Est-ce un musée qui s’éteint ? On en sait peu sur l’avenir de la collection de moulages de l’université Lyon 2, en cours de déménagement pour une destination inconnue. C’est pourtant un patrimoine dont l’université devrait s’enorgueillir tant il est précieux et rare. Au XIXe siècle, de telles collections de plâtres étaient répandues. Chaque école et université se devait de posséder la sienne, qu’elle enseigne les beaux-arts ou l’archéologie : le moulage de l’antique comme modèle parfait pour le dessin académique, étape incontournable avant d’accéder au modèle vivant ; la copie en trois dimensions comme substitut de l’oeuvre dans l’écriture d’une histoire de l’art, l’expérience à grandeur nature pour former l’oeil du connaisseur. Deux approches du moulages pour l’enseignement qui se mêlaient parfois, comme à l’École des Beaux-Arts de Paris.

La pratique du moulage des œuvres est ancienne : à la Renaissance, François Ier dépêche Primatice à Rome. Sa mission : réaliser l’empreinte des sculptures insignes de l’antiquité, récemment exhumées et exhibées dans les villas des grandes familles. Ces copies orneront le château de Fontainebleau, fournissant modèles et sujets d’études à la centaine d’artistes qui oeuvre sur le chantier royal. Puisque tous n’ont pas la chance de faire le voyage en Italie, c’est l’Italie qui viendra à eux.
Tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, les antiques sont diffusés à travers l’Europe par la gravure et le moulage. Les encombrants plâtres grandeur nature sont l’apanage des riches collections princières. Amateurs érudits et artistes se contentent de modèles réduits, moins onéreux.

Au XIXe siècle, la demande explose : les moulages permettent de compléter les collections des musées qui se multiplient alors. Dans les facultés et écoles des Beaux-Arts, elles aussi de plus en plus nombreuses, on constitue de grandes collections documentaires. Dans un cas comme dans l’autre, les responsables cherchent à construire des ensembles cohérents, illustrant chaque période et chaque style. En cela, les collections de moulages sont le reflet d’une certaine vision de l’histoire de l’art : elles nous renseignent sur l’histoire du goût, de la muséologie et de l’enseignement.
Délaissées au cours du XXe siècle, voire méprisées, beaucoup de ces collections ont disparu, reléguées dans des caves et des greniers, parfois abandonnées à l’humidité, évidemment dévastatrice. A l’École des Beaux-Arts de Paris, mai 68 a chassé de la cour vitrée les plâtres, témoins encombrants d’un académisme désormais rejeté.
Ces dernières décennies, un mouvement en faveur de ces moulages a vu le jour : redécouvertes, à nouveaux étudiées, les collections font parfois l’objet d’une valorisation réussie, comme à Montpellier, où la collection est classée. Leur valeur patrimoniale est réactivée : à Paris, à la Cité de l’architecture, certains moulages du musée des Monuments français ont acquis le rang de nouvel original après que l’oeuvre première a été détruite par l’usure du temps ou la violence des combats des deux guerres mondiales. Réalisés à la fin du XIXe siècle, les moulages de la cathédrale de Reims révèlent l’état des sculptures avant les terribles bombardements de 1914.

Les moulages ont-ils encore quelque chose à apporter à l’enseignement ? Assurément. À en juger par le nombre de dessinateurs que l’on croise dans les musées, l’étude d’après l’antique a encore de beaux jours devant elle, quoiqu’elle ne soit plus l’unique moyen de développer ses aptitudes plastiques. Aux étudiants en histoire de l’art, elle apporte toujours une expérience précieuse : celle de « tourner autour », jauger les formes, apprécier l’espace. Un substitut précieux quand on ne peut se payer le voyage en Italie, ou même à Paris, pour voir le Louvre. Quand bien même le moulage est « inexact » parce qu’il offre une restitution depuis rejetée par la science (un bras dans la mauvaise position, par exemple), il demeure intéressant : c’est le témoin d’une certaine vision d’une oeuvre, à une époque donnée. Un beau moyen d’enseigner et de comprendre l’historiographie. J’en avais fait l’expérience à Rome, en visitant le musée des moulages de l’université de la Sapienza, où étaient exposées trois versions du discobole de Myron, dont l’original est perdu. Chaque moulage offrait une proposition de restitution, permettant ainsi de jauger les hypothèses élaborées par les historiens de l’art au XIXe siècle.
Précieuses, les collections de moulages le sont donc. Méprisées, elles le demeurent malheureusement. Il n’y avait guère que quelques poignées de visiteurs pour ce musée hors des circuits touristiques lyonnais. Je ne m’y suis rendue moi-même que deux fois : la première parce qu’étudiant l’histoire de l’enseignement artistique, je voulais voir l’une de ces rares collections encore accessibles, la seconde parce que les étudiants en histoire de l’art de l’université y organisaient une exposition d’art contemporain dont ils étaient les commissaires. Je garde un excellent souvenir du dialogue entre les formes antiques et l’art d’aujourd’hui, outre le fait qu’il s’agissait d’un exercice pratique formateur pour ces futurs professionnels.
Depuis, l’université Lumière Lyon 2 a décidé d’installer dans les vastes locaux du musée le département de musicologie. Au printemps, quelques jeunes gens, apparemment stagiaires, ont reconditionné et déménagé les collections, dans des conditions très précaires, comme on peut le constater sur la page Facebook du musée. Les moulages ont été déplacés dans un lieu inconnu : est-il adapté à la conservation de tels artefacts ? Reverra-t-on les moulages ? Autant de questions restées à ce jour sans réponse, malgré les sollicitations d’un amoureux de la collection auprès de la présidence de l’université.
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Il faut tout faire pour empêcher que ce musée disparaisse. Il est précieux par les moulages qu’il renferme et qui mettent à la portée de tous et en particulier de ceux qui ne peuvent se déplacer au Louvre ou à l’étranger des reproductions des oeuvres les plus célèbres de l’Antiquité grecque.
L’an dernier, une pétition a circulé, mais elle n’a pas suscité tant d’enthousiasme. Aujourd’hui, l’université affirme que le musée retrouvera ses murs (mais il les partagera avec le département de musicologie). Dans l’unique page abordant le problème sur le site de l’université, il y a un texte assez lisse et convenu sans aucune information concrète sur la surface accordée au musée, les moyens humains et financiers consacrés à sa sauvegarde et sa valorisation. J’ai du mal à croire à la sincérité de la chose quand il n’y a même pas le début d’un projet muséographique…
Toujours dans les moulages en platre, il existe aussi le musée Knauf (musée privé) à Iphofen en baviere. Il contient des reproductions en platre de bas relief de toute epoque (mesopotamie, grece, rome antique…jusqu’a la culture pre-colombienne). http://www.knauf-museum.de
Bonjour
je cherche des informations sur les dates prévues d’achèvement des travaux ?
La réouverture est programmée pour quand?
Malheureusement, comme la plupart des amoureux de ce musée, je n’ai aucune information…. sauf ça http://www.univ-lyon2.fr/universite/campus-et-sites/renovation-et-extension-du-musee-des-moulages-649355.kjsp
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