À Rouen, le musée national de l’Éducation s’apprête à rouvrir après un an de travaux. En attendant de découvrir les nouvelles expositions temporaires « 50 ans de pédagogie par les petits écrans », « les enfants de la Patrie (1871-1939) » et le parcours permanent, je vous emmène dans les nouvelles réserves externalisées, inaugurées en 2010 à un jet de pierre du musée de la rue Eau de Robec. Elles conservent, dans des conditions impeccables, les 950 000 artéfacts qui composent les collections du musée national de l’Éducation, et, fait remarquable, sont régulièrement ouvertes au public.

Un musée pour l’histoire de l’éducation
En 1879, Jules Ferry, promoteur que l’on sait de l’école laïque, gratuite et obligatoire, fonde à Paris un musée pédagogique. Il s’agit de l’un des éléments de la politique en faveur de l’éducation publique que Ferry mène en tant que ministre de l’instruction populaire et président du Conseil au début de la décennie 1880. Nous lui devons – entre autres – la création de la première École Normale féminine, l’ouverture d’une agrégation féminine, la gratuité de l’enseignement primaire, l’obligation et la laïcité de l’enseignement…

Pour Jules Ferry, le musée pédagogique doit être à l’instruction primaire ce qu’est le musée des arts et métiers à l’enseignement technique : un support et un manifeste. La collection, exposée rue d’Ulm, s’enrichit rapidement de matériaux d’enseignement contemporains et de témoins anciens des manières d’instruire.

En 1980, le musée est transféré à Rouen, où le CRDP (Centre Régional de Documentation Pédagogique) a constitué depuis plusieurs années ses propres collections. Ce transfert marque la volonté de l’Institut national de recherche et de documentation pédagogique de réunir à l’échelle nationale le patrimoine scolaire pour le conserver, l’étudier et le présenter. Une des plus belles maisons à pan de bois du quartier du Robec, la maison des Quatre Fils Aymon (XVe siècle) est alors transformée pour accueillir des expositions, dont un parcours permanent « Cinq siècles d’École ».

Deux nouveaux écrins pour les collections
Depuis la fin des années 2000, le musée national de l’Éducation connait d’importantes transformations. En 2010, un nouveau centre de ressources a été créé. Alors que bien des musées voient leurs collections partir à plusieurs dizaines voire centaines de kilomètres, à Rouen, les réserves ont été rapprochées du musée et se situent désormais en bordure du centre-ville. Le nouveau centre des ressources abrite une bibliothèque de recherche, des salles pédagogiques pour les scolaires et 2500 m² de réserves pour les collections. Quant au musée, il a fermé ses portes durant l’année 2013-2014 pour s’offrir une petite cure de jouvence : il rouvrira progressivement au cours des mois d’octobre et novembre 2014.
Parallèlement, les missions du musée national de l’Éducation ont été renouvelées : sans délaisser son rôle essentiel dans la sauvegarde et la recherche sur le patrimoine scolaire, il développera une politique des publics plus dynamique, notamment grâce au numérique, dont l’usage est promu par le ministère de l’Éducation nationale. Le numérique est à la fois un outil pédagogique moderne et un moyen de diffuser le patrimoine du musée, qui sera prochainement mis en valeur dans une nouvelle base de données.
Des réserves exemplaires
Dans le nouveau centre de ressources, 2500 m2 sont réservés à la conservation des quelque 950 000 artéfacts que le musée possède : 450 000 photographies, 40 000 cahiers d’écolier, des centaines d’instruments scientifiques, quelques objets relevant des collections naturelles, des dizaines de bureaux et pupitres, des milliers de manuels scolaires et de « livres de prix ». Les objets sont répartis, selon leur nature, dans les différentes pièces maintenues à des températures et à des taux d’humidité adaptés.
La déambulation dans les réserves laisse à voir l’extrême diversité des collections, essentiellement axées sur l’instruction primaire : d’immenses fleurs en papier mâché, des instruments de physique et de chimie, des machines à écrire, le buste d’un pédagogue, des animaux empaillés avec plus ou moins de bonheur… On rencontre parfois des artéfacts étranges, comme cette maquette en fer peint, qui n’est pas un jouet d’enfant (le musée en possède par ailleurs), mais un support pour des expériences-démonstrations sur la foudre et les paratonnerres.

Sur une étagère, quelques fusils en bois, souvenir des bataillons scolaires instaurés en 1882 pour préparer les écoliers au service militaire. Ils seront présentés dans la prochaine exposition dossier « Les enfants de la Patrie (1871-1939) ».

Dans une autre réserve, de loin la plus impressionnante, des centaines de pupitres s’alignent sur les étagères : plus ou moins frustes, produit artisanalement ou industriellement, à bord droit ou à structure arrondie (plus facile pour y glisser une robe de jeune fille), ils ont été polis par les postérieurs et les poignets de centaines d’écoliers. Plus massifs, fermant à clé ou sculptés, les bureaux de maître et d’institutrice forment un ensemble à part. À cet étage, on trouve d’autres types de mobiliers : des panneaux de menuiserie provenant d’une école de la région, des machines à coudre pour l’instruction des jeunes filles.
Une troisième réserve sert à la conservation des documents iconographiques et des tableaux. C’est ici que l’on entrepose les milliers de cahiers d’écoliers et autres travaux scolaires, les affiches pédagogiques qui ornaient les murs des classes ou encore des centaines de photographies… Parmi ses trésors, le musée conserve le cahier d’orthographe du Grand Dauphin de France et une affiche manuscrite réalisée par un maître écrivain de Montpellier en 1551. La collection ne compte qu’une petite centaine de tableaux dont quelques-uns peints par J. Geoffroy (1853-1924), illustrateur inlassable des charmes de l’enfance.

Qui peut venir ?
La force du nouveau centre de ressources est d’être ouvert à tous les publics. Le chercheur ou le généalogiste pourra y consulter la documentation ou les collections thématiques à la recherche d’informations sur les « livres de prix », les bataillons scolaires pendant la Première Guerre mondiale ou encore l’enseignement de la menuiserie en 1890. Le jeune public est accueilli lors d’ateliers pour individuels ou scolaires, qui alternent découverte des œuvres conservées et création personnelle : ainsi l’activité « Carnet de voyage » permet aux enfants d’admirer des atlas du XVIIIe siècle et des globes du XIXe siècle. Le grand public n’est pas en reste, avec des expositions-dossiers sur les collections (l’éditeur Hetzel en ce moment), des conférences et des visites exceptionnelles des réserves pendant les journées du Patrimoine ou la fête de la Science.
Informations pratiques : le site officiel du musée et la base de données des collections (en refonte), le compte twitter @museeEducation.
Article intéressant comme d’habitude, sur un musée qui a de la franchise : bataillons scolaires et cacao des colonies, la IIIème République y allait assez fort avec la propagande !
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Tu as bien fait de le faire ressurgir dans ton fil d’actualité, je ne l’avais pas lu ! Je ne soupçonnais pas la diversité de tout ce qui a l’air d’y être conservé.