Dans le cadre du programme Europeana 14-18, le département des Estampes et de la photographie de la BnF a numérisé les volumes consacrés à l’œuvre gravé de Jean Veber (1864-1928). En parallèle de l’album facebook présenté sur la page de Gallica, je vous propose ici quelques clés pour mieux comprendre le travail de cet artiste à la production éclectique.
Rappel: l’intégralité des liens de ce billet renvoie à des documents numérisés disponibles sur Gallica.

Fils d’un dessinateur de l’industrie dentellière, Jean Veber se destine à une carrière de peintre. En 1883, il intègre l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, où il fréquente les ateliers de Cabanel puis de Jules Elie Delaunay. Bien qu’il expose régulièrement au Salon, ses toiles ne rencontrent pas un succès suffisant pour en vivre et ses tentatives pour remporter le Prix de Rome se soldent toutes par un échec. Pour s’assurer des revenus décents, il se tourne donc vers le dessin de presse, domaine par lequel qu’il accédera à la reconnaissance.
Sa carrière de caricaturiste naissante va être facilitée par ses relations dans le milieu de la presse parisienne. En effet, son frère Pierre est rédacteur pour le journal Gil Bas, un quotidien fondé en 1879. Les caricatures que Jean réalise pour accompagner les articles de son frère rencontrent un certain succès et rapidement le duo signe un contrat de deux ans avec le journal. Par la suite, les deux frères collaboreront au Journal, à l’Illustration et au Rire. L’album intitulé les « Veber’s », publié en 1895, rassemble leurs meilleures contributions.

Mais dès 1900, les deux frères décident de poursuivre des trajectoires individuelles. C’est seul que Jean signe un contrat avec l’Assiette au Beurre, pour lequel il dessinera un numéro spécial consacré à la guerre en Afrique du Sud, à l’origine d’un incident diplomatique. Il faut dire qu’une page présente Britannia montrant ses fesses… sur lesquelles figurent le visage d’Edouard VII ! La BnF, outre un défait du journal, possède également quelques uns des tirages d’essais des planches en couleurs.

Les dessins de Veber ne traitent pas uniquement de l’actualité politique : la caricature de mœurs occupe également une part importante dans son travail. C’est avec beaucoup d’humour qu’il dépeint la vie des petites gens des campagnes, bien que certaines scènes soient parfois d’une blessante cruauté.


Parallèlement à ce travail de caricaturiste, Jean Veber s’adonne à l’illustration. Il emploie dès 1893 la lithographie pour la conception de programmes et de livres. L’un de ses tous premiers projets de ce type, la couverture du livret et de la partition de Thaïs de Massenet, est très bien représenté sur Gallica, avec plusieurs tirages d’essais des différents projets.

La lithographie lui donne aussi l’occasion de diffuser ses propres tableaux, dont l’un des plus célèbres demeure « Les maisons sont des visages ».
Le public apprécie les accents oniriques de des compositions féériques de Veber : le succès faisant (il est décoré de la légion d’honneur en 1907), il reçoit des commandes de grands décors. En 1908, succédant à Forain qui s’est désisté, Jean Veber réalise celui de la salle de la buvette de l’Hôtel de Ville de Paris (elle s’admire aujourd’hui durant les Journées du Patrimoine). Il conçoit également des cartons de tapisseries pour les Gobelins et la manufacture de Beauvais.
Profondément patriote, Jean Veber s’engage volontairement en 1914, rejoignant ses deux fils sur le front. Décoré de plusieurs distinctions durant le conflit, il consacre chacune de ses permissions à la réalisation de lithographies, dont certaines relatent des atrocités perpétrées par les allemands à l’encontre des civils.

C’est cet ensemble d’estampes traitant de la guerre qui a motivé le choix de numériser l’intégralité de l’œuvre de Veber conservé au département des estampes, dans le cadre du programme Europeana 14-18. Témoignage marquant du quotidien d’un poilu, elles dépeignent le terrible quotidien des tranchées, mais traitent aussi des excès de « l’arrière » et des politiciens…

Gravement touché par les gaz durant la guerre, Jean Veber en subira les conséquences durant les dix dernières années de sa vie. Il s’éteint en 1928 des suites de ses blessures.

Pour retrouver l’ensemble des estampes numérisées par la BnF et l’album Veber’s, cliquez sur les liens !
Pour découvrir sur le blog Orion en aéroplane d’autres corpus numérisés par la BnF et disponibles sur Gallica, c’est ici.
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