Journées du patrimoine : explorez les coulisses des musées !

Les Journées du Patrimoine sont l’occasion de pénétrer dans des monuments habituellement cachés à la vue du public, ou de profiter gratuitement d’une visite guidée. C’est aussi une belle opportunité de découvrir les coulisses du patrimoine : réserves de musées, d’archives ou de bibliothèques vous ouvrent leur porte. Conservateurs, restaurateurs, agents de la culture vous parlent de leur métier, de leur passion.

Réserves du musée des Arts et Métiers
Les réserves du musée des Arts et métiers

Note importante : les photos qui illustrent ces billets ont été prises lors de diverses visites effectuées ces dernières années. Tous les musées qui figurent sur les photos n’ouvrent pas leurs réserves durant les JEP : les clichés ont juste valeur documentaire et illustrative.

Un musée, ce n’est pas seulement des tableaux, un conservateur, un guide-conférencier et des gardiens. Non, un musée, c’est aussi plein d’autres gens, d’autres métiers : il y a le service éducatif, qui s’occupe de la médiation, le service de communication, qui assure le rayonnement du musée, le pôle documentation, les régisseurs, qui ont la charge de l’entretien des collections, les restaurateurs… Pour un gros musée, cela représente une armée de personnel; dans les plus petits en revanche, chaque agent a souvent plusieurs casquettes.

Dans certains musées, pour les journées du patrimoine, on vous proposera de pénétrer dans les réserves. C’est le cas au musée des Arts et Métiers à Paris (je vous en avais parlé dans cet article-là), mais aussi à Saint-Pierre-d’Oléron, Montbard, Saint-Martin-de-Ré, Chalon-sur-Saône, Angers, Angoulême, Meaux, Tulle, Nice et Montauban (la liste complète). Des agents vous expliqueront comment un musée conserve les œuvres : la température et l’humidité doivent être contrôlées et stables, sans quoi les œuvres peuvent se déformer, se désagréger, les moisissures se développer, les insectes coloniser. Le bois et les textiles sont des matériaux particulièrement sensibles aux attaques des bestioles, aussi on accorde un soin particulier à leur conservation. En cas d’infestation, des plans d’urgence sont prévus : les objets sont mis en quarantaine et traités, souvent à l’aide de fumigènes. Dans les cas extrêmes, on les anoxie, c’est-à-dire qu’on les place dans des bulles où l’on retire progressivement l’oxygène que l’on remplace par de l’azote, ce qui a pour conséquence de de tuer insectes, œufs et larves. Outre l’humidité, la chaleur et les insectes, la poussière est la grande ennemie de la conservation : là où la poussière s’accumule, la moisissure se développe ! C’est pourquoi les réserves les plus modernes bénéficient de système de filtration de l’air.

Végétaux en papier mâché, Musée national de l'Éducation, Rouen
Végétaux en papier mâché, Musée national de l’Éducation, Rouen

Dans les réserves, les artéfacts ne font pas que dormir. Régulièrement inspectés pour s’assurer de leur bon état, ils sont inventoriés, récolés, reconditionnés par des agents, que l’on appelle régisseurs. L’inventaire est l’inscription d’un objet à la liste des œuvres conservées par le musée : c’est un travail fastidieux, qui demande de décrire précisément l’œuvre, de la photographier, de la mesurer et de lui attribuer un numéro d’inventaire. Tous les dix ans, les collections doivent faire l’objet d’un récolement : on s’assure que tout est en place et en bon état, et qu’aucun objet n’a disparu. Le récolement est souvent l’occasion de mettre en place un chantier de collections plus ambitieux, qui consiste à entre autre à reconditionner les œuvres, c’est-à-dire de remplacer les boîtes qui les protègent. Car aujourd’hui, on évite dans la mesure du possible de poser les objets à même l’étagère. On préfère placer les artéfacts dans des boîtes qui les protégeront de la poussière et des chocs. Ces contenants doivent être dans des matériaux neutres pour éviter d’abîmer les œuvres. Pour les tableaux, on évite de les entreposer les un contre les autres sans protection : il vaut mieux les accrocher sur des grilles. Les statues seront couvertes de grandes feuilles souples de Mylar ou de Mélinex qui les protégeront des poussières. Tout cela a bien sûr un coût : le coût des matériaux, souvent spécifiques à la conservation, mais aussi le coût humain. Quand un musée conserve des centaines de milliers d’objets, il faut des années pour tout mettre aux normes de conservation.

Les œuvres sortent des réserves pour des expositions ou à la demande des chercheurs qui souhaitent les examiner. Il n’y a pas que des chefs-d’œuvre dans ces dépôts, loin de là : beaucoup d’artéfacts n’ont d’ailleurs d’intérêt que pour des spécialistes du sujet ou de la période. C’est notamment vrai pour les collections d’archéologie, qui alignent des milliers de tessons de céramique ou de cailloux qui paraissent « vulgaires » au profane mais passionnants pour le chercheur. Lors des journées du patrimoine, plusieurs musées ouvrent leurs réserves d’archéologie, notamment à Bougon, Chalon-sur-Saône et Saint-Romain-en-Gal.

La grande affaire qui fascine souvent le public, c’est la restauration. N’est-ce pas fascinant de voir, au musée d’Arles, un bateau de 2000 ans sorti du lit du fleuve ? Par quelle merveille de la science peut-on les exposer ? On s’émeut à imaginer le pinceau du restaurateur qui vient retoucher un manque sur un tableau célèbre de la Renaissance !

Centre de restauration et de recherche des Musées de France : Analyse d'un vase avec l'accélérateur de particule Aglae
Centre de recherche et restauration et de recherche des Musées de France : Analyse d’un vase avec l’accélérateur de particule Aglae

Il est aujourd’hui rare que des restaurateurs soient rattachés à un musée : c’est une profession libérale et les restaurateurs qui travaillent sur les œuvres des collections publiques sont souvent des prestataires qui ont remporté un appel d’offres. Néanmoins, certains établissements ont la chance d’avoir un restaurateur à domicile. Et surtout il existe le centre de restauration et de recherche des musées de France, qui assure le suivi et le conseil aux conservateurs de tous les musées labellisés du pays. Souvenez-vous, je vous en parlais dans ce billet. Malheureusement, ce lieu n’est pas ouvert au public pour les JEP. En revanche, vous pouvez visiter l’atelier de restauration et de conservation des photographies de la Ville de Paris, un lieu unique en Europe : je l’avais visité en 2013, c’est passionnant ! (édit: déjà complet pour les JEP 2015).

Atelier de restauration et de conservation des photographies de la Ville de Paris
Atelier de restauration et de conservation des photographies de la Ville de Paris

Chaque restaurateur a sa spécialité : intervenir sur un tableau, sur un dessin ou sur une porcelaine, cela n’a rien à voir !

Pour devenir restaurateur, il faut effectuer de longues études, aussi longues que celles de médecine (d’ailleurs, le restaurateur est un peu le chirurgien de l’art) ! Il existe plusieurs formations en France, dont celle de l’Institut national du Patrimoine, qui ouvrira justement ses portes au public ce week-end.
Ailleurs, vous pourrez assister à des démonstrations, comme au musée national du Sport à Nice, au musée de l’Armée à Paris, à l’hôtel de Sade à Saint-Rémy-de-Provence, au musée d’Aix-les-Bains… La liste est trop longue pour tous les citer : vous les retrouverez ici.

Nettoyage d'un coffre en bois, ivoire et os au musée d'archéologie et du vin de Champagne d'Epernay. Réouverture prévue en 2019. Photographie Claire Lemesle.
Nettoyage d’un coffre en bois, ivoire et os au musée d’archéologie et du vin de Champagne d’Epernay. Réouverture prévue en 2019. Photographie Claire Lemesle.

Aux amateurs de patrimoine industriel, roulant ou volant, plusieurs ateliers ouvrent leur porte, comme le chantier de restauration du train de Saujon ou l’atelier de restauration du Bourget.

Mention spéciale pour le musée de Nice, qui propose également une visite de son atelier de mannequinage. Le mannequinage, c’est une spécialité à part dans le monde de la régie des œuvres : cela consiste à manipuler et exposer les textiles. On imagine la fragilité d’une robe XVIIIe : la présenter au public exige un soin extrême, car le tissu a la fâcheuse manie de se déformer sous son propre poids ! Les mannequins qui servent à exposer les textiles sont faits sur mesure, pour assurer au costume la plus parfaite pose. Les meilleurs mannequinages sont ceux qui non seulement protègent le costume mais en plus reproduisent la morphologie des du corps absent sous le vêtement. Exposer un vêtement XVIIIe sur un mannequin taillé comme une femme d’aujourd’hui, imaginez l’hérésie !

Durant les journées du patrimoine, des ateliers de restaurateurs indépendants ouvrent aussi leurs portes, comme, à Nanterre, l’atelier de C. Chatelain, restauratrice de mobilier ou à Metz, où Philippe Tisserand est spécialisé dans le vitrail.

Aujourd’hui, pour assurer une diffusion large des collections, musées, bibliothèques et archives numérisent leurs œuvres et les mettent en ligne. À la bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris, aux Archives Nationales à Pierrefittes, au conservatoire du patrimoine écrit à Arles, des démonstrations de numérisation sont organisées.

atelier de numérisation Gallica Bibliothèque nationale de France
Le poste d’un opérateur de numérisation à la Bibliothèque nationale de France

Ceci n’est qu’un court aperçu de la diversité des événements proposés dans le cadre des Journées du Patrimoine. Bien d’autres métiers du patrimoine peuvent être découverts au gré des visites : je vous ai parlé hier des métiers des archives, il y a aussi ceux de la restauration des monuments historiques ou des bibliothèques. Je finirai mon billet par un lieu atypique que je porte dans mon cœur et à propos duquel je dois depuis longtemps écrire un article : les ateliers d’art de la Réunion des musées nationaux, qui produisent, à partir de matrices et moules anciens, des tirages d’estampe et de plâtre. Je vous avais déjà emmenés à la chalcographie en début d’année (à relire ici), il me reste à vous parler de l’atelier de moulages. Mais vous pouvez aussi ne pas m’attendre et le découvrir ce week-end !

Merci à Jean-Michel Girardot, relecteur attentif de ce blog et à Claire Lemesle, spécialiste en régie des œuvres, pour leur aide dans la préparation de ce billet. Toute ma gratitude aux professionnels qui m’ont accueilli dans les diverses institutions au cours de ces dernières années : C2RMF, Musée Boucher-de-Perthes à Abbeville, Ateliers d’art de la RMN, atelier de numérisation de la BnF, ARCP, Musée national de l’Education, Musée des Arts et Métiers. 

3 réflexions sur “ Journées du patrimoine : explorez les coulisses des musées ! ”

  • 17 septembre 2015 à 16 h 35 min
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    J’ai visité le musée départemental Arles antique l’année dernière et cette somptueuse barque est vraiment son attraction principale.
    Ce qui est très bien fait, c’est le petit film vidéo qui montre sa restauration de A à Z, depuis qu’on l’a découverte dans le Rhône, remontée puis, pendant plusieurs années, rendue à son état premier (ou supposé scientifiquement tel).

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    • 17 septembre 2015 à 16 h 37 min
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      Il y a la même chose à Marseille, au musée historique de la ville. Dans les deux cas (Marseille et Arles) mon ami et moi avons été scotché tant c’est fascinant et passionnant. J’aimerai beaucoup retourner dans ces deux musées qui m’ont beaucoup plu et publier des billets à leur propos.

      A Arles, j’ai aussi beaucoup apprécié la collection de sarcophages, superbe !

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  • 28 juillet 2016 à 17 h 21 min
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    Après avoir lu votre article je vais certainement organiser une visite à l’atelier de restauration et de conservation des photographies de la ville de Paris pour avoir une idée claire sur les travaux de restauration. Merci bien pour le partage.

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