Les visiteurs du Louvre avaient dernièrement un drôle de spectacle à admirer dans la cour Puget. Le chef d’œuvre du lieu, le Milon de Crotone, sculpté entre 1671 et 1683 par Pierre Puget était entouré d’une palissade. Les mezzanines alentours offraient une vue imprenable sur ce qui se passait derrière cet échafaudage. Autour du monumental bloc de marbre de Carrare, deux personnes en combinaison blanche s’activaient. Un spectacle assez rare qui se jouait : le moulage d’une œuvre pour en tirer des copies fidèles.
Les personnes qui s’affairent autour du Milon réalisent une prise d’empreinte de la dite statue. De cette empreinte sera tirée un moule, dans lequel on pourra couler une copie en poudre de marbre fidèle à l’original.
Cette opération délicate s’inscrit dans le cadre de l’année Le Nôtre : l’établissement du château de Versailles souhaite en effet resituer l’aspect des jardins tels qu’ils se présentaient sous l’Ancien Régime. Parallèlement à la restauration du bassin de Latone, il s’agit de replacer dans la perspective du grand canal quelques unes des très nombreuses statues qui l’ornaient autrefois. Chefs-d’œuvre de l’histoire de la sculpture, certaines d’entre elles – comme le Milon de Crotone et le Persée et Andromède, toutes deux sculptées par Pierre Puget – ont été retirées au cours du XIXe siècle pour rejoindre les salles des musées, à l’abri des intempéries et de la pollution.Il n’est bien sur pas question de replacer les originaux dans les jardins, mais des copies assez solides pour ne craindre ni la pluie, ni le froid. Pour cela, le moulage semble être la solution idéale : pratiquée depuis des siècles, cette technique a servi à reproduire massivement des œuvres jusqu’à une période récente. Cependant, l’opération de la prise d’empreinte pouvait se révéler risquée pour les œuvres : altération des surfaces, arrachement de morceaux en saillie, disparition de polychromie… C’est pourquoi elle est de plus en plus rarement pratiquée, sauf dans des cas particuliers comme celui-ci.
Mais n’ayez crainte pour les deux chefs-d’œuvre de Puget ! Depuis le XIXe siècle, les techniques de prise d’empreinte ont évolué: les moules en élastomère de silicone ont remplacé les moules à pièces et les moules en gélatine. De plus, l’opération est réalisée par des professionnels de l’atelier de moulage de la Réunion des Musées nationaux, spécialement formés à cette tâche.
Pour la prise d’empreinte, il a fallu dans un premier temps dépoussiérer méticuleusement l’œuvre. Aucune particule étrangère ne doit rester sur la surface de la sculpture. Celle-ci est alors recouverte d’un agent de démoulage (de la vaseline ou de la cire) après qu’on se soit assuré qu’aucun de ces produits ne laissera de tâche sur l’œuvre. Une fois la couche d’agent de démoulage sèche, les opérateurs appliquent l’élastomère de silicone sous forme liquide qui solidifiera lentement. On ne peut bien évidement prendre une empreinte globale : il faut mentalement décomposer la sculpture en plusieurs parties, qui formeront autant de morceaux moulés séparément : c’est ce qu’on appelle le raisonnement du moule.
Une fois l’élastomère de silicone polymérisé, c’est-à-dire durci, il est retiré de la surface de l’œuvre : ses propriétés (une excellente souplesse et une absence d’adhérence) permettent de réaliser cette dernière opération en toute sécurité. La suite de l’opération (le moulage d’une copie) sera réalisée dans les ateliers de la Réunion des Musées nationaux.
Afin de financer ce programme, évalué à 200 000 euros, l’établissement public de Versailles a lancé un appel à mécénat.
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