nombreux médiums. L’exposition du Havre s’intéresse essentiellement à son travail de dessinateur et de graveur : une occasion rare de découvrir l’estampe allemande de la première moitié du XXe siècle, peu présente dans les collections françaises.

Lyonel Feininger, Ville avec église au soleil, 1918, xylographie. Collection privée
Lyonel Feininger, Ville avec église au soleil, 1918, xylographie. Collection privée

Entre Allemagne et États-Unis

Né aux États-Unis en 1871 dans une famille d’origine allemande, Lyonel Feininger va rapidement choisir une voie artistique. A la musique, pratiquée par ses proches, il préfère les Beaux-Arts. C’est en Europe qu’il se forme : Hambourg, Berlin et Paris sont les trois villes où il étudie, de 1887 à 1893. Il débute sa carrière comme caricaturiste de presse, ce qui lui fournit de quoi vivre. Ce n’est que dans les années 1910 qu’il abandonnera définitivement la caricature pour la peinture et l’estampe. Ses fréquents allers-retours entre Paris et Berlin lui permettent d’absorber les nouveautés artistiques proposées par les avant-gardes : fauvisme, cubisme et expressionnisme allemand viennent nourrir son langage plastique.

Lyonel Feininger, Flotte de guerre, huile sur toile, 1920. Collection privée
Lyonel Feininger, Flotte de guerre, huile sur toile, 1920. Collection privée

Le nom de Feininger est profondément associé au Bauhaus, l’école d’art fondée par Walter Gropius à Weimar. Dès 1919, Feininger est en charge de l’atelier d’art graphique. C’est à cette date qu’il signe son oeuvre la plus célèbre, Cathédrale, une gravure sur bois qui illustre le manifeste du Bauhaus. Bien que dispensé d’enseignement à partir de 1926, Feininger restera à l’Ecole jusqu’à sa fermeture par le régime nazi en 1933. C’est l’heure pour l’artiste de quitter définitivement l’Allemagne, alors que ses œuvres sont déclarées « dégénérées ».

Cathédrale, xylographie de Feininger pour le Bauhaus
Lyonel Feininger, Cathédrale, Grande planche, 1919, xylographie, frontispice pour le programme du Bauhaus. collection privée

Aux Etats-Unis, qu’il retrouve après cinquante ans d’absence, son nom est presque inconnu : il ne tarde cependant pas à y gagner une certaine aura, célébré par plusieurs expositions d’envergure. Il s’éteindra en 1956 dans la ville qui l’a vu naître, New-York.

Un représentant majeur de l’estampe allemande

De l’oeuvre abondante de Feininger, le MuMa retient essentiellement les estampes et les dessins. A ce titre, l’exposition n’est pas une rétrospective mais un regard porté sur l’oeuvre. Regard singulier qui plus est : celui d’un collectionneur passionné, qui a rassemblé, au fil des années, estampes, aquarelles et dessins. A travers ses choix, on découvre comment l’une et l’autre des pratiques se sont mutuellement nourries : ici, l’artiste interprète par la gravure un dessin réalisé quelques années auparavant ; là, il adopte le langage plastique de la taille douce dans sa pratique du dessin.

Dans le domaine de l’estampe, Feininger s’est essayé à toutes les techniques ou presque : il réalise ses premières eaux-fortes et lithographies en 1906, sur les conseils de Julia, une étudiante en arts graphiques qui deviendra son épouse. Mais c’est surtout avec la gravure sur bois, qu’il expérimente à partir de 1918, qu’il atteindra le plus haut degré de virtuosité. La xylographie, par son caractère brut et contrasté, offre un terrain de recherche idéal pour les expressionnistes allemands, qui sont nombreux à la pratiquer. En à peine deux ans, Feininger produit quelques 250 gravures sur bois, l’un des ensembles les plus importants de son oeuvre. On y retrouve les thèmes qui lui sont chers et qu’il a développés dans les autres médiums, en particulier l’architecture urbaine et les bateaux. Deux sujets qui font un heureux écho aux collections permanentes du MuMa, tournées vers le paysage moderne et les ports.

Inlassablement, Feininger réinterprète les mêmes motifs, avec toujours plus d’inventivité : la confrontation des impressions, d’apparence assez similaires, révèle une recherche plastique profonde sur la simplification et l’expressivité des formes. Feininger exploite l’irrégularité du bois et la texture du papier pour conférer une force graphique plus grande encore à ses oeuvres. Son travail sur le bois cessera cependant dès 1920 : il se consacre dès lors uniquement à l’enseignement de l’estampe, ne pratiquant plus lui-même qu’occasionnellement.

Lyonel Feininger, Sur la plage, 1910, eau-forte. Collection privée
Lyonel Feininger, Sur la plage, 1910, eau-forte. Collection privée

Informations pratiques : exposition au Musée d’art moderne André Malraux au Havre, jusqu’au 31 août 2015. 5 euros l’entrée (musée + exposition), fermé le mardi. Plus de renseignements sur le site du musée

Une réflexion sur “ Lyonel Feininger & l’estampe – une exposition au MuMA ”

  • 21 juillet 2015 à 18 h 29 min
    Permalink

    J’imagine fort bien l’alliance, dans ce si beau musée, entre les xylographies et les bateaux qui passent de l’autre côté des baies vitrées. Déjà, De Staël y fut si bien mis en scène…

    Réponse

Laisser un commentaire