Bilipo, une bibliothèque exclusivement vouée à la littérature policière

La plus grande bibliothèque de littérature policière au monde… est parisienne! La Bilipo, sise au coeur du cinquième arrondissement, conserve plus de 100 000 documents. Petite visite de cette institution insolite.

Des bibliothèques spécialisées de Paris, on vous dira qu’elle est celle qui est dotée du nom le plus « mignon »…. et énigmatique. Bilipo n’est pas une bibliothèque pour la jeunesse, encore moins une bibliothèque sur l’Oulipo, mais la bibliothèque des littératures policières. Installée depuis 1995 dans le cinquième arrondissement de Paris, cette bibliothèque unique au monde et richement fournie ravit les amateurs de romans noirs et de faits divers sordides.

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Une bibliothèque pour sauver un patrimoine littéraire menacé

La bilipo est née dans les années 1980 d’un cruel constat. Acclamée par une masse populaire et nombreuse de lecteurs, branche dynamique de l’édition, la littérature policière formait pourtant un patrimoine menacé de disparition. « Mauvaise lecture » mésestimée par beaucoup de bibliothécaires, le roman policier, malgré l’ampleur de son lectorat et le nombre de titres publiés annuellement n’était pas ou peu représenté dans les institutions de lecture publique. Même à la BnF, où sont conservés les exemplaires du dépôt légal, les romans policiers souffraient d’un manque de reconnaissance. Il était quasiment impossible pour les chercheurs d’accéder aux ouvrages, relégués dans de lointaines réserves…

Par ailleurs, les romans policiers, objets de consommation courant étaient jetés par leurs lecteurs une fois le livre trop usé… Ainsi disparaissait la grande majorité des exemplaires diffusés.

La prise de conscience qu’une partie de cette production littéraire populaire était vouée à disparaître a motivé la création en 1984, au sein de la bibliothèque Mouffetard, d’un premier embryon de collection qui deviendra la Bilipo. La BnF y transfère le fond policier conservé depuis 1927 à l’Arsenal et la nouvelle structure devient destinataire des exemplaires de romans policiers versés au titre du dépôt légal.

La Bilipo connaît d’emblée un succès certain. Cependant, la cohabitation avec le fonds courant de la bibliothèque Mouffetard se révèle rapidement difficile. Alors que cette dernière est une bibliothèque de prêt, la Bilipo prétend développer une collection patrimoniale, qui, de ce fait, est exclue du prêt. Une situation complexe à justifier auprès des usagers…

Des collections d’une grande richesse

En 1995, la Bilipo déménage donc pour devenir une bibliothèque spécialisée indépendante. De taille modeste, le fonds disponible en accès libre n’est que la partie émergée de l’iceberg… en réserve se trouvent en effet quelques 80 000 volumes de fiction française et étrangère, représentatifs des différentes facettes des littératures policières et d’espionnage ; 12 000 ouvrages de références, tant sur le roman policier que sur le crime organisé, la criminologie, la justice, les affaires criminelles, la police ; un fond iconographique comprenant entre autre 500 affiches, 500 titres de périodiques dont 50 encore en cours. En outre, les bibliothécaires développent un fond documentaire constitué de dossiers de presse. Pour clore ce tableau, il faut enfin signaler quelques fonds d’archives tels que celles de Marcel Duhamel, le créateur de la collection « Série Noire » chez Gallimard.

Les collections de la Bilipo sont précieuses en ce qu’elles rendent compte de façon précise, fouillée, presque exhaustive de la littérature policière, genre populaire majeur et cependant menacé.

Couverture de Fantomas 1911Peu considéré, souvent imprimé sur des papiers de basse qualité ne se prêtant pas à une conservation longue, beaucoup de ces ouvrages autrefois massivement distribués et lus sont aujourd’hui rarissimes. Hier commercialisé pour un prix dérisoire – qui figurait parmi les arguments majeurs de vente -, le roman policier ancien s’arrache aujourd’hui à prix d’or dans certains milieux de collectionneurs. Malgré ces contraintes, les conservateurs de la Bilipo ont eu le souci de compléter, au fil des années, les manques de leur collection ancienne.

On y trouve par exemple un périodique savoureux, sorte de Nouveau détective des années 1900, l’Oeil de la police, mais aussi des classiques du genre, comme les ouvrages de Ponson du Terrail, créateur de Rocambole et ceux de Souvestre et Allain, créateurs de Fantômas.

Une collection ancienne que les bibliothécaires mettent en valeur par de petites expositions dans leurs locaux (Les Crimes de Paris au XIXe siècle, par exemple) et par des rencontres avec des spécialistes, comme l’historien Dominique Kalifa ou encore avec des auteurs policiers.

Oeil de la police, n°2, 1909, Gallica/BnF
Oeil de la police, n°2, 1909, Gallica/BnF

Un avenir menacé

La Bilipo est actuellement menacée par le projet de réforme du dépôt légal, qui réduirait le nombre d’exemplaires versé par les éditeurs à l’Etat. De fait, la bibliothèque pourrait perdre son statut de destinataire du dépôt légal alors même que ce mode d’acquisition est sa principale source d’enrichissement. Sans cet apport du dépôt légal, la Bilipo ne serait plus en mesure de répondre à ses missions et perdrait sa raison d’être.

Merci à E. Parinet pour avoir organisé une visite de la Bilipo dans le cadre du master de l’Ecole des Chartes et à Catherine Chauchard, conservatrice en chef de la Bilipo pour son accueil chaleureux et ses explications passionnées. 

Infos pratiques : Bilipo, 48 rue du Cardinal Lemoine, 75005 Paris. Ouvertes tlj sf dim-lun., 14h-18h. Plus d’informations sur la page de la bibliothèque sur le site de la ville de Paris.

Pour en savoir plus sur la Bilipo: Une interview des conservateurs sur le site du CNPD et un article interview sur le site EuroPolar

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