Fin mai, je suis partie à vélo sur les routes de Normandie (principalement mais pas que…) pour rallier à vélo Paris au Mont-Saint-Michel en suivant la Véloscénie, un itinéraire de cyclotourisme. Dans le précédent billet, je vous proposais le récit des quatre premiers jours de notre voyage, de Paris à Alençon. Place à la suite de l’itinéraire ! Aujourd’hui, je vous mène d’Alençon au Mont !

Des questions sur le cyclotourisme et sur notre expérience ? Posez-les moi dans les commentaires ! Je vous proposerai prochainement un FAQ du cyclotouriste débutant !

Jour 5 : Ecrouves – Carrouges – Bagnoles de l’Orne – Domfront (69 kilomètres).
Après une bonne nuit de sommeil en pleine nature, il faut faire des choix : nous savons que cette journée va être chargée. Quatre-vingts kilomètres de vélo et trois visites : Alençon, Carrouges, Bagnoles-de-l’Orne. Il faut se rendre à l’évidence, j’ai eu les yeux plus gros que le ventre, nous ne pourrons pas tout faire ! Nous renonçons au crochet par Alençon initialement prévu : tant pis pour la dentelle et la jolie église Notre-Dame, ce sera pour la prochaine fois !
L’itinéraire est encore assez vallonné. Depuis la Véloscénie, nous voyons à l’horizon la Butte Chaumont, l’un des plus hauts points de Normandie. Heureusement, nous n’y grimperons pas !

Nous arrivons à Carrouges pour le déjeuner. L’arrivée au village se mérite : il est perché sur une hauteur. Après un copieux déjeuner, nous redescendons à toute trombe de la colline pour visiter le château, construit en contrebas.
Les briques du château de Carrouges
L’origine du château de Carrouges remonte au XIVe siècle : alors que la guerre de Cent Ans fait rage, une forteresse est établie en cette zone stratégique, à la frontière de la Normandie et du Maine. De cette forteresse ne subsiste que le donjon, intégré aux constructions ultérieures. Au XVe siècle justement, les Blosset de Saint-Pierre transforment le château en érigeant un logis, qui sera complété, au XVIe siècle, par deux ailes dites « classiques » de façon à fermer complètement la cour.
A la toute fin du XVe siècle, suite à une alliance, le château passe aux mains des Le Veuneur de Tillières. Cette famille en restera propriétaire pendant cinq siècles : en 1936, le dernier comte, sans descendance mâle et criblé de dettes, cède à l’État le château, classé Monument historique dix ans plus tôt.

Mais Marie Gaston Tanneguy IX ne se contente pas de vendre les murs : il laisse dans le château l’intégralité du mobilier qu’il contient, y compris les portraits de ses ancêtres. C’est ainsi que l’on peut admirer, dans le « salon des portraits », les visages de quatorze générations de Le Veneur de Thilliers ! C’est assez amusant d’observer l’évolution des attitudes et des costumes…

L’intérieur du château ne se visite qu’accompagné d’un guide : on y découvre une douzaine de salles. Dans chacune, des objets ou des détails méritent qu’on y prête attention : dans la chambre de Louis XI, le décor, postérieur à la venue du roi, semble inspiré d’estampes d’Abraham Bosse (XVIIe siècle) ; dans la salle à manger, deux fontaines, encastrées dans le mur, témoignent d’un usage nouveau : celui de se laver les mains avant de passer à table.

Mais ce que l’on retiendra surtout de Carrouges, c’est sa jolie architecture de briques : les architectes ont su jouer sur les différentes couleurs de ce matériau pour créer des motifs qui animent les façades. L’escalier d’honneur est remarquable pour l’assemblage harmonieux de ses briques, monochromes.

L’élément le plus célèbre du château demeure tout de même son châtelet d’entrée, élevé au tout début du XVIe siècle et qui passe pour être l’un des premiers témoins de l’architecture Renaissance en France.

Découvrir le Parc « Normandie-Maine »
Juste à côté du château, une ancienne chanoinerie a été transformée en Maison du Parc. Car nous sommes en plein parc naturel « Normandie-Maine », l’un des cinquante-et-un parcs régionaux français. Le parc « Normandie-Maine » est remarquable pour ses bocages, ses forêts et sa topographie particulière avec ses reliefs marqués (il englobe les « monts » normands, parmi les plus hauts points de la région Ouest).

Pendant que Christophe répare son vélo (il a quelques problèmes de freins), je visite l’espace muséographique de la Maison du Parc, qui aborde de nombreuses thématiques environnementales (la faune et la flore du parc, la gestion de l’eau). J’y apprends surtout de nombreuses choses sur les vergers et les deux produits emblématiques de la Normandie : le cidre et le poiré. La culture de la pomme s’est développée en Normandie au milieu du Moyen-Âge. À partir du XIIIe siècle, la production de cidre prend son essor, entraînant progressivement la disparition de la vigne dans cette région (il faut avouer que le vin normand était de piètre qualité). Dès lors, et pendant plusieurs siècles, le cidre va figurer parmi les boissons les plus consommées et appréciées, d’autant qu’il est peu onéreux. Autres époques, autres moeurs, le cidre est boudé par les Français au milieu du XXe siècle et sa production ralentie, avant d’être relancée, ces dernières décennies, par l’attrait nouveau pour les boissons de terroir et les breuvages modérément alcoolisés. Mais entre-temps, la Normandie a perdu beaucoup de ses vergers, et surtout la diversité des variétés, qui faisait la force de sa production. C’est là que le parc Normandie-Maine intervient, avec son verger conservatoire, destiné à sauvegarder et réimplanter le patrimoine génétique du terroir. Ici sont cultivées près de 150 variétés de pommes et de poires, et le conservatoire fournit aux cultivateurs et aux particuliers des greffes afin de réimplanter ces variétés rares sur le territoire. Dans cette région, les vergers sont plantés de deux façons : soit en « pré-verger » , avec des arbres assez éloignés les uns des autres pour conserver un bel herbage, dans lequel les bêtes vont pâturer ; soit en « verger en couronne », c’est-à-dire avec des arbres plantés en pourtour du champ, doublant les haies.

Prendre les eaux à Bagnoles ?
Il fait encore très chaud quand nous repartons, vers 16h30. Heureusement, nous atteignons rapidement une zone boisée : la forêt de la Motte. Sur les petites routes de campagne, nous croisons quelques bolides de luxe : pas de doute, nous sommes bientôt arrivés à Bagnoles-de-l’Orne !

Ville thermale lancée à la fin du XIXe siècle et durant l’entre-deux-guerres, Bagnoles-de-l’Orne semble tout à fait incongrue au coeur de la campagne normande : une vraie création touristique et chic ! Autour d’un petit lac, se déploient un Casino, de vastes établissements, des hôtels et des dizaines de villas « Belle Epoque », toutes plus pittoresques les unes que les autres.
Nous ne nous attardons pas longtemps sur les bords du lac de Bagnoles, malgré mon envie pressante d’une glace au chocolat (comment ne pas être tentée ?) : il nous reste encore une vingtaine de kilomètres pour atteindre notre bivouac.
La sortie de Bagnoles n’est pas très agréable puisque la véloscénie emprunte une longue route en ligne droite en pleine forêt… Je suis fatiguée et cela me semble ne jamais en finir. Heureusement, une fois quittée la voie partagée avec les automobiles, nous profitons des sentiers forestiers et de petites routes de campagne, baignées de la lumière dorée de fin de journée.
Notre étape de la nuit est la plus attendue du séjour : nous testons pour la première fois le camping à la ferme. Une très belle expérience : nous sommes cinq couples (dont trois en voyage cyclo) à nous partager un vaste verger planté d’une herbe là encore aussi épaisse que confortable. Les vaches, dans le champ d’à côté doivent se régaler ! Nous plantons notre tente sous un poirier avant de déguster les produits vendus par cette ferme biologique. Une petite cuisine est mise à disposition des campeurs. Royal ! Cette nuitée est aussi pour nous l’occasion d’expérimenter les toilettes sèches (vite adoptés !).

Jour 6 : Domfront – Ducey (74 km)
Lorsque nous nous levons, ce vendredi matin, nous savons que la journée va bien commencer : nous allons bien manger ! La veille, nous avons commandé un petit déjeuner bio à la ferme. A l’ombre de notre poirier, nous dégustons les crêpes et confitures maison. Le pain, délicieux, a été pétri par le boulanger du coin avec la farine de l’exploitation. Le jus de pommes vient du verger dans lequel nous sommes. Quant au lait et au fromage blanc que nous dégustons, ce sont les vaches qui broutent dans le champ d’à côté qui l’ont produit. Pas de doute, nous reviendrons un jour où l’autre dans ce petit coin de paradis !

Domfront, entre ruines médiévales et architecture Art Déco
Mais pour l’heure, il faut se décider à partir : nous allons visiter Domfront, à un jet de pierre. Domfront est une jolie cité médiévale, qui surplombe la campagne alentour. Nous parcourons les petites rues, à la recherche des échauguettes, avant d’aller admirer les ruines du château fort, démantelé au XVIIe siècle.

Mais ce que nous retiendrons surtout de Domfront, c’est son église Art Déco. En 1923, on décide de remplacer l’église du XVIIIe siècle, qu’une tempête a endommagée, par un édifice plus moderne. Les choix architecturaux sont radicaux : l’architecte, Albert Guilbert opte pour une construction en béton armé, deux ans seulement après la construction de l’église Notre-Dame-du-Raincy par Auguste Perret. Ce dernier avait été le premier à oser employer le béton armé pour la construction d’un édifice religieux. Mais si l’aspect de Notre-Dame-du-Raincy est très novateur et moderne, Albert Guilbert adopte au contraire des références historiques fortes en donnant à l’édifice un style néo-byzantin… teinté d’art déco. Les mosaïques et les verrières sont signées Jean Gaudin.

L’effet d’ensemble est merveilleux, surtout avec la belle lumière du soleil qui vient frapper les tesselles dorées. Je mesure la chance que nous avons de contempler ce spectacle : nous serions venus dix ans plus tôt, nous aurions trouvé porte close. L’église Saint-Julien, comme la plupart des églises construites en béton armé, a beaucoup souffert du passage du temps et menaçait ruine. Par mesure de sécurité, elle avait fermé au public en 2006 et ce n’est qu’au terme d’une campagne de restauration qu’elle a rouvert en 2013. Un chantier qui pourrait d’ailleurs bientôt reprendre, car les décors intérieurs sont toujours en attente de nettoyage.
Le spectacle des cascades de Mortain
De Domfront à Ducey, nous retrouvons une voie verte, là encore aménagée sur une ancienne voie de chemin de fer. Il fait très chaud, et nous ne cachons pas notre joie d’être abrités du soleil par l’ombre des arbres, même si l’on ne profite pas beaucoup des petits villages qui bordent la voie. Heureusement, les anciennes gares et postes de gardes-barrières, dont beaucoup ont été convertis en habitations, rythment notre progression en nous donnant le nom des localités. Vers 14h, nous atteignons Romagny. C’est là que débute le détour par Mortain. Le relief est très accidenté. On m’a prévenue : la montée pour atteindre la bourgade est difficile. C’est en fait la plus difficile côte que nous ayons eu à gravir depuis que nous faisons du cyclotourisme. J’abandonne d’ailleurs vite pour pousser (dans la douleur) mon vélo jusqu’au sommet. Mais il fallait bien cela pour obtenir le précieux sésame, à savoir le tampon de la ville sur ma carte de route. Mortain est en effet l’un des trente lieux de Normandie inscrits au Brevet des Provinces françaises !

Délestés de nos vélos et de nos sacoches à l’office du Tourisme, nous avons deux heures pour explorer la ville et découvrir son attraction principale, à savoir ses cascades. Oui, des cascades ! Oui, en Normandie ! Je suis très surprise de découvrir, dans cette vallée étroite, un paysage qui me rappelle la montagne. Et pour cause : il y a des millions d’années, s’élevait ici un massif montagneux dont les plus hauts sommets dépassaient le Mont-Blanc actuel ! Ne subsistent aujourd’hui que quelques vestiges de ce paysage disparu….

Au départ de l’office de tourisme, nous empruntons un joli circuit, très escarpé, qui me vaudra des courbatures bien pires que celles occasionnées par le vélo. Mais quelles vues ! C’est une de nos plus jolies étapes du voyage. Après avoir fait trempette dans la rafraîchissante eau de la petite cascade, nous grimpons (par un chemin) au sommet du Rocher de l’Aiguille (vertigineux!) et sur le rocher brûlé, d’où nous pouvons embrasser tout Mortain. La ville, détruite à 80% pendant les bombardements de 1944 a été en grande partie reconstruite en granit, ce qui donne à l’ensemble une belle harmonie grise, bleue et brune… Nous poursuivons notre chemin jusqu’à la grande cascade, la plus haute de l’Ouest de la France avec sa chute de 25 mètres. Si nous avions eu le temps, nous aurions pu prolonger la promenade jusqu’à la chapelle de Saint-Michel, qui surplombe Mortain à 323 mètres au-dessus de la mer, et qui offre un panorama remarquable sur la campagne alentour. Par un jour de si beau temps, nul doute que l’on y aurait aperçu le Mont-Saint-Michel !
Mais il est déjà temps de reprendre nos vélos : nous roulons rapidement pour atteindre Ducey et son joli château, dû aux Montgomery. Nous n’avons réservé aucun hébergement et nous avons peur de trouver tous les campings complets. Nous dormirons au petit camping municipal de Ducey, sans charme.
Jour 7 : Ducey-Mont-Saint-Michel-Avranches (60 km)
Enfin ! Au septième jour de notre périple, nous atteignons le but du voyage : le Mont-Saint-Michel n’est plus qu’à une trentaine de kilomètres ! La véloscénie serpente à travers la campagne pour éviter les gros axes encombrés de voitures. Malheureusement pour nous, nous sommes tombés sur le mauvais jour pour faire cette dernière étape, puisqu’un marathon a lieu et emprunte notre itinéraire. Nous devons (non sans mal), trouver des routes alternatives pour éviter les coureurs… Un peu avant Courtils, nous apercevons pour la première fois le Mont-Saint-Michel au loin. Quel spectacle ! C’est autre chose que d’arriver en voiture jusqu’au parking. Pendant près d’une heure, nous jouons à cache-cache avec le monument qui apparaît et disparaît à l’horizon.

A l’entrée de Beauvoir, finis les jolies et calmes routes de campagne : nous rejoignons le flot des touristes motorisés ! Il va falloir se rendre à l’évidence, nous avons choisi un des pires jours de l’année pour visiter le Mont-Saint-Michel : un samedi en plein pont de l’Ascension. Nous déjeunons rapidement avant de parcourir les derniers kilomètres. Heureusement, une voie verte a été aménagée le long du Couesnon, ce qui nous épargne le flux des automobiles. Nous ne sommes qu’à quelques coups de pédales de la Merveille !

Visiter le Mont à vélo ?
C’est le moment de parler du sujet qui fâche : depuis l’installation de la nouvelle passerelle, l’accès au Mont-Saint-Michel est fortement réglementé pour les cyclistes. La traversée est autorisée aux cyclistes uniquement l’hiver. Le reste de l’année, la circulation cyclable est interdite de 10h à 18h. Ce jour-là, en raison du marathon et du trail, l’accès n’était pas très contrôlé et nous avons croisé plusieurs vélos jusqu’au pied du Mont. Mais quand bien même on puisse atteindre le Mont à vélo, aucun point d’attache n’est disponible pour les montures !
Les cyclotouristes sont donc invités à laisser leur vélo au parking prévu à cet effet, puis à emprunter les navettes. Cela laisse un petit goût d’inachevé après 450 kilomètres le long de la véloscénie !
Personnellement, cela ne me dérange pas plus que cela de laisser mon vélo sur la rive, mais encore faudrait-il que le parking soit adapté : ce sont de simples arceaux, installés en plein soleil et sans aucune surveillance (on préfère toujours laisser nos vélos face à un office du tourisme). Plus embêtant : rien a été prévu pour les bagages des cyclotouristes (les consignes ont été fermées en raison de Vigipirate). S’il n’est pas trop dérangeant de laisser son vélo et ses bagages en pleine rue dans les petits villages, c’est autrement plus embêtant dans les zones urbaines ou très touristiques. Heureusement, nous avons bénéficié de la solidarité d’un propriétaire de chambres d’hôtes qui a bien voulu garder nos sacoches toute la journée !
Le tour du Mont-Saint-Michel… en deux heures !
Mais reprenons le fil de notre récit. Arrivés au pied du Mont, ayant fait la photo souvenir qui convient, nous nous attaquons à la visite. La rue principale, nous nous y attendions, est pleine de monde et il est difficile d’y circuler : nous profitons du premier escalier transversal pour nous échapper ! Nous gravissons vite la pente pour atteindre l’abbaye. S’il y a foule dans le village, les flux sont plus mesurés dans le monument.

Comment résumer en quelques lignes la riche histoire d’un des monuments les plus célèbres de France ? L’origine du Mont-Tombe est entourée de mystères : il est probable que le lieu ait été utilisé à des fins cultuelles dès le Néolithique. Mais l’histoire du Mont tel que nous le connaissons commence en 708 quand l’évêque Aubert y fait élever un premier sanctuaire consacré à l’archange Michel. Autour de l’an 1000, le monastère qui a pris place sur le rocher connaît un essor considérable et devient un des plus importants lieux de pèlerinage de l’Occident. Les pèlerins enrichissent l’abbaye, qui accroît progressivement ses possessions terriennes. Cet afflux de richesse permet l’adjonction progressive de nouveaux bâtiments. Se promener au Mont-Saint-Michel, c’est admirer la puissance des constructions médiévales, accrochées au rocher : c’est un dédale de salles immenses et d’escaliers abrupts, empilés les uns sur les autres pour ne gaspiller aucun espace. Comment ne pas être fasciné par cet enchevêtrement de bâtiments d’époques différentes ? Difficile parfois de s’y retrouver, de situer les pièces les unes par rapport aux autres… Heureusement, j’ai encore précisément en tête la pédagogique maquette de la Merveille, récemment restaurée par la Cité de l’Architecture, et dont je vous avais précédemment parlé.
Nous sommes subjugués par la beauté de l’architecture, le dépouillement du réfectoire des moines, la puissance des piliers de la crypte et l’élégance du chœur de l’abbatiale. A mon grand regret, nous ne pouvons admirer le délicat cloître, actuellement en restauration.
Une fois la visite de l’Abbaye terminée, il faut songer à reprendre la route : nous avons réservé au Power Salad Camping d’Avranches (un camping à la ferme), et une trentaine de kilomètres nous attendent. Je dois renoncer à la glace de la victoire sur les remparts du Mont-Saint-Michel (mon objectif secret depuis le début du voyage).
Malheureusement, il semble que j’ai pris une petite insolation sur la passerelle qui nous ramenait sur la rive, et le retour est très difficile : je manque de faire un malaise à Pontaubault. Je me réjouis tout de même du spectacle des moutons broutant dans les prés salés, c’est tellement « carte postale » . Nous atteignons Avranches vers 19h30.

Nous atterrissons dans le lieu le plus atypique de notre séjour : la Power Salad Farm, une ferme urbaine en bordure d’Avranches, juste derrière le jardin des plantes de la ville. Sur un terrain en pente, au centre duquel trône une vieille serre pleine de charme, alternent massifs de plantes comestibles et petites pelouses. Les backpackers sont invités à planter leur tente là où cela leur chante. Nous l’avons, notre chambre avec vue sur le Mont-Saint-Michel ! Un vieux poney se promène en liberté sur le terrain, et nous découvrirons le lendemain au réveil que nous avions pour voisin un gros cochon ! L’endroit a des allures de paradis sur terre : dommage que l’autoroute passe en contrebas… (ce qui ne nous cependant a pas empêché de dormir).

Pour fêter la fin de notre voyage, nous nous offrons un délicieux dîner dans un petit restaurant gastronomique, Le Littré. Nous savons que la journée de dimanche sera longue, puisqu’il faut regagner Paris par le train. Avec deux vélos, un retour de grand week-end, cela s’annonce sportif.
Jour 8 : Avranches et le retour en train (11 km)
Il y a peu de trains qui s’arrêtent dans la petite gare d’Avranches : le premier TER à faire la liaison avec Caen passe à quatorze heures. Nous profitons donc de la matinée pour visiter le Scriptorial d’Avanches, un musée principalement consacré aux manuscrits du Mont-Saint-Michel. A la Révolution, quand les biens de l’abbaye furent confisqués, la bibliothèque de l’établissement religieux fut transférée à Avranches. C’est la bibliothèque municipale qui est aujourd’hui dépositaire du précieux trésor…
Trésors enluminés du Scriptorial d’Avranches
Le Scriptorial expose tout d’abord, avec pédagogie, l’histoire du Mont-Saint-Michel (et de sa région) : des maquettes, colorées, permettent de mieux comprendre l’évolution du monument à travers les âges. Des objets issus de fouilles, des oeuvres religieuses viennent illustrer le propos (c’est ce qui manque lorsqu’on visite l’Abbaye, vidée de tout son mobilier). J’ai particulièrement apprécié les vitrines consacrées aux enseignes de pèlerinage, des sortes de petits « pins » en plomb que les pèlerins achetaient comme souvenir de leur passage. Les produits dérivés touristiques avant l’heure ! Le musée ne les évoque pas, mais il faut savoir que l’on trouvait parfois, parmi les étals des marchands d’enseignes, des broches à motifs… peu chrétiens (scatologie, érotisme) ! Au Scriptorial sont non seulement présentés des enseignes en plomb mais aussi des moules servant à leur réalisation, trouvés lors de fouilles archéologiques, ce qui permet de mieux comprendre la production.
L’essentiel du parcours muséographique est consacré à l’histoire des manuscrits du Mont-Saint-Michel : plusieurs salles détaillent le processus de fabrication des manuscrits médiévaux. Le propos est là encore pédagogique et adapté à tous les publics. Enfin, nous accédons au clou du musée : la salle du trésor où sont exposés par roulement quelques-uns des manuscrits provenant de l’abbaye. La plupart de ces documents sont numérisés et sont accessibles en ligne sur le site de la bibliothèque virtuelle du Mont-Saint-Michel.

Un retour périlleux !
Treize heures : le moment tant redouté est arrivé ! Sous une fine pluie, nous descendons à la gare. Nous n’avons pas de billet, faute d’avoir pu en acheter en ligne (Voyages-sncf n’est pas très fort avec les vélos, c’est inouï !). Au guichet d’Avranches, on nous vend un aller en TER jusqu’à Caen. Impossible d’obtenir un billet pour Paris, malgré les efforts de la guichetière : le logiciel refuse de les vendre. Sur le quai, il y a d’autres cyclotouristes. Nous commençons à craindre de ne pas pouvoir monter dans le train, d’autant que celui-ci vient du Mont-Saint-Michel : Comment ferons-nous si d’autres vélos sont déjà à bord ? Le train arrive, les portes s’ouvrent et… toutes nos craintes sont confirmées. L’espace vélo est déjà plein ! Un tandem, deux crochets cassés, six vélos entassés tant bien que mal dans l’allée. Heureusement, malgré le sureffectif, la contrôleuse, bienveillante et franchement courageuse, nous laisse embarquer. Nous ferons tout le trajet serrés comme des sardines, le train se chargeant à chaque arrêt de nouveaux voyageurs… et de nouveaux vélos ! Au plus fort du voyage, une douzaine de vélos étaient entassés dans le compartiment et nous avons dû tenir nos vélos à la verticale pendant une vingtaine de minutes. Tout déplacement de voyageurs, notamment pour atteindre les toilettes exigeait toute une organisation digne de Tetris. La SNCF n’avait visiblement pas adapté le nombre de wagons à l’affluence d’un long week-end. Nous arrivons à Caen très en retard. N’ayant pas de billet pour la correspondance immédiate, nous décidons d’opter pour un train en soirée, moins chargé et nous profitons des quatre heures de battement pour faire un petit tour dans Caen et pour dîner en terrasse. La liaison Caen-Paris s’avère beaucoup moins sportive : nous avons attrapé les deux derniers emplacements vélo !
Débarqués à Saint-Lazare (encore avec du retard), nous traversons Paris les yeux rivés sur le compteur : atteindrons-nous les 500 kilomètres ? Au pied de l’immeuble, le verdict tombe : 499,86 km. Raté !
Une question ? une curiosité à assouvir ? Je prépare une FAQ « Débuter en cyclotourisme »… Alors n’hésitez plus, posez vos questions dans les commentaires !
Bravo !
Merci pour ce compte rendu qui donne bien envie de tenter l’expérience.
Oh oui ! C’est vraiment chaudement recommandé !
Super article. Le passage qu Mont saint michel est une corvée en cette saison, c’est beaucoup plus agréable à l’automne ou au printemps sans la foule. Pour le chateau de Carrouges, c’est un chatelet à l’entrée. Etant presque Caennais, qu’as tu vu à Caen ?
Je confirme pour le Mont-Saint-Michel. Une partie des photos qui illustre le billet a d’ailleurs été prise au printemps 2014 : j’avais alors pu photographier la quasi totalité des salles sans un touriste dedans !! Il faudra d’ailleurs que j’écrive mon billet sur le Mont un de ces jours…
A Caen, on a surtout vu les terrasses des cafés, j’avoue. On a rapidement fait le tour du centre ville à vélo, admirer l’extérieur des belles églises. J’aurais beaucoup aimé visiter l’exposition sur l’Art Flamand, mais on était vraiment crevés…
Merci pour la coquille sur Carrouges, je vais aller corriger !
Merci pour ces deux magnifiques »reportages » .Cela me permet de rever puisque je ne sors plus de ma chambre …J’attends déjà une autre promenade ;Merci encore
Merci pour ce commentaire, voici ce qui me motive à écrire plus 🙂
Bonjour ! Merci beaucoup pour ces deux bels articles qui font découvrir à vos lecteurs le grand et petit patrimoine le long de La Véloscénie 🙂