Le château d’Azay-le-Rideau est, avec Chambord et Chenonceaux, l’un des châteaux les plus emblématiques du Val de Loire. Construit au début du XVIe siècle, il apparaît comme l’un des chefs-d’œuvre de la Première Renaissance française, bien que sa forme définitive et « parfaite » ne lui ait été donnée qu’au XIXe siècle, grâce à la famille de Biencourt. Folie romantique, Azay témoigne autant de l’art de la Renaissance que de la vision du XIXe siècle sur l’architecture du XVIe.

Le château d’Azay-le-Rideau se dresse sur une petite île de l’Indre : un joyau de pierre blanche, magnifié par une nature verdoyante. Au Moyen Âge c’est une forteresse qui s’élevait ici. En 1510, un haut financier de la couronne de France achète l’édifice à un seigneur local désargenté. Pour ce financier, Gilles Berthelot, posséder un château et une seigneurie est l’aboutissement d’une ascension sociale fulgurante. La charge de notaire et secrétaire du roi, dont il a hérité de son père, lui a permis d’accéder à la noblesse. Son habileté en affaires l’a enrichi à mesure qu’il contribuait à remplir les caisses de l’État par de nouveaux impôts. Au sommet de sa carrière, il est conseiller du roi, président de la chambre des comptes et trésorier de France.
Les premiers éclats de la Renaissance en France
La vieille forteresse d’Azay est bien inconfortable et peu agréable : si bien que Gilles Berthelot, quelques années après avoir l’avoir acquis, en fait abattre une partie : à la place sera bâti un corps de logis moderne, reflet du goût nouveau qui traverse l’Europe. Le chantier est mené en quelques années à peine par un architecte demeuré inconnu. L’édifice est novateur : il mêle habilement tradition architecturale française et innovations venues d’Italie. Comme les autres financiers de Louis XII et François Ier, Gilles Berthelot a participé aux campagnes d’Italie où il a pu être charmé par le mode de vie ultramontain. Fort de ses contacts à la cour, il fait venir des artistes et artisans italiens sur le chantier de son château : ils amènent avec eux le plan symétrique, les escaliers à rampe droite et un nouveau répertoire ornemental, qui puise dans l’exemple antique. Exemple emblématique de la Première Renaissance, le château d’Azay est l’un des premiers — et le seul encore debout — à intégrer l’escalier à rampe droite, jusqu’alors inconnu en France. En façade, les ornements antiquisants se mêlent aux formes héritées du gothique. Novateur par la symétrie de sa façade, le château d’Azay sacrifie cependant à certaines traditions castrales françaises. Coté Indre, la toiture haute prend naissance sur des mâchicoulis : un chemin de ronde totalement factice et symbolique, qui place Berthelot dans une certaine filiation avec la noblesse « de souche ».
La déchéance d’un haut financier
Brillante démonstration de la richesse et du goût d’un haut financier, le château d’Azay-le-Rideau ne restera pas longtemps en possession de son bâtisseur. En 1523, François Ier, qui s’inquiète du pouvoir et de la fortune considérable amassée par les conseillers de son prédecesseur Louis XII, diligente une enquête qui révèle d’importantes malversations. Jacques de Beaune Semblançay, cousin de Berthelot et également financier, est pendu. Pris de peur, Gilles Berthelot s’enfuit à Tournai. Il meurt en 1529 sans revoir ses terres. Sa veuve, abandonnée en même temps que le château, en est délogée en 1529 : François Ier a donné la bâtisse à l’un de ses favoris, Antoine Raffin, sénéchal d’Agneais.

Les décennies passent, plusieurs familles se succèdent au château, dont l’architecture évolue peu. En 1619, le jeune roi Louis XIII séjourne à Azay, où il est reçu en grande pompe. Le décor et le mobilier du château, à la dernière mode, sont très remarqués. À la fin du siècle, le château est embelli par Henri François de Vassé, courtisan écarté de la cour de Louis XIV pour ses frasques ; il y mène un beau train de vie. Au début du XVIIIe siècle, la famille Vassé se trouve désargentée : faute de moyen, le domaine, mal géré, périclite et le château se dégrade. Les parties les plus anciennes, datant de l’époque médiévale, s’écroulent.. La toiture d’ardoise est minée de trous et certaines sculptures Renaissance tombent au sol.
La renaissance d’un château et la recréation d’un monument
Azay-le-Rideau va renaitre au lendemain de la Révolution. En 1791, le marquis Charles de Biencourt achète le château. Passionné de botanique et d’agriculture, il est attiré par le potentiel du domaine. Son fils Armand François, qui hérite du château en 1825, y aménage un magnifique parc paysager, à la mode anglaise. Il est planté d’essences rares et traversé d’allées sinueuses, qui donnent l’illusion d’une nature libre et sauvage. À l’époque, l’eau de l’Indre ne lèche pas encore la façade sud, qui est bordée d’une terrasse. Le miroir d’eau d’Azay est en effet en grande partie une invention du XXe siècle.

Les Biencourt, famille légitimiste, sont passionnés par l’art de la Renaissance et font restaurer le château pour lui redonner sa splendeur d’autrefois. Dans l’escalier, les voûtes aux caissons vides sont ornées de médaillons figurant des rois de France. Mais les travaux les plus spectaculaires concernent les extérieurs : Armand de Biencourt fait rétablir les lucarnes, restaurer les sculptures et les toitures. Il abat même la tour médiévale, dernier vestige de la forteresse primitive d’Azay pour y élever une grosse tour dans le style Renaissance. À son tour, le fils d’Armand de Biencourt, Armand Marie Antoine de Biencourt, achève la métamorphose d’Azay en parfait château Renaissance en supprimant les dernières notes dissonantes de sa silhouette : il détruit le pavillon chinois et la tourelle troubadour, bâtis au début du siècle.

Le château ainsi sublimé devient l’écrin de la collection d’œuvres d’art de la famille, qui accumule les portraits peints et tableaux du XVIe siècle. De ce magnifique intérieur, il nous reste le témoignage des photographies d’époque et des inventaires. Car faute d’argent, le dernier hériter des Biencourt est contraint de se séparer des meubles puis du château en 1899. D’abord acquis par un vicomte puis par un notaire, le château d’Azay-le-Rideau est finalement racheté par l’état en 1905. Classé au titre des monuments historiques depuis 1914, il est ouvert à la visite et devient en quelques décennies l’un des châteaux les plus prisés des bords de Loire.
Actuellement le château d’Azay-le-Rideau est en restauration : que sa façade couverte de bâche ne vous fasse pas renoncer à la visite ! Bien au contraire, il faut profiter de ce moment unique pour découvrir les dessous de son architecture : ceux qui visiteront le château en chantier auront la chance de découvrir sa superbe charpente à l’air libre et d’observer les ouvriers au travail. En effet, pendant toute la durée des travaux, des visites guidées et une exposition s’attachent spécifiquement à expliquer le chantier : on y découvre les principes de restauration des monuments historiques, le savoir-faire des artisans et compagnons qui travaillent sur le chantier. Mais je vous en reparlerai !

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Merci pour ce bel article, extrêmement documenté et vraiment intéressant. C’est un détail mais je ne suis pas sûre d’avoir compris ce qu’était la tour troubadour… Le pinacle qu’on aperçoit sur la toiture du château, au dessus du pavillon chinois ? En tous cas, si je m’écoutais, je laisserais tout en plan pour retourner illico visiter ce monument. 😉