Photographie et archéologie : une exposition au Musée Saint Raymond

Depuis son invention, la photographie a toujours été l’alliée de l’archéologie : photographier pour garder la trace de ce que l’on fouille, utiliser cette image pour faire avancer la recherche ou pour diffuser une découverte… L’exposition estivale du Musée Saint-Raymond invite les visiteurs à réfléchir sur le rôle de la photographie dans la pratique de l’archéologie. Une exposition qui est aussi un hommage aux archéologues et photographes locaux, puisqu’il est essentiellement question de chantiers toulousains. C’est aussi l’occasion de découvrir un patrimoine précieusement conservé dans les archives et rarement exposé.

Fouille du site de l'ancienne Caserne Niel, 2010, Archeodunum
Fouille du site de l’ancienne Caserne Niel, 2010, Archeodunum

Pourquoi photographier ?

Dès l’apparition de la photographie, en 1839, les érudits perçoivent l’intérêt que cette technologie présente aux arts et à l’archéologie. Reproduction mécanique du réel, le cliché offre une objectivité nouvelle et précieuse. Il faudra pourtant bien des années pour que la photographie supplante le dessin, qui demeure cependant encore pratiqué sur les chantiers de fouilles archéologiques. Depuis la fin du XVIIIe siècle, les découvertes s’accompagnent souvent de relevés, qui restituent plus ou moins précisément le contexte de la trouvaille. Au fil du temps, l’archéologie s’est constituée comme science, avec ses méthodes propres, et l’on n’enregistre plus seulement le contexte d’une découverte matérielle : aujourd’hui, tout chantier archéologique est soigneusement documenté et archivé, car tout élément est susceptible de servir un jour la connaissance.

Anonyme, Planche de photographies annotées, produite sur la fouille de la place du Capitole en 1971, DRAC Midi-Pyrenées
Anonyme, Planche de photographies annotées, produite sur la fouille de la place du Capitole en 1971, DRAC Midi-Pyrenées

Mais en 1839, si la photographie naissante enthousiasme les milieux érudits, elle ne permet pas tous les miracles : le matériel est encore lourd et coûteux et la prise de vue exige une grande luminosité et un temps de pose long. Par conséquent, c’est d’abord pour l’archéologie monumentale qu’elle est employée : les premiers clichés réalisés à Toulouse présentent des vues des monuments insignes de la ville. Le matériel s’améliorant, la photographie va se faire de plus en plus présente sur les chantiers archéologiques mais ne remplace pas tout de suite le dessin. Le cliché est en effet utile pour garder une vision générale des vestiges, tandis que les dessins permettent des relevés très techniques, qui amorcent déjà une analyse des mises aux jours. Aujourd’hui, les nouvelles technologies, comme la photogrammétrie ou la numérisation 3D permettent d’enregistrer des données encore plus précises : on sonde les sols et l’on produit des images tridimensionnelles du chantier dans son entier.

Une petite histoire de l’archéologie toulousaine

A travers les photographies d’archives exposées au Musée Saint-Raymond, c’est tout une histoire de l’archéologie toulousaine qui s’écrit : aux érudits amateurs du XIXe siècle, membres de Société archéologique du Midi de la France ont succédé les bénévoles passionnés de l’association d’archéologie du Touring Club de France puis les archéologues professionnels.

Album des portraits des membres de la Société archéologique du Midi de la France, vers 1860-1910.
Album des portraits des membres de la Société archéologique du Midi de la France, vers 1860-1910.

Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, la France se dote d’une réglementation archéologique stricte, ce qui n’empêche cependant pas certaines destructions dommageables et irréversibles. Ce n’est finalement que très récemment que les procédures de fouilles préventives ont été mises en place (2001), assurant théoriquement l’exploration de tout vestige présent sur un chantier de construction.

Jean Dieuzaide, Madame Favre transportant une amphore extraite du puits n°5 de la caserne Niel, en 1964, Toulouse, archives Jean Dieuzaide.
Jean Dieuzaide, Madame Favre transportant une amphore extraite du puits n°5 de la caserne Niel, en 1964, Toulouse, archives Jean Dieuzaide.

Il est assez émouvant de voir sur les clichés les silhouettes de ceux qui ont, décennie après décennie, révélé le passé ancien de la ville : ici de jeunes militaires prêtent main forte à la fouille d’un puits funéraire dans leur caserne, là une jeune femme porte fièrement une amphore exhumée de terre. Une aventure collective pour écrire le passé d’une cité et la livrer à ses habitants ! Pour le touriste de passage, les photos sont tout aussi impressionnantes : voici la place du Capitole éventrée, en 1971, pour le creusement d’un parking. Le chantier met au jour les vestiges de la porte nord de la ville. De ce monument important de l’histoire toulousaine, il ne reste aujourd’hui plus que ces photographies, les murs ayant été détruits à l’issue de la fouille.

G. Baccarbère, Morceau de mur antique de la porte nord, place du Capitole, avant sa destruction, 1971, Musée Saint-Raymond.
G. Baccarbère, Morceau de mur antique de la porte nord, place du Capitole, avant sa destruction, 1971, Musée Saint-Raymond.

Accompagnant les clichés, quelques noms reviennent : Eugène Trutat, conservateur du Museum, qui réalisa quelques 20 000 photographies de la ville rose dans la seconde moitié du XIXe siècle ; Jean Dieuzaide, photographe fameux de la ville au siècle suivant ou encore l’Abbé Georges Baccarbère, dont l’action a permis la sauvegarde de nombreux vestiges anciens.

Au delà de la question de la photographie, l’exposition présente les enjeux spécifiques de l’archéologie urbaine et ses thématiques récurrentes : les sites funéraires, les lieux de culte, l’habitat et les usages de l’eau… Là encore, les illustrations sont choisies parmi les fouilles toulousaines et dévoilent à petites touches 2000 ans d’histoire locale.

Les grands chantiers de fouilles archéologiques à Toulouse, photomontage tiré du dossier de presse.
Les grands chantiers de fouilles archéologiques à Toulouse, photomontage tiré du dossier de presse.

L’archéologie, l’affaire de tous

Comme l’archéologie est une pratique vivante, et que le patrimoine est l’affaire de tous, le visiteur est invité à prendre lui aussi en photo les vestiges et les lieux découverts lors de l’exposition et à les poster sur les réseaux sociaux.

L’an prochain, le Musée Saint-Raymond poursuivra son questionnement sur la pratique de l’archéologie avec une exposition destinée au public familial et consacrée aux métiers de l’archéologie.

Informations pratiques : l’exposition « Dans l’oeil du viseur. La photo révèle l’archéo » se tient jusqu’au 20 septembre 2015 au musée Saint-Raymond à Toulouse.

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