Décennie 1890, Paris se couvre d’affiches. La loi de juillet 1881 a instauré la liberté d’affichage. Aucune palissade, aucun pan de mur, pas même celui d’un lieu sacré n’est épargné par la frénésie du collage. S’accumulent sur le bois, la brique ou la pierre des couches de papiers aux couleurs vives. Belles images, les affiches sont conçues comme éphémères. A peine lacérée, à peine la couleur un peu passée, voici qu’on la couvre d’une autre. Pourtant, nos bibliothèques et nos musées conservent de cet âge d’or de l’affiche illustrée des témoins représentatifs et nombreux. Aussi éphémère soit-elle, l’affiche a survécu, a été conservée. Les collections publiques sont nées du dépôt légal, versé par les principaux imprimeurs, mais aussi des dons de généreux amateurs, qui, pris de passion pour ces images colorées, les ont accumulées dans leur cabinet, avant de s’en défaire au profit du patrimoine national.
Il est remarquable de constater que la figure du collectionneur d’affiches est née en même temps que l’affiche illustrée elle-même. Dès les premiers développements de la réclame chromolithographiée, des connaisseurs accumulent ces images nouvelles et industrielles.
Hugo d’Alési, Exposition du Centenaire de la lithographie Galerie Rapp, 1895
Aussi précoce soit-elle, cette mode de collectionnisme fut éphémère. Son acmé coïncide avec l’âge d’or de l’art de l’affiche, que l’on peut situer entre 1886 et 1896. Quelques années pendant lesquelles l’Affichomanie, terme forgé en 1891 par Uzanne, triomphe.
A travers les collections numérisées de Gallica, je vous propose un itinéraire à la découverte de cette mode, de sa naissance dans un milieu d’hurluberlus décolleurs d’affiches à sa consécration qui mènera à son déclin.
Dans les années 1930, à Paris, on savait s’amuser!Mieux que les concours de beauté, on organisait des championnats de jeux sportifs pour enfants. Une douzaine de photographies de l’Agence Mondial, numérisées sur Gallica, gardent trace de l’édition de 1932 de cette compétition.
Agence Mondial, la course des skieurs, 1932, Gallica/BnF
Quels sont les « jouets sportifs » de 1932? Sans surprise, on trouve les classiques patinettes (trottinette) et voitures à pédales. Plus surprenant sont le skiff et le skieur, alors à la mode. Le skiff, dérivé de l’auto à pédales, est une sorte de rameur à roulettes, tandis que le skieur ressemble plus à une trottinette, que les enfants actionnent à la force des bras. Enfin, la draisienne, vélo sans pédale encore prisée aujourd’hui des jeunes enfants, fait également l’objet d’une course.
Agence Mondial, Maurice Maison (deux ans) un as de la cavalette, 1932, Gallica/BnF
La compétition semble avoir été parrainée par Georges Biscot (1886-1945), un acteur et chanteur français alors en vue. On l’aperçoit au côté d’un des enfants en compétition, lui donnant quelques conseils avant la course de voiture à pédales.
Agence Mondial, Biscot donne des conseils à Claude Rullier (quatre ans) futur champion, 1932, BnF/Gallica
On admirera l’avancée sociale que cette compétition représente: en effet, les épreuves sont mixtes! Si l’on peut s’en réjouir, observons tout de même que la parité est loin d’être atteinte. Dans le palmarès des épreuves, quelques filles: c’est par exemple la très jolie Pierrette Dubois (dix ans) qui a remporté la compétition de patinette.
Vous les avez peut-être croisées au détour d’une recherche. Des figures de tissus, de bois, de papier mâché, de plexiglas… au détour du mot clé « arlequin », ou d’une requête « Don Juan », quelle ne fut pas votre surprise de croiser un… OBJET sur votre bibliothèque numérique. Et pas n’importe quel objet, une marionnette !
Georges Lafaye, Une sorcière, marionnette du spectacle Parades, 1981-1989, Gallica/BnF
Si vous avez assez mal vécu l’idée d’avoir mangé du cheval dans vos lasagnes, soyez rassurés, on a fait, par le passé, bien pire en matière de fraudes alimentaires. Âmes sensibles s’abstenir, ce qui suit pourrait se révéler peu soutenable.
Pierre Delcourt (1852-1931), journaliste et écrivain, passionné par l’histoire du commerce (il a donné à la BnF une surprenante collection de prospectus offrant un panorama du commerce parisien pour la dernière décennie du XIXe siècle), a publié en 1888 un livre intitulé « ce qu’on mange à Paris ». Bien loin de ce que j’avais imaginé en l’ouvrant, il ne s’agit pas d’un guide de meilleures tables de la capitale mais d’une longue liste des fraudes alimentaires observées à Paris.
Agence meurisse, Boucherie témoin application des barèmes de la préfecture, 1927, Gallica/BnF
BONBONS: La chimie vient puissamment en aide aux confiseurs pour la manipulation de leurs sucreries. C’est ainsi que les dragées sont confectionnées avec de vieilles amandes rancies, recouvertes d’une composition dans laquelle le sucre se mêle, pour une faible part, à l’amidon, au plâtre blanc ou l’argile blanche. (…) Certains pâtissiers font usage d’amandes amères pour mieux faire lever la pâte, et colorent leur marchandise avec du chromate de plomb. D’autres, dans la confection du pain d’épice, mêlent savamment la potasse ou le savon à la farine, ce qui constitue un mélange assez bizarre dont on se régale néanmoins pour la modique somme de dix centimes.
CHARCUTERIE : S’imagine-t-on qu’on vend actuellement à Paris plus d’un million de kilogrammes de charcuteries? Aussi les rebuts de tout ordre vont-ils se fondre dans l’immense creuset où se manipule une aussi gigantesque production alimentaire.
Point de viandes gâtées en charcuterie ; le feu les purifie! Là, un touchant éclectisme réunit les productions les plus hybrides : le cheval se transforme en porc, pour la confection des pâtés, des saucissons et des saucisses
Ainsi, pendant 200 pages, Pierre Delcourt dénonce les abus d’une industrie alimentaire naissante. Horrifiée par cette lecture, je me suis demandé en quelle mesure l’auteur avait exagéré la situation. S’il est difficile pour nous de prendre au pied de la lettre les énumérations de Delcourt, quelques ouvrages ont confirmé certains abus évoqué par l’auteur. Ainsi, il semble établit que la poudre de cuivre était employée pour colorer les légumes tandis que le lait pouvait être allongé d’une eau (sale et) farineuse. Quand au plâtre, il entrait dans la composition d’un certain nombre de denrées.
Un fléau du XIXe siècle : la fraude alimentaire, tromperies et falsifications en tous genres
Au XIXe siècle, le frelatage alimentaire atteint son paroxysme. Les mutations rapides de la société, au premier rang desquels l’urbanisation massive, ont entrainé une industrialisation fulgurante mais non contrôlée du circuit de production et de distribution alimentaire. Profitant de l’ignorance des consommateurs et de l’inefficacité des cadres juridiques, les producteurs et commerçants s’adonnent, dans les fabriques à l’abri des regards et dans l’intimité des arrières boutiques, à des pratiques peu avouables.
« La falsification des denrées est devenue un art véritable qui nous fait consommer chaque jour du café de chicorée, du beurre de margarine, du vin fait sans raisin, et du lait sans vache ni chèvre. »
Agence Rol, La vie chère à Paris [étal du commerce alimentaire Alexandre, 79 boulevard de Magenta, 10e arrondissement, Gallica/BnF
On distingue deux types de fraudes : la tromperie et la falsification. La première consiste à faire croire que « le produit est, par sa nature, ses qualités, son origine ou sa quantité différente de ce qu’elle est en réalité ». En vrac, vous pouvez vendre 900 grammes là où vous annoncez 1kg, positionner de beaux grains sur le haut d’un sac contenant un mauvais blé, offrir une piquette comme un vin de premier choix, annoncer de la viande de cheval pour de la viande de porc… (et oui, déjà !). Le second type de fraude, la falsification, consiste à « additionner un corps différent et de moindre valeur à la denrée ». Là, tout est permis ! Pas de gâchis !
CHICOREE (…) La poussière de semoule et les débris de vermicelle, colorés, sont aussi transformés en excellente chicorée ; Le noir animal épuisé la remplace parfois fort avantageusement ; on y joint alors une faible partie de poudre de la plante ; La poudre de chicorée allongée de sable et de brique rouge pulvérisée, va quelquefois donner du ton aux cafés parisiens;
Agence Rol, La vie chère à Paris [devant une épicerie], 1918, Gallica/BnF
La naissance d’un contrôle
Au début du XIXe siècle, l’Etat n’est que peu engagé dans le contrôle des denrées : on pense alors que le jeu de l’offre et de la demande suffira à l’autorégulation du marché. [On a depuis prouvé que cet état des choses ne favorisait pas la bonification de l’offre, bien au contraire que « le mauvais produit chassait le bon »].
Face aux scandales, une première loi, promulguée le 27 mars 1851, réprime les tromperies et falsifications des marchandises alimentaires. Cependant, faute d’outils de contrôle efficace, cette première législation ne suffit pas à endiguer le problème. De même, si la loi du 21 juillet 1881 instaure un contrôle sanitaire des animaux, ce ne sont finalement que les initiatives isolées de contrôle de certaines municipalités qui permettent des améliorations locales de l’offre.
Bien que dans le dernier quart du XIXe siècle, de plus en plus de personnes, telles Charles Gide, leader du mouvement coopératif ou notre Pierre Delcourt cherchent à alerter l’opinion publique, de vraies solutions ne seront mises en place au niveau national que dans les années 1910. Face aux impératifs économiques d’une bonne image des produits français sur le marché international et aux soucis sanitaires du courant hygiéniste, une loi est promulguée le 1er aout 1905. Il s’agit désormais non seulement réprimer, mais également de prévenir les tromperies et falsification en organisant le dépistage des fraudes. Et au vu de notre actualité, le combat n’est toujours pas terminé !
Agence Rol, La vie chère à Paris [l’étal d’une poissonnerie], 1918, Gallica/BnF
Les ouvrages cités dans ce billet sont accessibles sur Gallica. Rapportez en commentaires vos pires trouvailles en matière de fraude dans ces ouvrages !
Dans le cadre du programme Europeana 14-18, le département des Estampes et de la photographie de la BnF a numérisé les volumes consacrés à l’œuvre gravé de Jean Veber (1864-1928). En parallèle de l’album facebook présenté sur la page de Gallica, je vous propose ici quelques clés pour mieux comprendre le travail de cet artiste à la production éclectique.
Rappel: l’intégralité des liens de ce billet renvoie à des documents numérisés disponibles sur Gallica.
Jean Veber, dans le ruisseau, estampe, 1894, GallicaBNF
De retour de vacances, je retrouve le programme Europeana 14-18. Clin d’oeil!
Agence Rol, Front anglo-belge (bureau information) [chien équipé d’un masque à gaz], 1920, BNF/GallicaRetrouvez tous les autres « Gallica insolites » du blog ici.
La bouée automobile, une solution contre les chutes dans la Seine?
Agence Meurisse, Essais d’une bouée automobile de Mr Mercorelli, 1921, BNF/Gallica
Malheureusement, le net est avare en informations sur l’inventeur de cette machine, Mr Mercorelli, qui survécut à cette séance photo, comme le prouve le cliché suivant.
Agence Meurisse, Essais d’une bouée automobile de Mr Mercorelli, 1921, BnF/Gallica
Le printemps est bien entammé et le soleil n’a toujours pas pointé le bout de son nez ? La grisaille vous déprime et vous avez épuisé votre stock de vitamine D ? Prenez donc un bain de soleil grâce à Gallica ? Nous avons tout ce qu’il vous faut ! Sable fin et lumières intenses !
Agence mondial, Le soleil artificiel les joueurs de Portsmouth passent aux rayons de soleil ultra-violets, 1932, BNF/Gallica
Au département des Estampes et de la photographie de la BnF, la numérisation de l’œuvre gravé de Whistler s’achève. Près de deux cent cinquante lithographies, pointes-sèches et eaux-fortes que vous pouvez désormais admirer sur Gallica. Pour fêter l’évènement, je vous propose une sélection personnelle de mes œuvres préférées.
Whistler, Old Westminster bridge, 1859-1871, eau-forte, 2e état
A la fin du XIXème siècle, il existait un moyen bien pratique de relier Saint-Malo à sa commune voisine, Saint-Servan, et ce malgré l’étendue d’eau qui les séparaient : j’ai nommé le pont roulant!
Pont roulant de Saint-Malo, vers 1875-1885, BNF/Gallica
Construit en 1873 par l’architecte Alexandre Leroyer (1827-1886), le pont roulant est composé d’une plateforme de six mètres sur sept, perchée sur une structure d’une dizaine de mètres de haut. Tractée par un moteur de quatorze chevaux installé sur le quai, la plateforme se déplace le long d’un chemin de fer. A partir de 1911, la machinerie sera électrifiée.
Les passagers, dont le nombre est limité à 50 personnes, effectue le voyage en deux minutes, après s’être acquitté d’un droit de passage d’un ou deux sous suivant la classe (cabine ou extérieur). On traverse le bras de mer par ce moyen à marée haute comme à marée basse!
Pont de Saint Malo, carte postale ancienne
Bien que le décret présidentiel de 1873 accorde à Alexandre Leroyer le droit d’exploiter son invention pour une durée de soixante ans, le pont roulant sera supprimé après cinquante ans d’usage. En effet, en 1922, un jour de tempête, le naufrage d’un navire a irrémédiablement endommagé le dispositif, qui est abandonné.
Un autre engin de ce type, appelé railway bac, a également fonctionné de 1894 à 1901 à Brighton, en Angleterre.
Pont roulant de Saint-Malo, vers 1875-1885, BNF/Gallica
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