J’imagine que vous faites comme moi : vous cherchez des infos sur un château, des peintures d’un artiste ; Google vous amène à Wikipédia et Wikipédia vous amène à Wikicommons, cette immense photothèque mondiale et libre de droits. Parfois vous trouvez votre bonheur, d’autres fois non.

Wikicommons, j’en use et j’en abuse. Je suis, depuis longtemps, une grande utilisatrice de Wikipédia, un projet dont j’admire la force et l’architecture. Je me disais, depuis longtemps aussi, qu’il fallait que j’y contribue, notamment sur le volet « images ». Dix ans à évoluer dans le milieu de l’histoire de l’art, ça fait un beau stock de photos qui dort sur un disque dur. Cinq ans de blogging culturel aussi : un beau gisement de clichés de monuments difficilement accessibles hors Journées du Patrimoine…
Dommage de garder tout ça pour moi, d’autant que j’estime qu’il me faut rendre au Web un peu de tout ce qu’il m’a donné. Avoir un blog. Contribuer à des projets Wikimédia.
WikiLovesMonuments, Kezaco ?
Voilà un an que j’avais noté la date du concours WikiLovesMonuments. Un concours photo, certes, mais plus encore une occasion d’enrichir Wikicommons en illustrations de Monuments Historiques. Pour moi, cet aspect a beaucoup plus d’intérêt que de faire de jolies photos.
Le principe est simple : le concours a lieu en septembre et vous avez un mois pour verser une ou plusieurs photographies figurant un monument classé ou inscrit au titre des Monuments Historiques. Facile, en France, il y en a plus de 43 000 !
Le monument de votre cœur est déjà illustré ? Pas de problème, d’autres photographies sont les bienvenues (… surtout si elles permettent de voir des aspects du monument non illustré jusqu’à présent). Seule restriction : les monuments inscrits ou classés, mais encore soumis au droit d’auteur (c’est-à-dire, pour résumer rapidement, dont le ou les créateurs sont décédés depuis moins de 70 ans).
Mon WikiLovesMonuments
Bon, je l’avoue, je m’étais promis, dès octobre 2016, de participer au #WLM2017. J’avais un an pour me préparer, faire l’inventaire de mes disques durs, lister les monuments en mal de clichés sur Wikicommons, dessiner un plan d’attaque… Et fidèle à mes mauvaises habitudes, j’ai attendu le dernier soir (le 30 septembre, 18h) pour apporter ma pierre à l’édifice.
Ce qui ne m’a pas empêchée de verser plus de 250 photographies en quelques heures ! (Vraiment, qu’est-ce que ça aurait été si j’avais bien tout planifié sur un mois ? 2018 nous le dira !)
Au début, je pensais fouiller dans mes disques durs pour verser des photographies de Monuments Historiques inaccessibles au public et me concentrer sur des lieux non illustrés. J’avais notamment en tête de verser des photographies des toitures du château de Maisons-Laffitte — admirées en juin dernier, comme je le racontais dans un précédent billet. J’ai finalement navigué au gré de mes souvenirs de vacances, aidé dans ma tâche par l’énorme travail fourni par les Wikimédiens, à savoir, des extractions automatiques des Monuments inscrits ou classés par départements et une carte dynamique de ces derniers, avec, en rouge, ceux dépourvus de photographies.

À ma grande déception, je n’ai trouvé aucun monument non illustré à illustrer de mes photos (sauf le monument aux morts de Bayonne, qui était malheureusement encore sous droit, je me suis faite avoir comme une bleue !). En revanche, je me suis rapidement rendu compte que certains monuments ouverts au public et relativement célèbres manquaient cruellement d’une bonne couverture photographique, comme le château d’Oiron, auquel j’avais consacré un billet de blog en 2015. J’ai donc décidé de me concentrer sur l’illustration d’un petit nombre de monuments, mais pour lesquels je pouvais télécharger beaucoup de photos. Mes contributions se sont donc portées sur les sites suivants :
Le château d’Oiron, chef-d’œuvre architectural perdu dans le Poitou. Si le bâti extérieur était déjà illustré par quelques photos, je me suis aperçue qu’il n’y avait quasiment aucune image de l’intérieur du château. Or, Oiron recèle quelques trésors : une magnifique galerie peinte de la Renaissance française, dite Galerie de l’Histoire de Troie ; des plafonds du XVIIe siècle parfaitement conservés. Comment ces trésors pouvaient-ils manquer à Wikicommons ?

Un contributeur (qui s’est révélé être mon ami Daniel Clauzier) avait déjà versé quelques clichés du salon des Muses (XVIIe siècle), que j’ai complétés de mes propres photographies ; mais rien ou presque n’illustrait la Galerie de l’Histoire de Troie. Les seules images des peintures murales attribuées (avec beaucoup de réserves) à Noël Jallier étaient des scans tirés d’un livre, donc d’assez piètre qualité. Or, cette galerie, je l’ai mitraillée en 2015, lorsque je l’ai découverte à l’occasion de ma troisième visite d’Oiron (je pense qu’elle était fermée au public auparavant, car je n’en ai aucun souvenir antérieur alors que la visite de château pendant mon adolescence est restée gravée dans ma mémoire au point que je pouvais en décrire quasiment toutes les pièces).

Ces photos de 2015 étaient destinées à mon blog et malheureusement, je n’ai pas été systématique dans la prise des vues des différentes scènes, ni très adroite dans mes cadrages. La présence, dans ma bibliothèque, d’un beau catalogue sur le château m’a permis de légender correctement (je l’espère !) chaque scène.

>> Catégorie « château d’Oiron » dans Wikicommons<<
Le château d’Ancy-le-Franc : si les peintures murales Renaissance d’Oiron manquaient à Wikipédia, qu’en était-il de celles d’Ancy-le-franc, tout aussi remarquables ? Là encore, à ma grande surprise, j’ai découvert que Wikicommons ne proposait aucune image de l’intérieur de ce château, que j’ai visité cet été et qui m’a drôlement impressionnée (oui, promis, il y aura bientôt un article sur ce séjour en Bourgogne). Là encore, j’ai un début d’explication : probablement qu’Ancy-le-Franc est longtemps resté interdit aux visiteurs photographes. Quoi qu’il en soit, voici une utilité toute trouvée aux centaines de clichés que j’ai ramenés du monument, moi qui ai tant admiré la chambre de Diane et la galerie de Pharsale, avec son immense bataille qui se déploie sur trois murs.
>> Catégorie « château d’Ancy-le-Franc » dans Wikicommons<<
Pour rester sur la thématique des châteaux, j’évoquerai rapidement le château de Maisons, dont je vous parlais récemment dans un billet. Lors d’une visite exceptionnelle organisée par le CMN et l’administrateur du monument, j’avais eu la chance de visiter les combles et de monter sur la toiture du monument. M’étant assurée d’avoir le droit de publier ces photographies, je les ai versées sur Commons, notamment celle de l’escalier prise depuis la corniche, dont je suis la plus fière.
>> Catégorie « château de Maisons » dans Wikicommons<<
En faisant l’inventaire des lieux exceptionnels visités ces dernières années, je me suis rappelé le Laboratoire d’aérodynamique Eiffel, découvert lors de Paris Face Cachée en 2015. Là encore, à ma grande surprise, Wikicommons ne comprenait que des photographies des extérieurs : j’ai donc versé les clichés utilisés dans mon billet de blog. L’occasion de rappeler que les Monuments Historiques, ce ne sont pas que des vieilles pierres, mais aussi des témoins de l’histoire scientifique et technique… Le laboratoire aérodynamique, dans le XVIe arrondissement, est une soufflerie installée là par le génial Gustave Eiffel pour tester la résistance au vent des matériaux, et notamment des premiers avions. Car ici s’est écrite une part de l’aéronautique française ! Gustave Eiffel diffusait d’ailleurs gratuitement les plans de son installation pour encourager l’émulation : du Creative Commons avant l’heure !
>>Catégorie « Laboratoire d’aérodynamique Eiffel » dans WikiCommons<<
Pour finir l’inventaire de ma participation à WikiLovesMonuments 2017, je voudrais évoquer celle de mes contributions qui me tenait le plus à cœur : la chapelle dorée de Saint-Gervais-Saint-Protais. L’église Saint-Gervais-Saint-Protais, à Paris, contient de nombreux trésors, dont l’un est trop injustement méconnu : il s’agit de la chapelle dorée, une petite pièce, presque secrète, construite vers 1630 pour servir de chapelle funéraire privée à un couple fortuné : Antoine Goussault, conseiller au Parlement de Paris et Geneviève Fayet, sa femme. L’espace est minuscule, à peine 8 mètres sur 4, mais magnifiquement décoré de boiseries et de peinture. Un bijou de la peinture XVIIe siècle, accessible uniquement pendant les Journées du Patrimoine. Je m’y étais rendue en 2014, quelques jours à peine avant la soutenance de mon mémoire sur les Guides de Paris, dans lequel l’Église Saint-Protais-Saint-Gervais m’avait servi d’exemple privilégié. J’étais alors fort contrariée de n’avoir rien trouvé, ou presque, sur le Web pour me faire une idée de la fameuse chapelle dorée. Pendant la visite, j’avais mitraillé le moindre millimètre de surface peinte me promettant de verser les clichés sur Wikicommons, ce que je n’avais jamais réussi à faire, ne comprenant pas « comment ça marchait ». Avec WikiLovesMonuments, l’heure de la revanche avait sonné. Entre temps (2016), heureusement, quelqu’un avait été plus rapide que moi et avait versé ses propres photos sur Wikicommons. J’étais heureuse de pouvoir y ajouter les miennes.
>> Catégorie « Chapelle Dorée » dans WikiCommons<<
Mon petit bilan personnel de WikiLovesMonuments
Ce qui m’amène à dresser mon petit bilan de WikiLovesMonuments et tirer quelques leçons de cette expérience d’une contribution à WikiCommons.
Facile de contribuer à WikiCommons !
D’abord, je voudrais souligner à quel point il est devenu facile de contribuer aux projets Wikimédia depuis que les bénévoles ont mis au point des outils pour dépasser les contraintes techniques qui arrêtaient les contributeurs néophytes. J’ai commencé à contribuer à Wikipédia quand l’éditeur visuel a permis aux utilisateurs débutants de s’affranchir de l’apprentissage du complexe « code Wikipédia ». J’ai découvert récemment que la contribution à Wikicommons avait été facilitée avec l’implémentation d’un nouvel outil d’import qui permet de verser avec simplicité ses fichiers, en étant sûr de ne rien oublier ! Aussi facile que d’uploader ses photos sur Facebook (j’en vois qui frissonnent de dégoût à la lecture de cette ligne !).

Rendre au Web ce que le Web m’a donné.
Certains amis — notamment ceux qui sont photographes — me regardent un peu avec horreur parler de Wikicommons. Car quand on verse sur Wikicommons, on accepte que ses photographies soient réutilisées librement, y compris à des fins commerciales. La seule obligation des réutilisateurs étant de citer l’auteur de la photo et de partager le cliché dans les mêmes conditions.
Cela ne me pose aucun problème, bien au contraire : je profite largement des communs mis à dispositions par d’autres sur internet (notamment pour le blog ou lorsque j’enseigne). Il m’est donc naturel de participer à l’effort collectif en versant sur Wiki mes propres photos.

En participant à WikiLovesMonuments 2017, j’avais en tête un public particulier, notamment lorsque j’ai versé mes photos d’Oiron et d’Ancy-le-Franc : l’étudiant(e) en histoire de l’art, qui cherche, patiemment, des clichés pour illustrer son cours ou son exposé, des clichés pour mieux connaître les œuvres qu’il n’a pas encore eu la chance de voir. Cet (te) étudiant(e) je l’ai été, et je le suis toujours d’une certaine manière. L’expérience que j’ai vécue comme étudiante en histoire de l’art n’est pas la même que celle d’amis ou collègues qui l’ont été dix ans ou vingt ans avant moi. Certains usaient et abusaient de la photocopieuse, se contentant de faibles contrastes de noir et de blanc, d’autres dépensaient tout leur argent de poche dans des cartes postales ou dans des fiches Géants de la Peinture. J’ai toujours su mesurer, durant toute la durée de mes études en histoire de l’art, combien j’avais eu de la chance de grandir avec internet : ce sont — entre autres — les CD-ROM sur le Louvre et Orsay empruntés dans ma bibliothèque de quartier qui ont entretenu mon goût pour l’art ; étudiante, j’ai fouillé les bases de données des musées du monde entier pour former mon œil — à défaut de pouvoir me payer un billet d’avion pour New York ou Boston.
Je suis heureuse, vraiment, aujourd’hui, en versant des clichés d’Oiron ou d’Ancy-le-Franc, de rendre le même service à quelqu’un d’autre. Et puis ça donne une légitimité à ma manie un peu vilaine de tout photographier !
Perspectives futures
Et demain ? Je ne vais pas m’arrêter en si bon chemin ! Voici déjà plusieurs mois que je tâche d’intégrer Wikimédia dans mon quotidien. J’essaie de me donner une bonne routine : lorsque je travaille sur un nouveau sujet, pour le boulot ou pour le blog, j’essaie d’aller toiletter l’article Wikipédia. Une ou deux références bibliographiques, une correction, une précision. Ça ne peut pas faire de mal et ça me met en jambe pour ma propre tâche d’écriture. J’essaie aussi, depuis juin dernier, lorsque j’illustre un de mes billets de blog, de repérer lesquelles de mes images manquent à WikiCommons. Le cas échéant, je les verse sur la plateforme.
Cette expérience de WikiLovesMonuments m’amène à revoir la façon dont je photographie. Pour Oiron ou Ancy, j’ai regretté d’avoir photographié au coup de cœur et non avec méthode pour couvrir exhaustivement chaque peinture murale (vue d’ensemble, détail, faire attention aux cadrages). Il va falloir aussi que je revoie mon matériel : mon petit appareil photo a subi bien des chutes, l’écran est fêlé et le capteur foutu, les blancs sont systématiquement cramés. Quitte à contribuer, autant verser des images de qualité !

Chapelle du château d’Ancy-le-Franc, Août 2017. Photo personnelle (Peccadille) déposée en CC BY-SA sur Wikicommons
Enfin, m’atteler enfin au classement des centaines de giga qui dorment sur mon disque dur. J’ai honte de ma propension à mitrailler sans rien faire ensuite de mes images. Contribuer à WikiCommons me donnera l’esprit tranquille !
Mes 250 photographies des châteaux de Maisons-Laffitte, Oiron, Ancy-Le-Franc, du laboratoire aérodynamique Eiffel et de la chapelle de Saint-Gervais-Saint-Protais sont déposées en Creative Commons CC-BY-SA, c’est-à-dire que vous êtes libre de les réutiliser, de les copier, de les adapter, à condition de les créditer (BY) et de les partager dans les mêmes conditions (SA). C’est également le cas des 10.000 autres photographies versées par d’autres contributeurs dans le cadre de WikiLovesMonuments France 2017. Et si, vous aussi, vous participiez pour 2018 ?
Bravo ! Ne te reste plus qu’à ouvrir un dossier wikicommons intitulé Oiron en aéroplane…
Ahah, j’ai déjà une page contributeur (sous le nom Peccadille) où l’on peut voir tous mes imports. Je dois un peu progresser dans ma pratique de WikiCommons pour savoir faire une page « vitrine » avec mes plus belles photos comme je l’ai vu sur les comptes de certains contributeurs…
Bjr… j’aime votre écriture… votre styl !! Francis
Merci
J’adore ta démarche…félicitations. Vais allé étudier wikicommons également. Jusqu’à présent ,utilisateur de wikipedia exclusivement. Merci pour l’info et agréable fin de semaine
Merci
J’espère que mon billet donnera en effet à certains lecteurs l’envie de contribuer à leur tour. Depuis que je prépare des cours pour la fac, j’avoue que je mesure mieux les cruels manques de certains visuels dans Wiki…
La démarche est altruiste, bravo !
Je me suis dit « elle est souvent prolixe » mais je suis allé au bout de cet article qui m’a bien plu! Continue ta quête! Merci.
Article intéressant. merci votre objectif est atteint avec moi.
Etait-il nécessaire de mettre toutes les photos plutot que des liens ? N’aurait-on pas pu avoir la conclusion plus prés de l’introduction, et le matériel visuel rassemblé après ?
C’est bien tentant, même si je fais plus de musée/d’expo que de monuments. Je photographie beaucoup aussi et il faudrait que je vois comment contribuer. Et c’est amusant, j’ai vu au British muséum une gravure représentant quasi à l’identique la peinture d’Ancy-le-Franc avec la tête de mort !