Vous séchez pour trouver une idée de cadeau pour la Saint-Valentin? L’an dernier, je proposais aux flemmards et rois du dernier moment un « mandat » spécial. Cette année, mon choix s’est porté sur un cadeau odorant mais à l’iconographie tout à fait adaptée!
Jules Cheret, Fromages de ferme [affiche], 1876, lithographie en couleurs, BnF/GallicaPensez à embrasser avant d’offrir votre présent!
Le boulevard périphérique ceinture fermement le Paris d’aujourd’hui. Mais qu’en était-il hier? Les abords de la capitale ont maintes fois changé de visage au cours de l’histoire. A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, la « Zone » entourait la capitale. Cette bande de terrains vagues précédait l’enceinte défensive érigée par Thiers. Décrétée inconstructible, elle est pourtant rapidement devenue le refuge d’une population aussi miséreuse que nombreuse. Inquiétant le bourgeois, préoccupant le politique, la Zone est aujourd’hui associée au mythe des bas-fonds parisiens. Les photographies qu’en firent Atget et les employés des agences Rol et Meurisse témoignent de la réalité sociale malheureuse.
Le département des estampes et de la photographie de la BnF conserve une singulière collection d’échantillons de papiers peints de la fin du XVIIIe siècle. Constituée entre 1799 et 1803 à la faveur des lois du dépôt légal mises en place pendant la période révolutionnaire, cette collection rassemble 2250 échantillons aux couleurs extraordinairement bien conservées. Jusqu’à leur numérisation en octobre 2007, ces pièces étaient très difficiles d’accès, leur fragilité rendant quasi impossible leur consultation. Or, ce corpus est une source riche et parfaitement documentée pour qui s’intéresse à l’histoire du papier peint à la fin du XVIIIe siècle : tous les échantillons sont inscrits du nom de leur fabriquant, du numéro de catalogue et de leur date de dépôt…
Jacquemart et Bénard , papier peint à motif répétitif, 1803
Dans un précédent article, je vous parlais de l’affichomanie, cette mode de collectionnisme née alors que l’affiche illustrée envahissait Paris. A quoi ressemblaient ces rues couvertes de papiers colorés? Les superbes images de Chéret, si convoitées aujourd’hui sur le marché de l’art, étaient elles-vraiment placardées sur les palissades, laissées aux outrages du vent et de la pluie? Les photographies d’Atget, disponibles en grand nombre sur Gallica, témoignent de la réclame à Paris autour de 1900.
Atget, Rue de l’abbaye : Saint-Germain des Prés, 1898, Gallica/BnFAtget, Rue des Deux-Ecus pendant sa démolition, 11 Septembre 1907, Gallica/BnF
L’oeil averti devine sur ces photographies quelques affiches passées à la postérité. Certaines d’entre-elles, présentes dans les collections du département des estampes, ont été numérisées et il est possible de les mettre en regard de ces vues parisiennes. L’exercice est cependant un peu difficile, du fait de la piètre résolution des numérisations d’Atget, mises en ligne en 2007. Les possibilités techniques ayant évoluées, Gallica s’est heureusement lancée dans une opération de re-numérisation de ses fonds précieux. Pour retrouver dans Gallica les documents qui ont servis aux montages qui suivent, cliquez sur les liens dans le texte!
Toujours à la recherche de pratiques d’écriture innovantes (!), Marine – qui tient le merveilleux blog « Raconte moi l’histoire – et moi-même avons décidé d’expérimenter un nouvel exercice, celui des billets croisés sur un même thème. La première expérience est odorante car nous traitons des excréments (sans commentaire) : Marine vous entretient ainsi de l’évacuation des excréments à travers l’histoire tandis que je vous parle de la difficulté de se soulager dans les rues de Paris au XVIIIe!
Quand on s’intéresse à la vie de nos ancêtres, on ne se pose pas toujours les questions les plus triviales, et pourtant… Que se passait-il, quand, au XVIIIe ou au XIXe siècle, un homme du peuple avait une rage de dent ou quand une dame était prise d’une subite diarrhée? Pour répondre à cette dernière et odorante question, Louis-Sébastien Mercier nous offre quelques pistes.
Paris au XVIIIe siècle est cruellement dépourvue de latrines publiques… Si une envie pressante vient au passant, il n’a que peu de solutions: soit frapper aux portes pour obtenir d’accéder aux cabinets d’un particulier, soit d’improviser dans un coin de rue. Dans son Tableau de Paris, Louis-Sébastien Mercier, fin observateur du quotidien de la capitale liste quelques lieux d’aisance sauvages les plus prisés.
Ainsi, Louis-Sébastien Mercier nous apprend que le jardin des Tuileries a longtemps été « le rendez-vous des chieurs » qui profitait des haies d’ifs pour « soulager leurs besoins », si bien qu’une odeur infecte se dégageait des Tuileries. Une situation intolérable pour le comte d’Angiviller qui fit arracher les ifs et installa dans le jardin les premières latrines publiques. Cependant, il fallait débourser deux sols pour se soulager!
En 1790, on pisse à nouveau en plein air au Jardin des Tuileries. Hulot, Lecture du Journal par les Politiques de la petite Provence au jardin des Thuilleries, dessin, 1790 (détail), Gallica/BnF
Dans le reste de la ville, de tels accommodements n’étaient pas proposés, et bien souvent, il fallait improviser: une ruelle sombre ou un recoin faisaient parfaitement l’affaire pour « lâcher les eaux ». Diverses ordonnances contre les gens « qui font leurs ordures » ont été prises, sans succès. Mercier observe mêmes que les « endroits où l’on a mis pour inscription: Défense, sous peine de punition corporelle de faire ici ses ordures » sont justement les plus prisés. « Il ne faut qu’un exemple isolé pour amener trente compagnons ».
« Les excréments du peuple avec leurs diverses configurations sont incessamment sous les yeux des duchesses, des marquises et des princesses », déplore Mercier. Chier en public offense l’odorat, la vue et la pudeur publique. Car l’on peut vous surprendre les fesses à l’air.
L. Bonnet, d’après S. Leclerc, A beau cacher, estampe, XVIIIe siècle, BnF/Gallica (détail)
Au coin de la place des Victoires, une femme converse avec un homme, dissimulant de sa robe sa compagne qui se soulage contre une borne. L’estampe, publiée par Bonnet, est grivoise : « Les femmes sur ce point sont plus patientes que les hommes; elles savent si bien prendre leurs mesures que la plus dévergondée ne donne jamais le spectacle qu’offre en pleine rue l’homme réputé chaste » nous rappelle Mercier. Et en effet, le propos de l’estampe est plutôt licencieux : un voyeur se penche à la fenêtre pour contempler la dame faire ses affaires!
L. Bonnet, d’après S. Leclerc, A beau cacher, estampe, XVIIIe siècle, BnF/Gallica
Les quais de Seine font également office de latrines en plein air, si bien que Mercier avance, non sans humour, que le Journal de Paris, en plus de consigner les fluctuations de la météo et du fleuve, pourrait tenir une chronique de l’état des épidémies en cours rien qu’en observant les défections qui ornent les bords de l’eau. « Ce serait pour lui un véritable thermomètre des maladies régnantes; ils saurait dans quelle saison de l’année les estomacs manquent de ton; et la malpropreté publique tournerait au moins au profit du génie observateur ».
Il n’y a pas que les « chieurs » en plein air qui salissent les rues parisiennes. Bien des latrines privées sont vidées au coin des rues, bien que des règlements imposent la présence de fosses sous les maisons. Pour dégager les voies de ces déchets nauséabonds, Paris compte une armée de boueurs, payés à déblayer. En 1780, ils évacuent quotidiennement 750 mètres cubes de boue et d’ordure vers la banlieue. Il convient au passant de se méfier de ces boueurs: il arrive qu’ils aient la pelleté trop large, et que le contenu qu’ils déblayent tombe sur l’honnête homme plutôt que dans le tombereau.
Pour terminer le tableau, précisons que le marcheur doit également se méfier de ce qui tombe du ciel, car il arrive qu’il s’agisse d’excréments. En effet, les habitants des mansardes et des greniers ne s’embêtent pas toujours à descendre leur pot de chambre jusqu’au coin de la rue: il est plus efficace de tout balancer depuis le toit! Pourtant, une loi interdit de « jeter la liqueur immonde par la fenêtre », mais aucune plainte n’est acceptée si le contenu passe par la gouttière!
A lire aussi :
« les latrines publiques », dans Tableau de Paris de Louis-Sébastien Mercier, tome VIII, p. 205.
Aujourd’hui, notre aéroplane se pose à Istanbul pour une exploration de la ville à la fin du XIXe siècle. Le support de notre voyage immobile consiste en deux vues panoramiques de la ville, saisies depuis la tour de Galata à vingt ans d’intervalle par les photographes Mihran Iranian et Pascal Sebah. Ces clichés témoignent de l’évolution urbaine de la capitale turque durant le dernier quart du XIXe siècle. Par leur qualité exceptionnelle, ces photographies sont également le reflet du dynamisme de l’industrie photographique en Orient à la même période.
Pascal Sebah, Panorama de Constantinople pris de la tour de Galata, 1875, INHA (détail)
Le nom de Mata Hari évoque encore aujourd’hui le mystère, l’exotisme et l’érotisme. Sa vie a été dissolue et romanesque : prostituée, courtisane, danseuse et espionne, elle n’a cessé de changer de masque, brodant son passé de mille petits mensonges, qui, s’ils ont participé à la construction de son mythe ont également conduit à sa tragique perte.
Albums Reutlinger, Mata Hari, tome 39, vue 6, Gallica/BnF
Les demi-mondaines qui apparaissent dans les albums Reutlinger sont souvent des femmes de spectacle. Pourtant, au fil des pages, elles posent plus souvent dans leur toilette de ville ou de soirée que parées de leur costume de scène. Rivalisant d’audace pour être toujours au centre de l’attention, les demi-mondaines ont été pour les maisons de coutures des ambassadrices de choix et de très efficaces lanceuses de tendances. Qu’il s’agisse de diffuser la beauté de ces femmes ou des tenues qu’elles portaient, la photographie a été le plus efficace outil que l’on puisse imaginer.
Parmi les milliers de photographies que contiennent les albums Reutlinger, une dizaine figurent l’écrivaine Colette. Ces clichés renvoient à la période la plus sulfureuse de sa carrière, celle où la jeune femme, tout juste séparée de Willy, se produisait comme pantomime dans les music-halls parisiens, non sans déclencher quelques scandales.
Note: toutes les photographies qui illustrent cet article sont tirées des volumes 53 et 55 des albums Reutlinger conservés par la BnF
Ce sont les plus belles femmes que Paris a connu au tournant du XIXe siècle qui s’alignent sur les pages cartonnées des albums Reutlinger. En contemplant ces 15 360 photographies de courtisane, le Gallicanaute peut être surpris de découvrir certains de ces visages angéliques gribouillés au crayon, saccagés d’un trait d’encre. Quelle main anonyme a pu commettre pareil sacrilège ?
Arlette Dorgère, tome 32, vue 35
Sur les pages des albums Reutlinger sont collés des milliers de clichés figurants les femmes de spectacle les plus en vue de la capitale, ces demi-mondaines dont les tenues, les frasques et les conquêtes alimentaient la presse et les conversations. Reflet des activités du studio Reutlinger, ces albums devaient faire office de catalogue et servir à la diffusion des photographies.
Elle est l’une des icônes de la décennie 1890, une beauté au visage éternellement juvénile et virginal… Cléo de Mérode est certainement aujourd’hui encore la plus célèbre des modèles de la maison Reutlinger. Ce sont d’ailleurs les clichés réalisés par Léopold Reutlinger qui ont le plus efficacement véhiculé l’image de cette mystérieuse courtisane.
Reutlinger, Cléo de Mérode (détail), photographie, Gallica/BnF
Le cas de Cléo de Mérode est passionnant à double titre. D’une part, elle fut l’une des plus singulières « cocottes » de la fin de siècle, dont la vie privée, jalousement préservée, suscite encore d’intenses interrogations. D’autre part, son rapport très particulier à la photographie en fait l’une des premières icônes modernes. Contrairement à la plupart des autres femmes du monde de son temps, elle ne se prête pas passivement au jeu de la photographie mais habite avec force un personnage qu’elle a patiemment construit et mis en scène.
Depuis quelques semaines, les Gallicanautes peuvent découvrir en ligne la soixantaine d’albums de Léopold Reutlinger que le département des Estampes et de la photographie de la BnF conserve. Près de 15 360 clichés, réalisés entre 1875 et 1917 qui figurent tout ce que Paris compte de cocottes, demi-mondaines et actrices. C’est pour marquer l’arrivée de ce nouveau corpus sur Gallica que j’ai décidé de publier une série de billets donnant un aperçu de sa richesse. Pour ce premier numéro, il s’agit de présenter la maison Reutlinger.
Reutlinger, Mata Hari, (tome 39, vue 6), photographie, Gallica/BnF
Nadar, Reutlinger, Disderi, voici le nom des studios où il était de bon ton de se faire photographier. Si le studio de Nadar était plutôt spécialisé dans le gotha intellectuel, la maison Reutlinger comptait dans sa clientèle une myriade d’actrices, artistes de scène, chanteuses de music-hall et autres cocottes.
Sous le titre « vues d’optique » est désigné un type spécifique de la production gravée du XVIIIe siècle : des images en perspective, souvent coloriées à la main et destinées à être regardées à travers une boîte d’optique qui en accentue l’effet de profondeur. Près d’un millier de ces estampes a été numérisé sur Gallica: Orion en aéroplane vous propose de les découvrir, pour un périple de papier à travers le monde et le temps!
Vue d’optique représentant le Pont de St Michel à Paris, vers 1750, sans nom d’éditeur, Gallica/BnF [détail]
Paris, été 1910. Que faire si vous vous ennuyez en ce 31 juillet? Nous ne saurions trop que de vous recommander d’aller assister à un spectacle des plus exotiques. En effet, se déroule cet après-midi au pied du pont Louis-Philippe des joutes sètoises, telles qu’elles se pratiquent dans le sud de la France.
Agence Rol, 31 juillet 1910, joutes sètoises [les 2 barques s’affrontent près du Pont Louis-Philippe, à Paris, dans le 4e arrondissement] (détail)
Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à utiliser ce dernier, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.Ok