Fantastique ! L’estampe visionnaire de Goya à Redon

Fantastique ! L’estampe visionnaire de Goya à Redon

Il y a un mois, je vous emmenais sur le chantier d’accrochage de l’exposition « Fantastique ! L’estampe visionnaire de Goya à Redon » au Petit Palais. Il est temps maintenant de vous parler de son contenu.

Monstres, chimères, fantômes, squelettes… inquiétantes et étranges silhouettes qui se tapissent dans l’ombre des recueils d’estampes de la Bibliothèque nationale de France. Un peuple bizarre et trouble que Valérie Sueur Hermel, conservatrice en charge des collections XIXe siècle au département des estampes et de la photo de la BnF a voulu dévoiler au grand jour : tremblez, ils envahissent les cimaises du Petit Palais !

Léonore
Eugène Jazet
d’après Horace Vernet, Lenore. Ballade allemande de Bürger, Aquatinte, 1840, BnF

Le Fantastique imprime sa marque à travers tout le XIXe siècle. On sait l’engouement des hommes du temps pour le surnaturel et l’inconscient. Victor Hugo, comme bien d’autres intellectuels, s’adonnait au spiritisme de salon ; tables tournantes, apparitions et projections de l’inconscient ont inspiré multitude d’œuvres artistiques : textes littéraires, photographies, estampes…
L’estampe se prête bien à de tels sujets : imprimée en noir et blanc, elle exprime par sa nature technique même d’une tension entre l’ombre et la lumière. Par ses dimensions réduites, elle forme un médium privilégié à travers lequel l’artiste peut plus naturellement manifester son univers intérieur et projeter ses visions. Multiple et légère comme le papier qui la porte, l’estampe se prête enfin au caprice et à la fantaisie.

« l’eau-forte originale, c’est le caprice, la fantaisie, le moyen le plus prompt de rendre sa pensée » écrivait Alfred Cadart.

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Mise en place d'une vitrine

Dans les coulisses d’une exposition : l’accrochage de « Fantastique ! »

Le 1er octobre ouvrent au Petit Palais deux expositions sur l’estampe fantastique, l’une consacrée au graveur japonais Kuniyoshi, l’autre à « l’estampe visionnaire, de Goya à Redon ». Connaissant bien la commissaire de la seconde, Valérie Sueur-Hermel, conservatrice à la BnF, j’ai pu assister, le temps d’une matinée, au montage de l’exposition.

L’occasion donc, une nouvelle fois, de vous emmener dans les coulisses des musées et de vous présenter le travail de « ceux que l’on ne voit pas » mais sans qui les expositions ne verraient jamais le jour : scénographes, installateurs, techniciens d’art… Et pour la première fois, ce billet est accompagné d’une vidéo à visionner sur YouTube.

Mise en place d'une vitrine
Mise en place de la dernière vitrine dans l’exposition « Fantastique ! l’estampe visionnaire »

Un montage d’exposition commence entre un mois et deux semaines avant la date d’ouverture : c’est un moment très intense pour ceux qui sont impliqués. Pour les commissaires, c’est un projet porté depuis des mois, voire des années, qui prend enfin concrètement forme dans l’espace. Dans le cas de Valérie Sueur, cette exposition est un rêve depuis longtemps : voici vingt ans que l’idée a germé dans son esprit. Vingt ans, c’est parfois le temps qu’il faut pour mûrir un sujet, convaincre les équipes, trouver un lieu. Entre-temps, elle a organisé ou coorganisé d’autres expositions, dont vous vous souvenez peut-être : Daumier (BnF, 2008), Henri Rivière (BnF, 2009), Odilon Redon (Grand Palais, 2011)… Lire la suite

Photographie et archéologie : une exposition au Musée Saint Raymond

Photographie et archéologie : une exposition au Musée Saint Raymond

Depuis son invention, la photographie a toujours été l’alliée de l’archéologie : photographier pour garder la trace de ce que l’on fouille, utiliser cette image pour faire avancer la recherche ou pour diffuser une découverte… L’exposition estivale du Musée Saint-Raymond invite les visiteurs à réfléchir sur le rôle de la photographie dans la pratique de l’archéologie. Une exposition qui est aussi un hommage aux archéologues et photographes locaux, puisqu’il est essentiellement question de chantiers toulousains. C’est aussi l’occasion de découvrir un patrimoine précieusement conservé dans les archives et rarement exposé.

Fouille du site de l'ancienne Caserne Niel, 2010, Archeodunum
Fouille du site de l’ancienne Caserne Niel, 2010, Archeodunum

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Lyonel Feininger & l’estampe – une exposition au MuMA

Lyonel Feininger & l’estampe – une exposition au MuMA

Jusqu’au 31 août 2015, le MuMa du Havre expose l’oeuvre graphique de Lyonel Feininger. De cet artiste américain qui a passé la majeure partie de sa carrière en Allemagne, on connaît surtout la grande Cathédrale, qui servit de frontispice au manifeste du Bauhaus. Pourtant, Lyonel Feininger est un artiste prolixe : caricaturiste, peintre, photographe, graveur, il s’est essayé à de nombreux médiums. L’exposition du Havre s’intéresse essentiellement à son travail de dessinateur et de graveur : une occasion rare de découvrir l’estampe allemande de la première moitié du XXe siècle, peu présente dans les collections françaises.

Lyonel Feininger, Ville avec église au soleil, 1918, xylographie. Collection privée
Lyonel Feininger, Ville avec église au soleil, 1918, xylographie. Collection privée

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Le vitrail contemporain s’expose à la Cité de l’Architecture

Le vitrail contemporain s’expose à la Cité de l’Architecture

Tout l’été, la Cité de l’Architecture et du Patrimoine propose d’explorer l’art du vitrail contemporain, principalement dans les édifices religieux. Avec des œuvres de Chagall, Matisse, Soulages, voici une exposition qui a tout pour surprendre, dévoilant un aspect souvent méconnu de la création contemporaine.

Affiche de l'exposition : un détail d'un vitrail de Carole Benzaken pour l'église Saint-Sulpice de Varennes-Jarcy
Affiche de l’exposition : un détail d’un vitrail de Carole Benzaken pour l’église Saint-Sulpice de Varennes-Jarcy

Quand j’ai vu apparaître le vitrail contemporain dans la programmation de la Cité de l’Architecture, j’ai été ravie : la question m’intéresse depuis le lycée. En Terminale, “les artistes et l’architecture” était au programme du bac d’histoire de l’art et j’avais étudié avec un certain plaisir les œuvres de Soulages à Conques, Morellet au Louvre, Marguerite Huré au Havre…

La question du vitrail contemporain est passionnante à plusieurs égards. Tout d’abord, elle touche au renouvellement d’un art pluricentenaire, doté d’une tradition très prégnante. D’autre part, elle touche à l’inscription des formes contemporaines dans un espace sacré – et parfois ancien. Enfin, elle explore quelque chose de méconnu du grand public, mais essentiel dans la marche des arts au XXe siècle : l’union des savoir-faire d’artisans d’art avec la créativité d’artistes novateurs, produisant ainsi à quatre mains de nouvelles formes et techniques…

L’exposition de la Cité de l’Architecture ne prétend pas à l’exhaustivité, bien au contraire : à travers quelques exemples soigneusement choisis, elle dresse un panorama de 70 ans de création.

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La lumière dorée du soleil en noir et blanc : l’oeuvre gravé du Lorrain

La lumière dorée du soleil en noir et blanc : l’oeuvre gravé du Lorrain

Si l’oeuvre peint et dessiné de Claude Gellée, dit Lorrain (1600-1682) est très exposé, commenté et admiré, ses estampes demeurent confidentielles. Elles sont certes peu nombreuses (44 à 51 selon les catalogues) mais figurent parmi les chefs-d’oeuvre de l’eau-forte libre : Le Lorrain y démontre une inventivité technique et esthétique exceptionnelle.

Jusqu’au 7 juin 2015, un accrochage du Petit Palais permet de découvrir une vingtaine d’estampes du Lorrain.

Claude Gellée dit Le Lorrain, Scène de port avec soleil levant, eau-forte, cinquième état suit huit, 1634, Metropolitan Museum of Art, New-York
Claude Gellée dit Le Lorrain, Scène de port avec soleil levant, eau-forte, cinquième état sur huit, 1634, Metropolitan Museum of Art, New-York

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Belles impressions : le salon de l’estampe 2015

Belles impressions : le salon de l’estampe 2015

Le dernier week-end d’avril avait lieu au Grand Palais le salon international du livre rare, de l’autographe, de l’estampe et du dessin. Devant l’enthousiasme qu’ont suscité les photos que j’ai postées sur les réseaux sociaux, j’ai rédigé un compte-rendu de ma visite au salon.

Salon international de l'estampe, Grand Palais, 2015
Salon international de l’estampe, Grand Palais, 2015

Il ne s’agit en fait pas d’un, mais de deux salons qui ont lieu concomitamment sous la nef du Grand Palais : le salon du livre et de l’autographe d’une part, et le salon de l’estampe et du dessin d’autre part. Le premier, organisé par le syndicat national de la librairie ancienne et moderne, rassemblait 160 exposants, tandis que le second, organisé par la chambre syndicale de l’estampe, du dessin et du tableau, était plus modeste, avec seulement une trentaine de stands. Plus petit, certes, mais avec beaucoup à voir : j’ai passé deux après-midi à arpenter les allées et à contempler de belles pièces. Lire la suite

Fornasetti, la folie pratique : une joyeuse accumulation d’images

Fornasetti, la folie pratique : une joyeuse accumulation d’images

Jusqu’au 14 juin 2015, le musée des Arts Décoratifs accueille une rétrospective consacrée à Piero Fornasetti. Un illustre inconnu car si chacun a déjà croisé une de ses créations, peu en connaissent l’auteur. Il est temps de remettre un nom sur cet œuvre foisonnant, joyeux et polymorphe qui joue avec notre culture visuelle !

Fornasetti_Visages

Je connaissais Fornasetti pour ses visages de femmes commercialisés sous forme d’assiettes ou de carreaux de cuisine, mais j’ignorais tout simplement la personnalité singulière et fantasque qui en était le créateur. Dès la première salle, j’ai eu l’assurance que nous allions nous entendre : Fornasetti est un amateur d’estampes. Comment ai-je pu l’ignorer si longtemps alors que son œuvre rejoint tous mes centres d’intérêt ? L’image imprimée et ses détournements, le vocabulaire graphique de la taille douce, que Fornasetti aime imiter dans les autres médiums… Mais surtout, Fornasetti est un accumulateur d’images, un collectionneur de visuels, comme Jules Maciet, l’initiateur des albums d’images de la bibliothèque des Arts Décoratifs.

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Callot Pont Neuf Tour Nesle Paris 1630

A l’ombre de la tour de Nesle

Sa silhouette est entrée dans la légende du Paris d’autrefois : construite sous Philippe Auguste, la Tour de Nesle s’est fièrement dressée dans le ciel parisien durant quatre siècles et demi, avant de laisser place au Collège des Quatre Nations (aujourd’hui l’Institut de France). Élément marquant et pittoresque du paysage, elle a marqué des générations d’artistes, qui se sont plu à la représenter.
Détruite en 1665 mais jamais totalement oubliée, elle renaît dans la littérature au XIXe siècle. Attachée à de bien sombres légendes, elle pénètre la culture populaire sous des formes parfois inattendues, au point de devenir un archétype du Paris disparu.
La bibliothèque Mazarine lui consacre jusqu’au 14 décembre 2014 une exposition : sur le lieu même du « crime », nous sommes invités à suivre l’enquête pour démêler la légende de l’histoire, l’imaginaire du réel. 

Callot Pont Neuf Tour Nesle Paris 1630
Jacques Callot, Vue du Pont Neuf, vers 1629-1630, eau-forte, Gallica/BnF (détail)

C’est l’histoire d’une tour de Paris, comme il en existait une dizaine dans le paysage médiéval de la Cité. Toutes ou presque ont disparu, et elle seule demeure ancrée dans l’imaginaire collectif, popularisée au XVIIe siècle par quelques vues topographiques gravées et, deux siècles après sa destruction, par la littérature et le théâtre.

Théodore de Robville, Histoire complète de la tour de Nesle, 1861 (frontispice et page de titre)
Théodore de Robville, Histoire complète de la tour de Nesle, 1861 (frontispice et page de titre)

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Dessin de Le Brun, Minerve

De sanguine, de pierre noire et d’encre, dessins français du XVIIe siècle

Il ne vous reste que quelques jours pour voir l’exposition « Dessins français du XVIIe siècle » et y admirer quelques-uns des fleurons du département des Estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France, dont certains sont des inédits récemment redécouverts.

Michel corneille, dessin Hercule
Michel Corneille le père, Hercule, pierre noire avec rehauts de craie blanche, BnF

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25 octobre 1836, le jour où l’obélisque se dressa dans le ciel parisien

25 octobre 1836, le jour où l’obélisque se dressa dans le ciel parisien

Suite et fin de notre triptyque consacré à l’histoire de la place de la Concorde à l’occasion de l’exposition du musée de la Marine. Après vous avoir raconté la création de la place Louis XV au XVIIIe siècle et l’épique voyage de l’obélisque, il me reste à vous relater le spectacle extraordinaire qui se déroula sous les yeux de 200 000 spectateurs, le 25 octobre 1836 : l’antique monument se dressant lentement dans le ciel parisien! 

Cayrac, Erection de l'Obélisque en 1836, aquarelle, 1837, Musée de la Marine
Cayrac, Erection de l’obélisque en 1836, aquarelle, 1837, Musée de la Marine

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De Louxor à Paris, la fabuleuse épopée de l’obélisque

De Louxor à Paris, la fabuleuse épopée de l’obélisque

En 1829, l’Egypte offre à la France un cadeau d’envergure : les deux obélisques du temple de Louxor. Un présent légèrement encombrant : deux colosses d’une vingtaine de mètres pesant 230 tonnes pièce! Le voyage de l’un des obélisque jusqu’à Paris est une aventure pleine de rebondissement.

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Ce billet est le second volet d’un triptyque de trois articles accompagnant l’exposition « Le voyage de l’obélisque«  présentée jusqu’au 6 juillet 2014 au Musée de la Marine. Si vous avez raté le premier épisode, celui de l’histoire de la place Louis XV avant l’arrivée de l’obélisque, vous pouvez le lire ici.

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Impressions d’exposition : Cartier-Bresson au Centre Pompidou

Impressions d’exposition : Cartier-Bresson au Centre Pompidou

Comment qualifier le parcours d’Henri Cartier-Bresson? Souvent, de son oeuvre, on ne retient qu’une facette : le photographe de Paris ou le photoreporter, omettant tous les autres aspects de sa riche et longue carrière.
Présentée jusqu’au 9 juin 2014, l’exposition Cartier-Bresson au Centre Pompidou questionne l’unité et la diversité du parcours de ce maître de la photographie du XXe siècle : est-il seulement le photographe de « l’instant décisif »?
Plutôt que de me confronter à l’exercice difficile de la critique d’exposition (d’autant que celle-ci, avec 500 artefacts exposés, est une exposition fleuve), je vous livre quelques instantanés de ce qui m’a marquée, touchée. 

L’héritage d’Atget

En 1929, Henri Cartier-Bresson (1908-2004) photographie les vitrines des magasins de Rouen. Étranges accumulations de plaques émaillées, de couronnes mortuaires en perles, de costumes ou de faux-cols, voilés du reflet d’une vitre… Dans cette série, l’héritage d’Atget, disparu deux ans plus tôt, se mêle aux influences des surréalistes que Cartier-Bresson fréquente depuis 1926.

Cartier-Bresson, Rouen, 1929, © Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos
Cartier-Bresson, Rouen, 1929, © Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos

Le souvenir d’Atget suivra longtemps Cartier-Bresson, notamment lorsqu’il photographiera la misère itinérante, les clochards dormant sur le bitume, « les visages de la pauvreté ».

Cartier-Bresson, couronnement de George IV, 12 mai 1937, Londres, © Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos
Cartier-Bresson, couronnement de George VI, 12 mai 1937, Londres, © Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos

Une certaine prédisposition à accueillir le hasard

« Le plaisir de la déambulation urbaine, une certaine prédisposition à accueillir le hasard » ; « La magie circonstancielle est l’autre nom du hasard » : je me suis délectée presque autant des textes de salles que des photographies. Les mots faisaient un délicat écho aux images.

Cartier-Bresson, Charles-Henri Ford, 1935, © Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos
Cartier-Bresson, Charles-Henri Ford, 1935, © Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos

Notre culture visuelle est marquée par les images de Cartier-Bresson, ces clins d’oeil de la vie : un vélo posé sur une paire de seins imprimée en 3×4 pour une réclame publicitaire, des silhouettes noires qui sautent au-dessus des flaques à Saint-Lazare ou devant la Tour Eiffel… Des images si vives et insouciantes qu’on ne sait jamais si il s’agit d’un heureux hasard ou d’une mise en scène si réussie qu’elle en paraît spontanée.

Cartier-Bresson, Rue de Vaugirard, 1968, © Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos
Cartier-Bresson, Rue de Vaugirard, 1968, © Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos

Photographe comme pickpocket

« Il vivait son Leica en main, de l’aube à la nuit, en chasse perpétuelle » (Marc Riboud)

Deux étonnantes vidéos, présentées dans l’exposition, nous donnent des éléments de réponse. On y découvre Henri Cartier-Bresson arpentant les rues, son légendaire Leica caché dans son dos. Il déambule, il erre dans la foule, le regard courant partout, la tête comme une girouette folle. Nerveuse danse qui évoque celle d’un pickpocket à la recherche d’un mauvais coup. L’oeil du photographe s’est accroché à un détail : il dégaine l’appareil, vise et déclenche d’un même mouvement. La scène n’a duré qu’une fraction de seconde et déjà le Leica est hors du champ de vision des passants, dissimulé derrière son dos.

« Il faut être sensible, essayer de deviner, être intuitif: s’en remettre au « hasard objectif » dont parlait Breton. Et l’appareil photographique est un merveilleux outil pour saisir ce « hasard objectif ». 

L’art du cadrage

Comment Henri Cartier-Bresson a-t-il fait pour saisir si justement de tels instants? L’instinct du « bon moment », la justesse du déclenchement, la science du cadrage… Les vidéos qui présentent le photographe au travail, « en chasse » ne peuvent que renforcer l’admiration devant ses clichés. Cartier-Bresson semble agir comme s’il pressentait la scène : le cadrage en tête, le Leica devient une véritable extension de son oeil, de sa mémoire et il saisit l’instant au vol.

Cartier-Bresson, Courses de chevaux, Munster, Irlande, 1952, © Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos
Cartier-Bresson, Courses de chevaux, Munster, Irlande, 1952, © Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos

Regarder passer le roi

En 1937, le Royaume-Uni couronne son roi, Georges VI. Cartier-Bresson, en mission pour un quotidien français, Le Soir, prend un point de vue original: ce n’est pas le cortège qu’il montre mais le peuple londonien regardant passer le cortège. Des photographies non dénuées d’une touche d’humour puisque les spectateurs, pour mieux le voir, tournent le dos au spectacle! En effet, nombre d’entre eux utilisent des instruments optiques proches du périscope pour voir au dessus de la foule.

Cartier-Bresson, Couronnement de Georges VI, 1937, © Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos
Cartier-Bresson, Couronnement de Georges VI, 1937, © Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos

L’image et son multiple : le photoreporter

Quel photographe est Henri Cartier-Bresson: un artiste ou un reporter? Naviguant habilement entre les multiples facettes de son oeuvre, l’exposition montre comment Cartier-Bresson sut ne jamais choisir entre les deux, prouvant que photoreportage et photographie artistique n’étaient pas inconciliables.

Au Centre Pompidou, les tirages d’art sont souvent présentés en regard des revues et journaux dans lesquels les clichés sont parus. Une dimension populaire et quotidienne de la photographie de Cartier-Bresson que notre oeil contemporain tend à oublier, plus habitué à voir les clichés du maître sur l’étal des marchands de cartes postales et sur les pages glacées des livres d’art que sur le papier d’une presse quotidienne.

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En 1947, Henri Cartier-Bresson est parmi les fondateurs de la mythique agence Magnum, dont le nom est encore aujourd’hui associée au photoreportage de qualité.

Unité et diversité

On ressort de ce voyage à travers l’oeuvre de Cartier-Bresson émerveillé de la diversité de son oeuvre : des vitrines de Rouen aux foules comprimées des derniers jours du Kuomintang, de la grande silhouette de Giacometti sous la pluie aux silhouettes qui volent au dessus des flaques, de la course cycliste des 6 jours de Paris au jeux d’ombres sur l’île de Siphnos, nous avons contemplé 50 ans d’une carrière magistrale sans cesse réinventée où la force de l’image, toujours, prime.

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Infos pratiques: exposition jusqu’au 9 juin 2014 au Centre Pompidou. Tarifs et horaires sur le site du musée

Envie de lire d’autres regards sur cette exposition? La visite de Marion sur le blog Culturez-vous ; les impressions d’Uty sur le blog Ecribouille.

De Picasso à Jasper Johns, l’atelier d’Aldo Crommelynck

De Picasso à Jasper Johns, l’atelier d’Aldo Crommelynck

Pablo Picasso, Francis Bacon, Antoni Tapiès, Joàn Miro : voici quelques grands noms qui suffisent à évoquer toute la vitalité de l’estampe d’après-guerre. Mais les maîtres qui ont façonné et façonnent encore l’estampe contemporaine ne sont pas seulement les artistes-graveurs : les imprimeurs d’art et les éditeurs jouent également un rôle majeur dans ce domaine. Jusqu’au 13 juillet 2014, la BnF rend hommage à l’un des plus brillants artisans de l’estampe contemporaine, Aldo Crommelynck, imprimeur d’art. 

Red Grooms, Portrait of AC, 1994, Eau-forte et aquatinte, BNF. Red Grooms portraiture Aldo Crommelynck entrain de travailler sur une de ses matrices
Red Grooms, Portrait of AC, 1994, Eau-forte et aquatinte, BNF. Red Grooms portraiture Aldo Crommelynck entrain de travailler sur une de ses matrices

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Louis-Emile Durandelle, le photographe et les architectes

Louis-Emile Durandelle, le photographe et les architectes

De la photographie française de la seconde moitié du XIXe siècle, nous regardons souvent les clichés du « Paris qui s’en va ». Avec une pointe de nostalgie, nous admirons les rues d’une vieille ville en sursis, immortalisées par Marville ou Atget alors que progressaient les pioches des démolisseurs. Il est en revanche moins fréquent que nous nous penchions sur l’autre visage de cette même ville, celui du « Paris qui s’en vient »,  avec ses colossaux chantiers de construction. Pourtant, ce Paris-là a également été photographié à mesure qu’il s’élaborait. Peut-être est-ce que la démolition est toujours plus éminemment romantique que la construction… 

Jusqu’à la fin avril 2014, une exposition présentée à la Bibliothèque des Arts Décoratifs propose de redécouvrir quelques facettes de l’œuvre de Louis Emile Durandelle. Spécialisé dans la photographie d’architecture, il a immortalisé les travaux de construction du Sacré Cœur, de l’Opéra et de la Tour Eiffel, mais aussi ceux de restaurations de quelques sites anciens, tels le Mont Saint-Michel.

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