S’initier à l’Histoire de l’Art avec des livres, oui, mais lesquels ? Celui-ci vous tombe des mains parce que trop verbeux, alignant un tas de concepts compliqués et non explicités. Cet autre est bien joli, avec de belles images qu’on a plaisir à feuilleter, mais les explications, qui guideraient le regard, manquent également. Dans ce billet, je vous présente une petite sélection d’ouvrages chouettes pour (re)découvrir l’histoire de l’art. À quelques jours de Noël, n’est-ce pas une bonne idée ?

Ce semestre, j’ai donné un cours d’initiation à l’Histoire de l’art et à l’analyse des images. S’agissant d’un cours optionnel d’initiation à des étudiants en Lettres, je ne voulais pas surcharger leur bibliographie d’ouvrages complexes qu’ils n’auraient de toute façon pas le temps de lire. Mon objectif premier étant qu’ils soient capables de mener une analyse d’oeuvre basée sur leur propre capacité d’observation et mon objectif second qu’ils acquièrent les bases de la culture générale en histoire de la peinture, j’ai favorisé, dans ma bibliographie, des ouvrages très généraux et synthétiques.
Effectuer cette sélection m’a amené à beaucoup fréquenter les bibliothèques publiques pour repérer des livres d’histoire de l’art accessibles, écrits de façon claire, limpide et agréable, et abondamment illustrés, afin de former l’oeil.
Pourquoi ne pas partager avec vous le résultat de cette exploration méthodique des étagères de la BPI et des bibliothèques de quartier parisiennes ? Je vous propose donc une sélection d’ouvrages, où certains, je l’espère, trouveront matière à garnir le pied de leur sapin.
Pour un panorama général de l’histoire des arts
Au rayon « ouvrages généraux sur l’histoire de l’art » on trouve en général une myriade de titres, des volumes imposants, de Gombrich au Larousse de l’Histoire de l’art. Choisir « le bon » livre n’est pas évident, d’autant qu’il apparaît, à la lecture, que bien des synthèses s’appuient sur un réseau de connaissances supposées déjà acquises par le lecteur. Les maquettes, notamment celles où le texte se déploie sur plusieurs colonnes, rendent parfois difficile la progression du néophyte. Quant aux illustrations, on les cherchera abondantes et représentatives.
Parmi ces ouvrages assez généraux, j’aime bien L’histoire de l’art pour tous de Nadeije Laneyrie-Dagen (autrice dont je vous recommanderai d’autres livres), chez Hazan. Les chapitres sont courts, efficaces et synthétiques : une période, un mouvement, une oeuvre expliquée. Il y a des encadrés thématiques (le portrait, Vénus dans les arts, etc.) La maquette est aérée et agréable à parcourir. Le livre couvre l’histoire de la peinture, mais aussi celle de l’architecture et de la sculpture, de l’antiquité à nos jours, en Occident, en Afrique, en Amérique et en Asie. Le prix, peut-être, freinera certains acheteurs : 38 euros, c’est le tarif « beaux livres ».
Art. Les grands mouvements et les chefs-d’oeuvres édité chez Flammarion, offre également une synthèse de l’histoire de l’art, ici cantonnée à la peinture, mais d’une manière très différente : l’approche est beaucoup plus visuelle. Ouvrage de grand format, beaucoup d’images. L’accent est mis sur la chronologie, avec de belles doubles pages où les oeuvres et événements sont placés sur une frise. C’est l’un des points forts de l’ouvrage : la maquette est vraiment efficace. Pour chaque mouvement, on retrouve le même procédé de présentation : une introduction, une présentation du contexte, les origines du mouvement, une chronologie illustrée et enfin un chef-d’oeuvre expliqué. Les textes sont brefs et synthétiques. Quelques astuces de mises en page, comme la chouette présentation des influences dans l’origine de chaque mouvement facilitent grandement la compréhension. Les spécialistes pourront reprocher une vision peut-être un peu dépassée de l’histoire de l’art, faite de catégories bien découpées et de ruptures nettes. Cependant, pour une première approche, cela facilite l’assimilation des grandes idées.
À ma grande surprise, le prix de ce livre est tout doux : 15 euros !
Des oeuvres à la loupe
Maîtriser le cadre général, c’est bien, mais ça n’aide pas toujours à ne pas se sentir désemparé devant un tableau à l’iconographie mystérieuse dans un musée. Si les ouvrages précédents proposaient un panorama général de l’histoire de l’art, ceux dont je vais parler maintenant vous proposent d’entrer dans le détail des tableaux, de les décortiquer avec méthode.
Beaucoup de titres jouent sur cette volonté d’entrer dans la peinture, d’en comprendre les tenants et aboutissants, de guider le regard. Malheureusement, rares sont les livres qui y parviennent vraiment. Soit que le regard s’accroche uniquement à quelques éléments, laissant au lecteur bien des questions sans réponse, soit que le style soit un peu lourd, ou le propos pas assez pédagogique.
Mes parents ont acheté, il y a quelques années, un ouvrage en deux volumes, édité chez Taschen, Les dessous des chefs-d’œuvre; de la tapisserie de Bayeux à Diego Rivera, dont tous les lecteurs de la famille ont apprécié le style. Et pour cause : les auteurs, Rose-Marie et Rainer Hagen, nous racontent véritablement les œuvres, avec une plume agréable à lire et un vrai souci explicatif. Environ cent vingt œuvres sont présentées, toujours selon la même formule : un chapitre de six pages par peinture, avec une grande reproduction en ouverture puis un voyage à travers quatre détails agrandis. Ça se lit bien, on apprend beaucoup de choses passionnantes.
Petit bémol cependant, la maquette manque parfois un peu de soin et j’y ai relevé des coquilles (par exemple « Anne d’Autriche épouse Louis XIV en 1615 », au lieu de Louis XIII, Anne d’Autriche et ce dernier étant les parents de Louis XIV). Il me semble aussi que les contenus sont parfois un peu datés et ne reflètent pas les dernières avancées de la recherche, mais le livre demeure agréable pour une initiation du regard, aussi je me permets de l’inclure dans cette liste, avec ces quelques réserves. Peut-être, d’ailleurs, cela a-t-il été corrigé au gré des rééditions, nombreuses, de ce best-seller.
Des livres pour les enfants, mais à destination des adultes
Voici le moment de vous parler d’une collection que j’aime énormément, qui propose une formule originale : des livres pour aider les parents à parler d’art aux enfants… Mais qui conviendront aussi aux adultes sans enfant. Le constat de départ de ce projet éditorial, c’est que les enfants posent souvent des questions très pertinentes devant les oeuvres, mais auxquelles leurs parents sont bien en incapacité de répondre. Le livre fournit donc des clés pour ne laisser aucune question sans explication et des pistes pour amener les enfants à apprécier les sorties au musée. La première partie de chaque livre est consacrée à une introduction générale, en plusieurs parties : « les bons débuts » délivre les secrets d’une confrontation à l’art réussie ; ensuite, l’auteur précise comment s’y prendre avec les différentes classes d’âge, de 5 à 13 ans (ce qui leur plaît, ce qui les intéresse, quelle formule leur proposer). Le chapitre « on a droit de ne pas tout savoir » qui aborde des questions générales : « pourquoi les oeuvres sont-elles dans des musées ? », « pourquoi certains peintres sont anonymes ? », « est-ce qu’il y a des femmes peintres ? ». Viennent ensuite les fiches œuvres, entre vingt et trente suivant les titres : plutôt qu’un long commentaire, les explications sont présentées sous forme de questions-réponses, les questions étant classées selon les tranches d’âge (un code couleur permet de les repérer).
Face au succès du premier titre Comment parler d’art aux enfants, les éditions du Baron Perché ont décliné le concept en collection, multipliant les titres Comment parler des arts premiers aux enfants ?, Comment parler de l’art du XXe siècle aux enfants ?, Comment parler des arts de l’Islam aux enfants ?, Comment parler du musée d’Orsay aux enfants? … La collection s’étend désormais à d’autres domaines : la religion, la politique, la science, la sexualité…
Il existe une autre collection, aux éditions Actes Sud, dans le même esprit, qui mérite d’être citée : c’est la collection de guides Objectif … qui traite de tous les grands musées français, Objectif Louvre, Objectif Versailles , Objectif Quai Branly en proposant des parcours et approches adaptés aux familles.
Si ces deux collections sont destinées aux adultes pour accompagner les enfants, des publications destinées aux enfants peuvent aussi tout à fait convenir aux adultes néophytes. Durant toute mon enfance et adolescence, j’étais abonnée à la revue Le Petit Léonard, que mes parents lisaient aussi. Éditée par Faton, cette revue propose de faire découvrir les arts aux enfants, avec des contenus très abordables et très pédagogiques. Les articles proposent deux niveaux de lecture, ce qui permet de s’adapter aux tranches d’âge du public (pour un jeune enfant, on lira uniquement les parties en gras)… Et la justesse scientifique est au rendez-vous : quelle n’a pas été ma surprise de lire les noms de mes enseignants dans le comité éditorial, alors que j’étais étudiante à l’École du Louvre ? Aussi ai-je souvent relu mes Petit Léonard quand il s’agissait de défricher, pendant l’été, le programme de l’année suivante de licence. Aujourd’hui encore, je pioche dans notre collection (complète jusqu’à 2009 !) pour préparer mes cours d’initiation à l’histoire de l’art !
Notez qu’il existe également un équivalent pour l’histoire, Arkéojunior, mais aussi pour la littérature, Virgule (qui n’est pas étranger à ma passion pour les estampes), et pour les maths Cosinus. Nous étions abonnés aux quatre titres, mais seul mon père lisait le dernier, je crois. C’est aux éditions Faton que je dois mon projet, fut un temps, de devenir iconographe dans une maison d’édition.
Apprendre à regarder pour apprécier les oeuvres en toute autonomie
Le livre que je vais maintenant vous recommander conviendra à des lecteurs motivés : 260 pages de texte, plutôt dense. Il s’agit de Lire la peinture de Nadeije Laneyrie-Dagen, dont je vous ai déjà présenté L’histoire de l’art pour tous. Ce titre, de la collection Comprendre et reconnaître éditée par Larousse, propose de former le regard à l’analyse de la peinture, avec une progression qui a fortement inspiré mon cours d’initiation à l’histoire de l’art. C’est d’ailleurs une des lectures que je recommande le plus fortement à mes étudiants : on débute avec la carte d’identité de l’oeuvre (qu’est-ce qu’un titre, pourquoi le support de l’oeuvre est important, l’attribution de l’oeuvre à un créateur), puis on détaille les différents types de sujets (les fameux « genres » en peinture : l’Histoire, le Portrait, le paysage, la scène de genre, la nature morte). On apprend à décrypter et à mettre des mots sur la composition et la facture. Ensuite, un gros chapitre traite de la question de la figure humaine. Succèdent des fiches pratiques sur chaque style ou mouvement (bien faites, avec une introduction, une partie sur les centres et les artistes et une autre sur les caractéristiques du style). Le chapitre final évoque l’art du XXe siècle. Seul manque à ce livre, à mon sens, ce sont des fiches œuvres appliquant la méthode complète d’analyse.
Lire la peinture se décline en deux volumes : le tome 1, Dans l’intimité des oeuvres est celui que j’utilise. Je connais mal le tome 2, Dans l’atelier des peintres (qui a été réédité sous plusieurs titres).
La formule éditoriale étant bonne, Larousse l’a déclinée avec un titre consacré à Picasso et un autre à Rembrandt. La première partie offre un panorama de la vie de l’artiste, la seconde une succession d’analyses d’œuvres (historique, sujet, composition). Il existe aussi un volume Lire l’art contemporain, et je rêve qu’un jour viennent s’y ajouter Lire l’art du Moyen-Age, Lire l’art de la Renaissance, celle du XVIIe, du XVIIIe et enfin du XIXe. Ne serait-ce pas fort pratique pour les étudiants ?
Un manuel scolaire pour tous
Au hasard de mon dépouillement des étagères de la BPI j’ai découvert un livre vraiment précieux, et trop méconnu : L’histoire des arts avec le Louvre, édité par Hatier et les éditions du Musée du Louvre, à destination des enseignants. Son titre pourrait être « enseigner les arts avec le Louvre ». Le découpage des chapitres est lié au programme scolaire (collège et lycée) et aborde des thématiques telles que la personnalité de l’artiste ou celles du (des) public, commanditaire, client, amateur et mécène, ou encore l’art et le sacré. Les œuvres sont piochées dans les différents départements du Musée. C’est pédagogique, efficace, bref super : une partie, une idée, deux ou trois oeuvres bien commentées pour l’illustrer.
Un des meilleurs livres de visite du Louvre à mon goût… Mais combien confidentiel ! Le prix en arrêtera plus d’un (49 euros en quatrième de couverture, mais 55 euros en librairie). Par ailleurs, son statut de manuel scolaire (qu’il dépasse largement) a nui à sa diffusion : bien peu de bibliothèques publiques l’on acquis, alors qu’il pourrait toucher un public bien plus large !
Pour approfondir un sujet, Gallimard Découvertes
Un artiste vous a tapé dans l’oeil, vous vous sentez une prédilection pour une période ou une technique et vous souhaitez approfondir le sujet ? Un seul conseil : les Gallimard Découvertes, une collection à laquelle je suis fidèle depuis 15 ans. Le concept : un sujet, un spécialiste, un format poche, 120 pages, des chapitres synthétiques, beaucoup d’illustrations. La collection compte plus de 600 titres, dont beaucoup consacrés aux arts. J’en ai lu un grand nombre pendant mes études d’histoire de l’art, où ils étaient très utiles pour défricher un cours, et je continue à en consulter pour le plaisir ou pour préparer des billets sur le présent blog.
Seul bémol : leur prix, entre 14 et 15 euros le volume… Autant vous dire que la quasi-totalité de ma collection (une soixantaine de titres) a été acquise d’occasion chez Gibert ou en foire à tout. Mon rêve secret ? Posséder toute la collection et écrire le volume consacré à l’estampe, qui manque à la collection.
Et vous, quels livres vous ont aidé à découvrir l’Histoire de l’art ?
Et l’Histoire de l’Art d’Elie Faure dont parle magnifiquement Henry Miller dans l un des 3 tomes de la Crucifixion en rose.
Certes ce n est pas l’HDA pour les Nuls, mais quelle richesse et quel plaisir de lecture.
A noter la très belle édition aux editions Bartillat.
Hello, merci pour cet article intéressant… qui me donne envie de m’opposer !
En histoire de l’art je suis nul, c’est à dire qu’en plus d’être ignorant , j’ai la prétention d’avoir un point de vue.
Bref ce serait long à développer dans un commentaire, mais comme l’histoire en général, l’histoire de l’art se fabrique, et donc se raconte à un certain auditoire à qui plaire ou déplaire. Et en plus l’art …ça se débat.
Ceci dit , la culture que je peux avoir est vulgairement faite à partir de la pratique, je suis nul, la fréquentation des pratiquants avancés, des nuls et des pas mauvais, les lectures, dont cette collection « time life le monde des arts » dont j’ai hérité.
L’Histoire de l’art d’Ernst Gombrich.
L’important étant de comprendre ce qu’on regarde, et de savoir pourquoi ça nous intéresse ou pas.
J’aime/ j’aime pas: peu importe: ma tante adore Céline Dion, par exemple, on s’en fout.
Articuler les formes et les idées dans une perspective à se forger, voilà tout ce qui compte.
Ne jamais céder aux modes, à l’air du temps, à la facilité, et toujours garder à l’esprit que l’artiste, c’est l’exception.
Bon courage, dans le politiquement correct actuel.
Enfin voilà, L’Histoire de l’art d’Ernst Gombrich, c’est propre.
J’ai déjà l’Histoire de l’art pour tous qui m’avait préparé au test d’entrée à l’EDL, et j’ai hâte de découvrir vos références pour les parents/enfants ! (peut-être pour une sortie pendant les vacances, si je les trouve à temps…)
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