Une visite au Teylers Museum à Haarlem

C’est toujours impressionnant de pénétrer dans un musée dont on sait qu’il est l’un des plus anciens au monde. Aujourd’hui, je vous emmène à Haarlem, découvrir le Teylers Museum, un des plus vieux établissements muséaux des Pays-Bas, fondé à la fin du XVIIIe siècle.

Salle ovale du Teylers Museum, Haarlem

Le plus vieux musée des Pays-Bas

À l’origine du Teylers Museum, il y a la fortune d’un homme, Pieter Teylers. Sans descendance, ce riche industriel et banquier, marqué par les idéaux des Lumières, souhaitait consacrer tous ses biens à « favoriser la religion, les arts et les sciences » dans sa ville natale, Haarlem. C’est ainsi qu’au lendemain de son décès, en 1778, ses amis fondèrent le Teylers Museum, pensé comme un lieu de partage du savoir, où les visiteurs pourraient non seulement contempler des artéfacts, mais aussi assister à des expériences scientifiques.

Wybrand Hendriks, Intérieur de la salle ovale du Musée Teylers, huile sur panneau, fin XVIIIe-début XIXe siècle, Haarlem, Musée Teylers. CC-BY Sailko

La salle ovale, bâtie en 1779-1784 à l’arrière de l’hôtel particulier de Teylers, forme le noyau du musée. Avec ses belles boiseries sculptées néoclassiques et ses vitrines regorgeant d’instruments scientifiques aussi beaux qu’anciens et prestigieux, cette salle à elle seule justifie un voyage à Haarlem.

Salle ovale du Teylers Museum, Haarlem

Venue spécialement pour la contempler, je pensais parcourir le Teylers Museum assez rapidement, juste le temps de goûter son ambiance authentique.. Eh bien, cela a été tout le contraire : j’y ai passé des heures, happée tant par la magie des lieux que par la richesse des collections ! Et l’audioguide (pour une fois !) n’est pas étranger à ces longues heures de déambulation : très bien conçu, il a prolongé la visite de mille explications passionnantes à propos de fossiles, de minéraux, d’instruments scientifiques…

Morceaux choisis des collections scientifiques

Ainsi, l’on apprend que le squelette d’ours des cavernes qui nous accueille dans la première salle est en réalité « aberrant » car constitué de fragments de plusieurs individus : la taille des os est complètement incohérente. L’explication est toute simple : beaucoup d’ours décédaient durant l’hibernation, et ce sont des gisements entiers d’os qui ont été retrouvés dans les grottes, rendant très difficile, voire impossible (pour les hommes du XIXe j’imagine) de reconstituer un individu complet.

Plus loin, une vitrine aligne des dizaines de fossiles d’ammonite : je suis scotchée aux explications de l’audioguide, qui me permet enfin de « voir » et surtout de « comprendre » les pièces exposées. Les ammonites sont des mollusques dont à la coquille, en spirale est formée par des loges de nacre (ici bouchées par des cristaux de quartz). La coquille de l’ammonite est l’oeuvre d’une vie : elle grandit à mesure que l’animal vieillit. Certaines ammonites auraient atteint deux mètres de diamètres ! L’ammonite vit dans la dernière construite, la plus vaste, les autres étant conservées pour l’aération. D’après ce que j’ai compris, l’ammonite remplit ses loges d’eau : ainsi alourdie, elle descend. Si elle évacue cette l’eau à l’aide de gaz, sa coquille s’allège et elle remonte à la surface de l’eau… Fascinant !

Ammonite sectionnée en deux, Teylers Museum, Haarlem

J’apprends aussi que le nom d’ammonite nous aurait été transmis par l’Égypte ancienne : les fossiles ressembleraient aux cornes de béliers, symbole du dieu Ammon, d’où ce terme ammonite

Il y a soixante-dix millions d’années, les ammonites disparaissent de nos océans. En raison de leur grand nombre, de leur répartition partout autour du globe et parce que cette espèce a eu une existence relativement brève, les ammonites sont utilisées comme fossiles guide ou marqueur pour dater les couches géologiques.

Les fossiles des premiers insectes m’ont presque autant fascinée que ceux des ammonites. Les plus anciens insectes identifiés sont apparus il y a 300 millions d’années. Nos insectes « modernes », nés après l’avènement des fleurs mellifères, datent de 65 millions d’années. Les fossiles d’insectes sont très rares, car leurs dépouilles sont aussi fragiles que minuscules : seuls ceux qui ont été engloutis dans de l’ambre ou de la boue nous sont parvenus. Je ne suis pas tant impressionnée par la découverte de ces précieux témoignages que par la capacité des scientifiques à lire ces « archives de la vie » !

Insecte fossilisé dans de l’ambre, Teylers Museum, Haarlem

…Et pour la première fois, je comprends quelque chose à ces alignements de fossiles qui me sont jusqu’alors toujours apparus comme une curiosité surannée, que je me contentais de contempler…

Aux vitrines de fossiles succèdent les vitrines d’instruments de bois et de métal, beaux comme des objets d’art. Voici un alignement d’ampoules ; de drôles d’instruments ; une des plus grosses pierres magnétiques connues ; une pompe à air grâce à laquelle le directeur du Teylers Museum a été le premier, en 1792 à réussir à transformer un gaz en liquide…

Le centre de la salle ovale est occupé par une longue vitrine où sont rassemblés des centaines de minéraux, tous plus beaux les uns que les autres.

Je passe un temps fou à contempler chaque détail de deux globes, l’un figurant la surface terrestre, l’autre la carte du ciel. Il ne me faut pas longtemps pour repérer la constellation d’Orion, à laquelle le titre de ce blog fait référence…

Deux petits cabinets présentent des curiosités variées : des minéraux phosphorescents absolument fascinants et des objets à mystères, boîtes à trucs et autres objets de spectacles de table dont les secrets sont révélés dans de petites vidéos.

Les galeries de peintures

Après les instruments scientifiques et les fossiles, le parcours se prolonge avec deux galeries de tableaux presque exclusivement consacrées à la peinture du XIXe siècle. Pas de grands chefs-d’oeuvre, mais une leçon de peinture hollandaise de ce siècle. On y observe combien le goût pour les scènes d’intérieur typiques du XVIIe siècle perdure et combien les peintres s’en réapproprient les codes.
Les cimaises alignent de nombreuses peintures d’histoire dans une veine « romantique troubadour ».

Galerie de peintures, Teylers Museum, Haarlem

Ce sont cependant les vues figurant Haarlem et Amsterdam qui ont le plus longtemps retenu mon regard : c’est toujours agréable de découvrir sous le pinceau des artistes l’aspect ancien des villes que l’on visite. Plusieurs de ces paysages urbains sont signés de Wybrand Hendriks, qui fut aussi directeur du musée.
À lire les cartels, il semble que les directeurs successifs du musée Teylers aient été hommes de tous les talents : celui-là était peintre accompli, tel autre fut le premier à réussir la compression d’un gaz de façon à obtenir du liquide…

Mais revenons à nos tableaux : on admire quelques paysages hivernaux, à propos desquels l’audioguide m’apprend une drôle d’anecdote : les Néerlandais désignaient les vues de campagnes gelées sous le nom de Schelfhout, du nom du peintre qui s’était révélé le plus talentueux dans ce domaine.

Galerie des peintures, Teylers Museum

Parmi les toiles, je remarque une vue ancienne du musée, que je m’amuse à comparer à la salle ovale que je viens de visiter. Non loin, une autre toile montre le Collège de Haarlem en 1799 : une assemblée d’homme contemple des dessins et discute. Il s’agit du cercle de dessin, rassemblant des artistes et amateurs, lieu de sociabilité (quelques hommes jouent aux dames en fumant la pipe) et d’enseignement du dessin, pratique fort appréciée des gens bien nés au XVIIIe siècle. On remarque quelques moulages d’antiques célèbres sur le manteau de la cheminée, et le cartel nous apprend que le cercle organisait régulièrement des séances de pose pour dessiner d’après le vivant.

Wybrand Hendriks, Le collège de dessin d’Haarlem, huile sur panneau, 1799, Haarlem, Musée Teylers. CC-0

Le dessin, voici quelque chose d’important au Teylers Museum : l’institution s’enorgueillit d’une belle collection d’arts graphiques, qui comporte des feuilles signées Michel-Ange, Raphaël, Rembrandt ou encore Le Lorrain. On pourrait imaginer ces trésors jalousement gardés, inaccessible au public. Si, en effet, les feuilles originales sont soigneusement conservées en réserve, le public a tout le loisir de manipuler à sa guise les fac-similés, présentés dans de grands portefeuilles que l’on peut feuilleter sur des tables disposées à cet effet, au milieu de la galerie de peinture. Une ambiance authentique de musée d’autrefois, je vous le disais !

Voici un petit tour « choisi » du Teylers Museum. Sachez qu’une partie (et pas des moindres) se cache encore à l’étage : la bibliothèque. Malheureusement, elle n’est pas accessible au public hors événements spéciaux.

Si l’histoire du musée vous intéresse, sachez qu’il existe des publications en français (que je n’ai pas lues, faute de temps, et malgré l’envie manifeste…). Je signale également la richesse des pages Wikipédia consacrées au Musée Teylers, qui ont beaucoup nourri cet article : elles résultent en partie d’une collaboration entre l’institution et la Wikimedia Foundation.

Facade du Teylers Museum

3 réflexions sur “ Une visite au Teylers Museum à Haarlem ”

  • 26 mars 2018 à 13 h 00 min
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    Un vrai coup de coeur ce musée, auquel tu rends un bel hommage !
    Foncez-y sans hésiter 🙂

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  • 5 avril 2018 à 9 h 05 min
    Permalink

    Oh, ça donne vraiment envie d’y aller, je le programme pour un prochain voyage dans le coin, tout cela a l’air vraiment fascinant, et pour une fois, je prendrai un audioguide (que je déteste ordinairement), comme ça, j’en saurai plus sur les fossiles !
    J’adore le style « troubadour », tellement représentatif de la période Restauration (en France), mais on n’en trouve assez peu dans les musées français, c’est dommage…
    Merci pour ce beau partage de visite,
    Belle journée

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