Dans le précédent billet sur la lecture numérique, je vous racontais ce qui avait décidé mon choix d’acquérir une liseuse électronique. Dans ce second volet, rédigé il y a un mois déjà, mais publié seulement maintenant, je vous propose un bilan après trois semaines d’utilisation de ma liseuse Bookeen. Précisons que ce billet n’est en aucun cas sponsorisé : il ne s’agit pas d’un placement de produit mais le reflet d’une expérience personnelle entièrement décidée et financée par moi-même.

Je dois avouer : dès les premiers instants d’utilisation, j’ai su que j’étais conquise. Ma liseuse à peine déballée et allumée, j’avais grosso modo compris la prise en main et il m’a fallu quelques minutes pour charger une centaine de livres (tous issus de Gallica, des clés du patrimoine…).

Premier constat – qui me fait immédiatement regretter de ne pas avoir passé le cap plus tôt – le confort. C’est la révélation : pas de pages à tenir, pas de crampes ni de fourmis parce qu’on est mal installé ou que le livre est trop lourd. Peut-être même vais-je renouer avec le plaisir de lire au lit ? Le confort, c’est aussi celui des yeux. Suivant l’environnement, j’active ou non le rétroéclairage et varie son intensité.
Seule une chose m’inquiète : vais-je m’habituer à cette brève page noire, une fois toutes les quatre pages (l’écran de nettoyage si j’ai bien compris). Huit cents écrans plus tard, je me rendrai compte que oui, sans souci.
Première lecture
Ma première lecture est Nana de Zola, téléchargé sur Gallica. Je suis rapidement séduite par une fonctionnalité magique (et fort utile pour les classiques) : le dictionnaire ! Plus besoin de s’encombre d’un lourd Larousse ou de dégainer son téléphone pour chercher un mot ; il suffit d’appuyer dessus pour voir apparaître sa définition dans le Littré. Mon vocabulaire, je le sens, va s’enrichir à vitesse grand V !
Autre chose d’appréciable : à défaut de pouvoir jauger du volume physique de l’ouvrage, une barre de progression permet de connaître l’avancement de la lecture, en nombre de pages et en pourcentage (jusqu’à la fin du livre et du chapitre en cours)… avec, en prime, une estimation du temps de lecture, basée sur la vitesse constatée du lecteur !
Les usages sont vites adoptés : en dix jours de vacances, je dévore 1028 pages. Que des classiques du XIXe siècle : Nana et Une page d’amour de Zola, L’affaire Lerouge de Gaboriau, Physiologie du flâneur de Huart ! À l’heure où j’écris ces lignes, six cents pages se sont ajoutées au compteur puisque je suis à mi-course du monumental Mystères de Paris d’Eugène Sue.

Domaine public, gratuits, coquilles et peccadilles.
Jusqu’à présent je n’ai donc lu que des ouvrages du domaine public, que j’ai obtenus gratuitement (même si les EPUB issus de l’Anthologie singulière sont en réalité payants, car il faut acheter le coffret).
Bons, ces livres gratuits ? Globalement oui, MAIS j’ai quelques réserves sur la qualité d’édition du texte, qui est assez variable. Si dans Nana, je n’ai relevé que quelques coquilles, elles étaient dans Une page d’amour autrement plus nombreuses. Beaucoup sont des peccadilles, mais quelques-unes transformant une tache en un accent, un g en un p ou une poussière en virgule venaient compromettre le sens d’une phrase.
De la numérisation à l’epub, en passant par l’OCR
Cela s’explique : les EPUB proposés par Gallica sont le fruit de la numérisation d’éditions anciennes, auxquelles on a appliqué une opération d’OCR. OC quoi ? L’OCR (pour optical character recognition ou reconnaissance optique de caractères) consiste à faire reconnaître, par un logiciel, les textes contenus dans une image. La photographie est analysée, les zones de texte découpées puis segmentées en paragraphes, lignes et mots. Ensuite, chaque caractère est isolé et comparé avec un répertoire de formes pour déterminer quelle lettre (ou nombre, signe de ponctuation…) est représentée. Le tout est enregistré en format texte à la sortie. C’est grâce à cette technique notamment, que Gallica propose une recherche plein texte dans certains documents (mais pas tous, car l’OCR a un coût).
Si les logiciels d’OCR sont puissants, le résultat n’est pas pour autant parfait : la machine se trompe parfois, interprétant mal une lettre (parce qu’elle était mal imprimée, que le livre était abimé…) ou traduisant une tache par un caractère… Pour corriger cela, on peut appliquer des algorithmes ou bien opérer une relecture humaine (comme sur Wikisource), deux méthodes qui alourdissent encore la facture.
Pour jauger de la fiabilité d’un OCR, on dispose d’une information précieuse, le « taux de qualité », exprimé en pourcentage de mots dont on est certain de la transcription. Un taux à 98% signifie qu’il est estimé que 98 mots sur cent sont en moyenne corrects. Ce qui nous donne deux erreurs potentielles tous les cent mots, soit quand même deux à trois mots fautifs par page (pour un format livre de poche) !

Naïvement, je pensais que les EPUB proposés sur Gallica étaient relus et corrigés manuellement, mais cela ne semble pas être le cas. Le taux de qualité attendu est de 99,9% soit un mot fautif tous les 1000 mots, ce qui est acceptable, même si c’est parfois gênant. Dans les EPUB diffusés par BNF Partenariats (dont commercialisés), je retrouve les mêmes taux d’erreurs. Pour les Mystères de Paris, que je lis actuellement, il faut parfois que je repasse plusieurs fois sur une phrase pour comprendre que le bon mot n’est pas Finance, mais France ou que l’auteur ne parle pas d’une étape, mais d’un étage…
D’où ma question : on trouve facilement et partout des fichiers EPUB des classiques de la littérature, mais existe-t-il un système de recommandation fiable de la qualité des transcriptions, basé sur les expériences de lecture des utilisateurs, et qui ferait pencher pour tel ou tel éditeur numérique ?
Par ailleurs, y’a-t-il un risque de trouver le même genre de coquilles dans des livres vendus en librairie numérique ? Je compte par exemple acheter en version numérique des ouvrages de SHS datant pour certains d’il y a dix ou vingt ans. Si les éditeurs ont procédé par numérisation et OCRisation, suis-je sûre de trouver un résultat de qualité, garanti sans erreurs et bien structuré ?
Et acheter un premier livre numérique ?
Voulant me lancer dans ma première acquisition d’un livre au format numérique, j’ai eu quelques (mauvaises) surprises. Je savais déjà que les livres numériques n’étaient pas moins chers que les livres papiers – quoique les frais de fabrication et de diffusion soient moins importants. Pire, j’ai découvert qu’un livre numérique pouvait couter PLUS CHER que sa version imprimée ! J’en ai fait la malheureuse expérience en voulant acquérir un livre de Michel Pastoureau. Déjà que je suis ennuyée de racheter au format numérique un ouvrage que je posséde dans sa version « papier », alors en plus le payer plus cher !
Et à ce prix, suis-je sûre de recevoir un livre correctement océrisé et mis en page, comme je le soulevais plus haut ? Plus largement, que donne la lecture sur liseuse électronique d’ouvrages de SHS ? Navigue-t-on correctement parmi les notes de bas de page ? La gestion des signets est-elle aisée ?
Naviguer plutôt que tourner les pages
Un seul ouvrage parmi ceux que j’ai lus était pourvu de notes de bas de page : Les Mystères de Paris. Ici, les notes sont indispensables à la lecture puisqu’elles donnent la définition des nombreux mots d’argot qui pimentent le texte. Or, j’ai le plus grand mal à les ouvrir : il faut cliquer dessus à l’aide du doigt, mais la surface à viser (quelques millimètres de côté à peine) est si réduite que neuf fois sur dix je tourne involontairement la page ou ouvre le menu au lieu d’activer le lien hypertexte !
N’ayant pas de point de comparaison, je ne sais pas si la faute est imputable à la structure de l’EPUB ou à l’interface de navigation de Bookeen.

Je dois avouer, à ce stade, que l’interface de navigation me déçoit un peu par ailleurs : plus que la prise en main physique de l’objet, c’est le logiciel de navigation que j’aurais aimé tester en magasin. Ainsi, il est peu pratique de naviguer parmi les ouvrages chargés sur la liseuse. Je peux trier mes 350 ouvrages par ordre alphabétique de titre ou d’auteur, mais pas accéder directement à tous mes Zola ou tous mes Balzac. Quel dommage de ne pas exploiter un peu plus intelligemment les métadonnées ! Je m’attendais à trouver un système de gestion des livres proche de celui que l’on connaît dans les logiciels de gestion de la musique sur ordinateur (iTunes par exemple).
Quant à classer mes titres selon mes critères, en créant des collections, c’est horriblement fastidieux, puisqu’il faut procéder ouvrage par ouvrage. Impossible non plus de créer des sous-collections au sein des collections. Depuis l’ordinateur ce n’est pas plus heureux : Calibre ne me permet pas d’intervenir sur le classement de ma liseuse. Peut-être réglerai-je le problème en utilisant Adobe DRM, le logiciel recommandé par le fabricant ?

Malgré ces critiques quant à l’aspect pratique de l’interface, je ne regrette pas mon acquisition. Grâce à cette liseuse, la lecture redevient un plaisir ancré dans mon quotidien, et plus seulement une obligation coûteuse pour mes yeux. Fort à parier que je vais exploser, en 2018, mon nombre de pages lues !
Rendez-vous dans quelque temps pour un bilan de mon expérience de la liseuse après plusieurs mois d’expériences !
Vous trouverez des livres du domaine public bien formatés, avec des notes faciles à cliquer, des textes souvent issus de Gallica, mais revus par une équipe de bénévoles compétents et vigilants sur https://www.ebooksgratuits.com/
Belles lectures !
Merci pour ce lien, je vais voir si je peux contribuer : je note les coquilles des epubs que je télécharge sur Gallica dans le but de les corriger par la suite !
Convertie à la lecture numérique via une liseuse depuis six ans pour cause d’insomnies, je me suis pour ma part aperçue que les textes de type roman sont bien plus faciles à avaler que les ouvrages théoriques de réflexion qu’il est beaucoup plus ardu de comprendre et de retenir, malgré les méthodes d’annotation numérique qui ont été développées par les éditeurs. C’est mon cas personnel et ne préjuge en aucun cas que c’est la même chose pour tous, mais je me dis que l’objet livre a encore de beaux jours devant lui car il demande une manipulation physique plus importante qui a des incidences sur notre (ma) capacité intellectuelle à en saisir le contenu pour me l’approprier…
C’est ce que je suis en train de découvrir petit à petit : je lis avec beaucoup de plaisir des romans (du XIXe donc), en revanche, mes lectures scientifiques piétinent, mais vont tout de même plus vite que sur papier.
L’outil d’annotation numérique de ma liseuse me déçoit assez car il n’est pas très réactif, ce qui fait que je l’utilise peu. En revanche, j’apprécie de pouvoir ouvrir mon EPUB à la fois sur liseuse et sur ordi, selon mes besoins du moment.
Dans l’idéal, j’aimerai disposer de la version papier et numérique, car en effet, dans certains cas, l’imprimé a encore bien des avantages…
Ah les Mystères de Paris, quel bon choix 🙂 Je reste cependant une inconditionnelle du papier !
Enfin, pour les Mystères de Paris, la version numérique pèse moins sur les poignets 🙂
Le problème des livres numériques gratuits, c’est également qu’il manque souvent le nom du traducteur, ce qui est très pénible. Et oui, la lecture des notes sur liseuse est une catastrophe. Il faudrait une fenêtre pop-up qui s’ouvre et se ferme, plutôt que de se balader le long des pages.
Je ne dirais pas que c’est le principal problème, mais un des nombreux points problématiques : absence de métadonnées fiables (dont le nom du traducteur), qualité globale de la mise en page, du respect des règles typographiques…
Pour les notes, c’est une excellente idée, je ne comprends pas que les fabricants de liseuses n’aient pas implémenté cela…
C’est une question sans doute un peu bête : est-il possible de taper du texte, dessiner sur une liseuse telle que la votre ? Eventuellement en connectant un clavier via blutooth ou USB
On peut prendre des notes succinctes sur le livre directement, à l’aide d’un clavier tactile sur l’écran. Sur ma liseuse Bookeen Muse, le clavier n’est pas très réactif, donc je l’utilise pas beaucoup.
Une liseuse est quelque chose de très différent d’une tablette : c’est vraiment fait pour lire et non pour d’autres usages (prises de notes ou dessin)
Merci de la réponse.
En fait les machines qui m’interesseraient, qu’on ne devrait pas appeler liseuse 😉 , existent. Dans des gammes de prix prohibitives selon moi.
Les écrans à e-ink sont pertinents dés qu’il s’agit de travailler sur du texte ou du gris et de ne pas recharger trop fréquemment.
Bonjour,
J’ai les mêmes critiques au sujet du logiciel de lecture intégré au BOOKEEN !
Je suis en discussion avec la société Bookeen à ce sujet (la personne qui me répond chez eux est Salya Konaté).
Aucune réponse satisfaisante à ce jour. Je me plains surtout de l’accès aux notes en bas de page et en fin de document.
Il me semble que Bookeen ne connait pas du tout ses produits.
Par contre le logiciel de lecture permet la lecture à une seule main mais ne la documente pas, c’est dommage !
Je vous tiendrai au courant de mes futurs échanges avec Bookeen. Je reste cordial avec eux pour le moment mais ça ne va pas durer !
Gilbert