Aujourd’hui, je reprends mes bonnes vieilles habitudes pour vous présenter un document insolite issu de Gallica. Il s’agit d’un recueil de gravures cher à mon cœur, parce que je l’ai découvert grâce à mon ami Mealin (Pour une image) et parce que j’ai passé de très longues heures à recopier ses motifs pour progresser en linogravure. Il s’agit des Songes drolatiques de Pantagruel.
Figure tirée des Songes drolatiques de Pantagruel, xylographie, 1565, Gallica/BnF
Découvrir l’œuvre de Jean-Jacques Lequeu au détour d’une requête Gallica ou d’une cimaise d’exposition, c’est faire une trouvaille un peu surprenante, qui laisse parfois une impression étrange. Que cachent ces dessins aux rendus si léchés ? Qui est ce dessinateur bien mystérieux dont l’œuvre juxtapose architecture et érotisme ?
Jean-Jacques Lequeu, Il est libre, dessin, vers 1798, Gallica/BnF
Jean-Jacques Lequeu a fait couler beaucoup d’encre et demeure énigmatique. On sait très peu de choses de son existence et s’il n’avait pas lui-même fait don de ses dessins à la Bibliothèque royale en 1825, il est probable qu’il serait aujourd’hui oublié de tous.
Jean-Jacques Lequeu, Il tire la langue, dessin, début XIXe siècle?, Gallica/BnF
Faire du vélo sur une route? Mais c’est surfait mon cher ami! Sur Gallica, nous avons rencontré pour vous quelques casse-cous aux exploits spectaculaires!
Le saut de la mort… dans la Seine
Peyrusson, nageur et plongeur, avait trouvé le moyen d’arrondir ses fins de mois de façon plus efficace que par les courses de natations. Il devenu un spécialiste du saut en tandem dans la Seine. En août 1909, à l’occasion du meeting international de natation à Bagatelle, il effectue, avec Mme Garnier un saut de 20 mètres…
Agence Rol, les préparatifs avant le saut de la mort [en tandem plongeant dans la Seine], 1909, Gallica/BNFLire la suite →
La première moitié du XXe siècle, cet âge d’or du vélo! Enthousiastes, certains inventeurs redoublaient d’ambition pour concevoir le vélo de demain, plus rapide, plus agréable… Vélo-torpille, vélos couchés : je vous propose ici ma petite sélection des expérimentations farfelues glanées sur Gallica.
Agence Meurisse, le vélo-torpille de M. Buneau-Varilla, 1913
Vous séchez pour trouver une idée de cadeau pour la Saint-Valentin? L’an dernier, je proposais aux flemmards et rois du dernier moment un « mandat » spécial. Cette année, mon choix s’est porté sur un cadeau odorant mais à l’iconographie tout à fait adaptée!
Jules Cheret, Fromages de ferme [affiche], 1876, lithographie en couleurs, BnF/GallicaPensez à embrasser avant d’offrir votre présent!
Toujours à la recherche de pratiques d’écriture innovantes (!), Marine – qui tient le merveilleux blog « Raconte moi l’histoire – et moi-même avons décidé d’expérimenter un nouvel exercice, celui des billets croisés sur un même thème. La première expérience est odorante car nous traitons des excréments (sans commentaire) : Marine vous entretient ainsi de l’évacuation des excréments à travers l’histoire tandis que je vous parle de la difficulté de se soulager dans les rues de Paris au XVIIIe!
Quand on s’intéresse à la vie de nos ancêtres, on ne se pose pas toujours les questions les plus triviales, et pourtant… Que se passait-il, quand, au XVIIIe ou au XIXe siècle, un homme du peuple avait une rage de dent ou quand une dame était prise d’une subite diarrhée? Pour répondre à cette dernière et odorante question, Louis-Sébastien Mercier nous offre quelques pistes.
Paris au XVIIIe siècle est cruellement dépourvue de latrines publiques… Si une envie pressante vient au passant, il n’a que peu de solutions: soit frapper aux portes pour obtenir d’accéder aux cabinets d’un particulier, soit d’improviser dans un coin de rue. Dans son Tableau de Paris, Louis-Sébastien Mercier, fin observateur du quotidien de la capitale liste quelques lieux d’aisance sauvages les plus prisés.
Ainsi, Louis-Sébastien Mercier nous apprend que le jardin des Tuileries a longtemps été « le rendez-vous des chieurs » qui profitait des haies d’ifs pour « soulager leurs besoins », si bien qu’une odeur infecte se dégageait des Tuileries. Une situation intolérable pour le comte d’Angiviller qui fit arracher les ifs et installa dans le jardin les premières latrines publiques. Cependant, il fallait débourser deux sols pour se soulager!
En 1790, on pisse à nouveau en plein air au Jardin des Tuileries. Hulot, Lecture du Journal par les Politiques de la petite Provence au jardin des Thuilleries, dessin, 1790 (détail), Gallica/BnF
Dans le reste de la ville, de tels accommodements n’étaient pas proposés, et bien souvent, il fallait improviser: une ruelle sombre ou un recoin faisaient parfaitement l’affaire pour « lâcher les eaux ». Diverses ordonnances contre les gens « qui font leurs ordures » ont été prises, sans succès. Mercier observe mêmes que les « endroits où l’on a mis pour inscription: Défense, sous peine de punition corporelle de faire ici ses ordures » sont justement les plus prisés. « Il ne faut qu’un exemple isolé pour amener trente compagnons ».
« Les excréments du peuple avec leurs diverses configurations sont incessamment sous les yeux des duchesses, des marquises et des princesses », déplore Mercier. Chier en public offense l’odorat, la vue et la pudeur publique. Car l’on peut vous surprendre les fesses à l’air.
L. Bonnet, d’après S. Leclerc, A beau cacher, estampe, XVIIIe siècle, BnF/Gallica (détail)
Au coin de la place des Victoires, une femme converse avec un homme, dissimulant de sa robe sa compagne qui se soulage contre une borne. L’estampe, publiée par Bonnet, est grivoise : « Les femmes sur ce point sont plus patientes que les hommes; elles savent si bien prendre leurs mesures que la plus dévergondée ne donne jamais le spectacle qu’offre en pleine rue l’homme réputé chaste » nous rappelle Mercier. Et en effet, le propos de l’estampe est plutôt licencieux : un voyeur se penche à la fenêtre pour contempler la dame faire ses affaires!
L. Bonnet, d’après S. Leclerc, A beau cacher, estampe, XVIIIe siècle, BnF/Gallica
Les quais de Seine font également office de latrines en plein air, si bien que Mercier avance, non sans humour, que le Journal de Paris, en plus de consigner les fluctuations de la météo et du fleuve, pourrait tenir une chronique de l’état des épidémies en cours rien qu’en observant les défections qui ornent les bords de l’eau. « Ce serait pour lui un véritable thermomètre des maladies régnantes; ils saurait dans quelle saison de l’année les estomacs manquent de ton; et la malpropreté publique tournerait au moins au profit du génie observateur ».
Il n’y a pas que les « chieurs » en plein air qui salissent les rues parisiennes. Bien des latrines privées sont vidées au coin des rues, bien que des règlements imposent la présence de fosses sous les maisons. Pour dégager les voies de ces déchets nauséabonds, Paris compte une armée de boueurs, payés à déblayer. En 1780, ils évacuent quotidiennement 750 mètres cubes de boue et d’ordure vers la banlieue. Il convient au passant de se méfier de ces boueurs: il arrive qu’ils aient la pelleté trop large, et que le contenu qu’ils déblayent tombe sur l’honnête homme plutôt que dans le tombereau.
Pour terminer le tableau, précisons que le marcheur doit également se méfier de ce qui tombe du ciel, car il arrive qu’il s’agisse d’excréments. En effet, les habitants des mansardes et des greniers ne s’embêtent pas toujours à descendre leur pot de chambre jusqu’au coin de la rue: il est plus efficace de tout balancer depuis le toit! Pourtant, une loi interdit de « jeter la liqueur immonde par la fenêtre », mais aucune plainte n’est acceptée si le contenu passe par la gouttière!
A lire aussi :
« les latrines publiques », dans Tableau de Paris de Louis-Sébastien Mercier, tome VIII, p. 205.
Paris, été 1910. Que faire si vous vous ennuyez en ce 31 juillet? Nous ne saurions trop que de vous recommander d’aller assister à un spectacle des plus exotiques. En effet, se déroule cet après-midi au pied du pont Louis-Philippe des joutes sètoises, telles qu’elles se pratiquent dans le sud de la France.
Agence Rol, 31 juillet 1910, joutes sètoises [les 2 barques s’affrontent près du Pont Louis-Philippe, à Paris, dans le 4e arrondissement] (détail)
Dans les années 1930, à Paris, on savait s’amuser!Mieux que les concours de beauté, on organisait des championnats de jeux sportifs pour enfants. Une douzaine de photographies de l’Agence Mondial, numérisées sur Gallica, gardent trace de l’édition de 1932 de cette compétition.
Agence Mondial, la course des skieurs, 1932, Gallica/BnF
Quels sont les « jouets sportifs » de 1932? Sans surprise, on trouve les classiques patinettes (trottinette) et voitures à pédales. Plus surprenant sont le skiff et le skieur, alors à la mode. Le skiff, dérivé de l’auto à pédales, est une sorte de rameur à roulettes, tandis que le skieur ressemble plus à une trottinette, que les enfants actionnent à la force des bras. Enfin, la draisienne, vélo sans pédale encore prisée aujourd’hui des jeunes enfants, fait également l’objet d’une course.
Agence Mondial, Maurice Maison (deux ans) un as de la cavalette, 1932, Gallica/BnF
La compétition semble avoir été parrainée par Georges Biscot (1886-1945), un acteur et chanteur français alors en vue. On l’aperçoit au côté d’un des enfants en compétition, lui donnant quelques conseils avant la course de voiture à pédales.
Agence Mondial, Biscot donne des conseils à Claude Rullier (quatre ans) futur champion, 1932, BnF/Gallica
On admirera l’avancée sociale que cette compétition représente: en effet, les épreuves sont mixtes! Si l’on peut s’en réjouir, observons tout de même que la parité est loin d’être atteinte. Dans le palmarès des épreuves, quelques filles: c’est par exemple la très jolie Pierrette Dubois (dix ans) qui a remporté la compétition de patinette.
Vous les avez peut-être croisées au détour d’une recherche. Des figures de tissus, de bois, de papier mâché, de plexiglas… au détour du mot clé « arlequin », ou d’une requête « Don Juan », quelle ne fut pas votre surprise de croiser un… OBJET sur votre bibliothèque numérique. Et pas n’importe quel objet, une marionnette !
Georges Lafaye, Une sorcière, marionnette du spectacle Parades, 1981-1989, Gallica/BnF
Si vous avez assez mal vécu l’idée d’avoir mangé du cheval dans vos lasagnes, soyez rassurés, on a fait, par le passé, bien pire en matière de fraudes alimentaires. Âmes sensibles s’abstenir, ce qui suit pourrait se révéler peu soutenable.
Pierre Delcourt (1852-1931), journaliste et écrivain, passionné par l’histoire du commerce (il a donné à la BnF une surprenante collection de prospectus offrant un panorama du commerce parisien pour la dernière décennie du XIXe siècle), a publié en 1888 un livre intitulé « ce qu’on mange à Paris ». Bien loin de ce que j’avais imaginé en l’ouvrant, il ne s’agit pas d’un guide de meilleures tables de la capitale mais d’une longue liste des fraudes alimentaires observées à Paris.
Agence meurisse, Boucherie témoin application des barèmes de la préfecture, 1927, Gallica/BnF
BONBONS: La chimie vient puissamment en aide aux confiseurs pour la manipulation de leurs sucreries. C’est ainsi que les dragées sont confectionnées avec de vieilles amandes rancies, recouvertes d’une composition dans laquelle le sucre se mêle, pour une faible part, à l’amidon, au plâtre blanc ou l’argile blanche. (…) Certains pâtissiers font usage d’amandes amères pour mieux faire lever la pâte, et colorent leur marchandise avec du chromate de plomb. D’autres, dans la confection du pain d’épice, mêlent savamment la potasse ou le savon à la farine, ce qui constitue un mélange assez bizarre dont on se régale néanmoins pour la modique somme de dix centimes.
CHARCUTERIE : S’imagine-t-on qu’on vend actuellement à Paris plus d’un million de kilogrammes de charcuteries? Aussi les rebuts de tout ordre vont-ils se fondre dans l’immense creuset où se manipule une aussi gigantesque production alimentaire.
Point de viandes gâtées en charcuterie ; le feu les purifie! Là, un touchant éclectisme réunit les productions les plus hybrides : le cheval se transforme en porc, pour la confection des pâtés, des saucissons et des saucisses
Ainsi, pendant 200 pages, Pierre Delcourt dénonce les abus d’une industrie alimentaire naissante. Horrifiée par cette lecture, je me suis demandé en quelle mesure l’auteur avait exagéré la situation. S’il est difficile pour nous de prendre au pied de la lettre les énumérations de Delcourt, quelques ouvrages ont confirmé certains abus évoqué par l’auteur. Ainsi, il semble établit que la poudre de cuivre était employée pour colorer les légumes tandis que le lait pouvait être allongé d’une eau (sale et) farineuse. Quand au plâtre, il entrait dans la composition d’un certain nombre de denrées.
Un fléau du XIXe siècle : la fraude alimentaire, tromperies et falsifications en tous genres
Au XIXe siècle, le frelatage alimentaire atteint son paroxysme. Les mutations rapides de la société, au premier rang desquels l’urbanisation massive, ont entrainé une industrialisation fulgurante mais non contrôlée du circuit de production et de distribution alimentaire. Profitant de l’ignorance des consommateurs et de l’inefficacité des cadres juridiques, les producteurs et commerçants s’adonnent, dans les fabriques à l’abri des regards et dans l’intimité des arrières boutiques, à des pratiques peu avouables.
« La falsification des denrées est devenue un art véritable qui nous fait consommer chaque jour du café de chicorée, du beurre de margarine, du vin fait sans raisin, et du lait sans vache ni chèvre. »
Agence Rol, La vie chère à Paris [étal du commerce alimentaire Alexandre, 79 boulevard de Magenta, 10e arrondissement, Gallica/BnF
On distingue deux types de fraudes : la tromperie et la falsification. La première consiste à faire croire que « le produit est, par sa nature, ses qualités, son origine ou sa quantité différente de ce qu’elle est en réalité ». En vrac, vous pouvez vendre 900 grammes là où vous annoncez 1kg, positionner de beaux grains sur le haut d’un sac contenant un mauvais blé, offrir une piquette comme un vin de premier choix, annoncer de la viande de cheval pour de la viande de porc… (et oui, déjà !). Le second type de fraude, la falsification, consiste à « additionner un corps différent et de moindre valeur à la denrée ». Là, tout est permis ! Pas de gâchis !
CHICOREE (…) La poussière de semoule et les débris de vermicelle, colorés, sont aussi transformés en excellente chicorée ; Le noir animal épuisé la remplace parfois fort avantageusement ; on y joint alors une faible partie de poudre de la plante ; La poudre de chicorée allongée de sable et de brique rouge pulvérisée, va quelquefois donner du ton aux cafés parisiens;
Agence Rol, La vie chère à Paris [devant une épicerie], 1918, Gallica/BnF
La naissance d’un contrôle
Au début du XIXe siècle, l’Etat n’est que peu engagé dans le contrôle des denrées : on pense alors que le jeu de l’offre et de la demande suffira à l’autorégulation du marché. [On a depuis prouvé que cet état des choses ne favorisait pas la bonification de l’offre, bien au contraire que « le mauvais produit chassait le bon »].
Face aux scandales, une première loi, promulguée le 27 mars 1851, réprime les tromperies et falsifications des marchandises alimentaires. Cependant, faute d’outils de contrôle efficace, cette première législation ne suffit pas à endiguer le problème. De même, si la loi du 21 juillet 1881 instaure un contrôle sanitaire des animaux, ce ne sont finalement que les initiatives isolées de contrôle de certaines municipalités qui permettent des améliorations locales de l’offre.
Bien que dans le dernier quart du XIXe siècle, de plus en plus de personnes, telles Charles Gide, leader du mouvement coopératif ou notre Pierre Delcourt cherchent à alerter l’opinion publique, de vraies solutions ne seront mises en place au niveau national que dans les années 1910. Face aux impératifs économiques d’une bonne image des produits français sur le marché international et aux soucis sanitaires du courant hygiéniste, une loi est promulguée le 1er aout 1905. Il s’agit désormais non seulement réprimer, mais également de prévenir les tromperies et falsification en organisant le dépistage des fraudes. Et au vu de notre actualité, le combat n’est toujours pas terminé !
Agence Rol, La vie chère à Paris [l’étal d’une poissonnerie], 1918, Gallica/BnF
Les ouvrages cités dans ce billet sont accessibles sur Gallica. Rapportez en commentaires vos pires trouvailles en matière de fraude dans ces ouvrages !
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