Il y a des chefs-d’oeuvre de minutie qui ne laissent pas indifférent. Avec ses 57 cadrans, ses automates, ses 30 000 pièces et ses raffinements mécaniques, l’horloge astronomique de la cathédrale de Besançon est de ceux-là. Petit tour de la bête, que j’ai découverte au cours d’un de mes voyages de l’été (merci #TGVmax !)

L’horloge astronomique de Besançon, un cas unique en Europe
Des horloges astronomiques, la France en compte une petite cinquantaine, dont quelques-unes ornent ses cathédrales : Strasbourg, Beauvais, Lyon… et Besançon évidemment. Mais l’horloge astronomique de Besançon ce n’est pas dans la nef de la cathédrale, fièrement exhibée, que vous la contemplerez, contrairement aux autres exemples précédemment cités. Non, au contraire, pour admirer l’horloge astronomique de Besançon, il faut gravir un étroit et discret escalier jusqu’au premier étage du clocher. Pourquoi avoir caché là un chef-d’oeuvre de l’horlogerie ? Parce que l’horloge de Besançon ne se contente pas de nous éblouir de ses multiples cadrans et de ses automates, elle actionne également les cloches de la cathédrale et régit cinq cadrans répartis sur tout l’édifice. Un cas unique en Europe. Rien que ça !

L’horloge astronomique de Besançon est bien plus jeune que ses consœurs lyonnaises et strasbourgeoises. Alors que ces deux-là remontent au Moyen- ge et à la Renaissance, l’horloge de Besançon est un pur produit du XIXe siècle. L’aventure commence en 1857 lorsque l’évêque Mathieu commande à l’horloger Auguste-Lucien Vérité (1806-1887) une horloge astronomique pour la cathédrale. Bien que Besançon soit un haut lieu de l’horlogerie française, Auguste-Lucien Vérité n’est pas bisontin, mais originaire de Beauvais.
Commande reçue, Vérité se met immédiatement au travail. En six mois, à lui tout seul, il dessine les plans du mécanisme et effectue tous les calculs nécessaires. Un exploit quand on pense à la complexité de la machine : il prévoit 57 cadrans, capables de donner l’heure, bien sûr, à Besançon et dans douze autres villes du monde, mais aussi la position des planètes, la date de la fête de Pâques, le nombre d’éclipses dans l’année, l’heure de la marée dans huit ports, le retard sur l’heure solaire… et tout un tas d’autres informations plus ou moins utiles.

Si Auguste-Lucien Vérité dessine seul son horloge, sa réalisation est un travail trop colossal pour un seul homme. Il rassemble une équipe, avec laquelle, en deux ans et demi seulement, il va produire, une à une, les 30 000 pièces nécessaires au mécanisme et procéder à leur assemblage. Ce n’était qu’une partie du travail puisqu’il faudra quatre années supplémentaires pour venir à bout de tous les réglages. L’horloge astronomique de Besançon entre en fonctionnement en 1863.

Un bijou d’horlogerie toujours en fonctionnement
Un siècle et demi plus tard, son tic-tac résonne toujours dans le clocher. Chaque jour, il faut remonter ses ressorts et ses poids pour assurer que la cathédrale donne toujours l’heure juste. Remonter une telle horloge, ce n’est pas une mince affaire : il y a 13 poids à remonter, les plus lourds pesants 100 à 150 kilos… Une opération qui prend un bon quart d’heure. Ce qui aurait dû poser bien des problèmes : tous ceux qui possèdent une horloge mécanique le savent : pendant le remontage, il faut arrêter le mécanisme… Avec une bête comme celle de Besançon, cela veut dire un déréglage de 15 minutes à corriger chaque jour, et ce sur des dizaines de cadrans ! Heureusement l’horloger était ingénieux et il a imaginé un poids de secours qui prend le relais pendant que l’homme fait son oeuvre et tourne la manivelle !

Un spectacle auquel on a parfois la chance d’assister lorsqu’on suit la visite guidée de l’horloge astronomique. Car il faut bien un médiateur pour livrer tous les secrets de la machine, pour comprendre les raffinements de son mécanisme. Quarante-cinq minutes d’un commentaire captivant duquel le public ne perd pas une miette, surtout quand il s’agit de voir le médiateur remonter l’un ou l’autre des ressorts !

L’horloge astronomique de Besançon, un chef-d’oeuvre éternel ?
Auguste-Lucien Vérité a prévu une horloge qui traverse les siècles : les cadrans destinés à calculer la date de Pâques sont prévus pour atteindre l’an 4400. Plus fort encore, sur le cadran qui indique la date du jour, les chiffres des années peuvent défiler jusqu’à l’an 9999. Mais au cas où, l’horloger a prévu une cache amovible afin de passer le bug de l’an 10000 sans encombre !

Vertigineux, c’est le mot qui vient face à ce monstre d’horlogerie. Par la multitude des cadrans, le monde nous semble à porté de main : quelle heure est-il à New York, Tahiti, Syndey, Mexico ou Tananarive quand il est midi à Besançon ? Des cadrans sont là pour nous renseigner : des cadrans à 24h, avec un jeu de couleurs pour indiquer le jour et la nuit.

Où en est la marée au Havre ou à Cayenne ? Il y a des cadrans pour cela aussi,et ils sont même animés !
Où sont positionnées les planètes dans le ciel ? Un automate du système solaire selon Copernic qui figure tout cela en temps réel.
Mais le comble du vertige – à mes yeux – se situe en haut à gauche : deux cadrans sont surmontés d’un cartouche indiquant « révolution chaldéenne ». Les cadrans indiquent le nombre d’éclipses solaires et lunaires qui se produiront dans l’année, selon des calculs mis au point en Mésopotamie quelques siècles avant notre ère. Les hommes avaient déjà compris que la terre était ronde et qu’elle tournait autour du soleil !

Si Auguste-Lucien Vérité a prévu que les rouages de son horloge traversent eux aussi les siècles, il se pourrait que la machine garde quelques années le silence, car des travaux de restauration sont devenus plus que nécessaires : le mécanisme qui commande la cloche des heures s’est arrêté il y a quelques mois et personne ne parvient à le faire redémarrer. Il va falloir démonter entièrement le mécanisme (30 000 pièces rappelons-le !). La dernière fois que c’est arrivé, c’était en 1900 : le mécanisme s’était arrêté. Il avait fallu 6 mois à un horloger de Besançon pour tout démonter et remonter… tout seul ! Le Centre des Monuments nationaux, qui gère aujourd’hui le mécanisme (classé Monument historique depuis 1991) est plus prudent et prévoit deux ans de travaux.

Quant à Auguste-Lucien Vérité, l’horloge de Besançon n’était que son premier chef-d’œuvre : le chantier bisontin à peine achevé, il reçoit la commande d’une autre horloge astronomique, destinée à la cathédrale de Beauvais, qui la surpassera en nombre de cadrans et de pièces (90 000 !).
Pour accompagner ce billet, j’ai réalisé un petit montage avec quelques images captées pendant ma visite. Bon visionnage ! (images captées en août 2017)
Informations pratiques
L’horloge est accessible tous les jours sauf le mardi (et le mercredi en basse saison), uniquement sur visite guidée à heures fixes. Tarifs et horaires indiqués sur le site web dédié au monument.
Ohlala, quelle délicieuse friandise visuelle et culturelle pour terminer la semaine ! Entre l’horloge astronomique de Besançon et le Teylers Museum, je dois dire que je me régale tout particulièrement en ce moment sur Orion ! Et puis le rôle de « globe trotter » du patrimoine te va bien. Tu vas vraiiiment finir par avoir toute la matière suffisante pour publier un bouquin sur les merveilles du patrimoine français et européen !
Oh, comme ce commentaire me fait plaisir de bon matin 🙂
Il était dans mes brouillons depuis août, mais j’avais du mal à me mettre au montage de la vidéo (c’est grâce à Nini Zaza (aka Museolepse) que j’ai réussi à m’y mettre)…
Je suis vraiment contente que ça te plaise. Globe trotter spéciale patrimoine, ça me plait bien (mais comme il me faudrait du temps en plus 🙂 Un bouquin, ça me botterai, mais il faudrait que j’ai assez de matière cohérente 🙁
« Vertigineux » : j’adhère au terme ! Je suis totalement incapable de concevoir à quel point c’est compliqué… Typiquement le genre de chose où le niveau de complexité rapproche mentalement l’objet davantage de la magie que de la science 🙂