Quand j’étais petite, et même adolescente, j’étais persuadée que je ne pourrais jamais aller au-delà des quelques pays limitrophes à la France, l’avion me semblant un luxe inaccessible. Depuis, j’ai fait quelques voyages, souvent en relation avec mes études, notamment pour découvrir « en vrai » ces chefs-d’œuvre que l’on nous projetait dans l’obscurité des salles de cours. Le désir de parcourir moi-même les musées et les monuments évoqués dans les livres m’a conduite en des lieux que je n’aurais jamais imaginé un jour parcourir. Et à plusieurs reprises, lors de mes « grands » voyages, je me suis intérieurement fait cette remarque : « voici un lieu que je n’aurai jamais pu imaginer vivre ». Une petite phrase souvent accompagnée d’une intense sensation de vertige.
De la photographie française de la seconde moitié du XIXe siècle, nous regardons souvent les clichés du « Paris qui s’en va ». Avec une pointe de nostalgie, nous admirons les rues d’une vieille ville en sursis, immortalisées par Marville ou Atget alors que progressaient les pioches des démolisseurs. Il est en revanche moins fréquent que nous nous penchions sur l’autre visage de cette même ville, celui du « Paris qui s’en vient », avec ses colossaux chantiers de construction. Pourtant, ce Paris-là a également été photographié à mesure qu’il s’élaborait. Peut-être est-ce que la démolition est toujours plus éminemment romantique que la construction…
Jusqu’à la fin avril 2014, une exposition présentée à la Bibliothèque des Arts Décoratifs propose de redécouvrir quelques facettes de l’œuvre de Louis Emile Durandelle. Spécialisé dans la photographie d’architecture, il a immortalisé les travaux de construction du Sacré Cœur, de l’Opéra et de la Tour Eiffel, mais aussi ceux de restaurations de quelques sites anciens, tels le Mont Saint-Michel.
Il y a quelques mois, j’ai eu la chance de pénétrer dans la galerie d’anatomie de l’Ecole des Beaux-Arts. Mes yeux émerveillés ont observés d’étranges squelettes, de fascinants moulages du vivant et une macabre mise en scène.
Anonyme, autel macabre, fin XVIIe siècle, ENSBA
La galerie d’anatomie de l’Ecole des Beaux-Arts recèle bien des trésors. Parmi eux, un petit objet peut prétendre au titre de la curiosité la plus macabre. Sous un dais inscrit de vers de Virgile et de François de Malherbe évoquant la mort, une momie de fœtus gît sur un cénotaphe, encadrée de deux petits squelettes portant des faux. Un troisième, au pied du cercueil, clôt la composition. Cette mise en scène, dans la tradition du memento mori, a été composée à la fin du XVIIe siècle.
Cet étrange objet est le dernier vestige existant d’une très prestigieuse collection d’anatomie, la collection de deux célèbres chirurgiens, Jean-Joseph Sue père et fils (le grand-père et le père de l’écrivain Eugène Sue). A partir de 1745, Jean-Joseph Sue père, chirurgien à l’hôpital de la Charité et professeur à l’Académie royale de peinture et de sculpture, mène d’importantes recherches sur la conservation des restes anatomiques. Ses travaux donnent lieu à la publication de plusieurs ouvrages tel L’Anthropotomie ou l’art d’injecter, de disséquer, d’embaumer et de conserver les parties du corps humain (1765). Ses préparations anatomiques sont alors fort connues et admirées, quoique parfois d’un goût douteux. Les auteurs de l’Encyclopédie mentionnent ainsi que le chirurgien a fabriqué et offert au Cabinet du roi une paire de pantoufles… en peau humaine !
Portrait de Jean Joseph Sue, 1775. Wellcome Library, Londres
En 1785, Jean-Joseph père confie sa collection de pièces anatomiques – encore modeste- à son fils. Ce dernier va en faire, en l’espace de quelques années, une des plus importantes collections de ce type en Europe. A la veille de la révolution, elle compte en effet 1300 pièces. Afin de financer son développement, Jean-Joseph fils a l’idée de la présenter au public dans un cabinet où il donne à l’occasion des conférences. Sa réputation est telle que le cabinet est signalé dans plusieurs guides parisiens.
En 1824, Jean-Joseph Sue fils dépose pour 15 ans sa collection à l’Ecole des Beaux-Arts. Mort avant le terme de ce prêt, Sue ne récupérera jamais sa collection, qui, faute d’entretien, va rapidement se décomposer. L’odeur pestilentielle qui règne dans les salles l’abritant nécessite qu’une décision soit prise : bien que considérées comme rares et très précieuses, les pièces d’anatomies, irrécupérables, sont détruites avant 1835. Le petit autel macabre semble être ainsi la seule pièce avoir échappé de la disparition de cet extraordinaire ensemble.
Pour aller plus loin : Philippe Comar (dir.), Figures du corps : Une leçon d’anatomie à l’école des Beaux-Arts, Paris, Beaux-Arts de Paris les éditions, 2008.
Depuis une quarantaine d’années, les petites écuries du château de Versailles servent d’entrepôt à 5000 statues : des marbres magnifiques et une cohorte de plâtres plus ou moins ravagés par le temps, issus des collections du Musée du Louvre, de l’Ecole des Beaux-Arts et de la Sorbonne. Le 2 mars prochain, le château de Versailles ouvre exceptionnellement les portes des Petites écuries. Une occasion unique d’admirer les pièces de la Galerie des Sculptures et des Moulages.
Edit du 3 avril 2014 : jusqu’à septembre 2014, la galerie sera ouverte le premier dimanche de chaque mois [Plus d’info]
Alors que la postérité a retenu Daguerre comme « inventeur » – du moins révélateur – de la photographie, un autre aspect de sa carrière – et non des moindres – est tombé dans l’oubli: celle de créateur du diorama, l’un des spectacles d’illusion les plus prisés du XIXe siècle. Plusieurs documents disponibles sur Gallica éclairent cette aventure.
Marlet, Le Dyorama… port de Boulogne, lithographie, s. d., coll. George Eastman House, Rochester
Vous séchez pour trouver une idée de cadeau pour la Saint-Valentin? L’an dernier, je proposais aux flemmards et rois du dernier moment un « mandat » spécial. Cette année, mon choix s’est porté sur un cadeau odorant mais à l’iconographie tout à fait adaptée!
Jules Cheret, Fromages de ferme [affiche], 1876, lithographie en couleurs, BnF/GallicaPensez à embrasser avant d’offrir votre présent!
Le Louvre, l’été : une file interminable serpente autour de la pyramide sous un soleil de plomb. Grand Palais, l’automne : une foule trempée se presse pour voir la dernière expo à succès sous une pluie torrentielle. Qui n’a jamais renoncé à voir une exposition devant les mètres et les mètres de queue qui le séparent de l’entrée d’un musée ? La file devant le musée, ce supplice interminable à vous faire haïr la culture à tout jamais, mais dont l’image est cependant fièrement exhibée à la une de quelques journaux nationaux, comme preuve d’une fréquentation record dans les musées français, pourtant discutable.
Longues files, immenses queues, attente interminable… pourtant si faciles à éviter … pour peu que l’on connaisse quelques astuces! Aujourd’hui, je vous livre mon guide de survie pour impatients assoiffés de culture.
Esplanade d’Orsay trente minutes avant l’ouverture du musée – été 2011
Le boulevard périphérique ceinture fermement le Paris d’aujourd’hui. Mais qu’en était-il hier? Les abords de la capitale ont maintes fois changé de visage au cours de l’histoire. A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, la « Zone » entourait la capitale. Cette bande de terrains vagues précédait l’enceinte défensive érigée par Thiers. Décrétée inconstructible, elle est pourtant rapidement devenue le refuge d’une population aussi miséreuse que nombreuse. Inquiétant le bourgeois, préoccupant le politique, la Zone est aujourd’hui associée au mythe des bas-fonds parisiens. Les photographies qu’en firent Atget et les employés des agences Rol et Meurisse témoignent de la réalité sociale malheureuse.
Le département des estampes et de la photographie de la BnF conserve une singulière collection d’échantillons de papiers peints de la fin du XVIIIe siècle. Constituée entre 1799 et 1803 à la faveur des lois du dépôt légal mises en place pendant la période révolutionnaire, cette collection rassemble 2250 échantillons aux couleurs extraordinairement bien conservées. Jusqu’à leur numérisation en octobre 2007, ces pièces étaient très difficiles d’accès, leur fragilité rendant quasi impossible leur consultation. Or, ce corpus est une source riche et parfaitement documentée pour qui s’intéresse à l’histoire du papier peint à la fin du XVIIIe siècle : tous les échantillons sont inscrits du nom de leur fabriquant, du numéro de catalogue et de leur date de dépôt…
Jacquemart et Bénard , papier peint à motif répétitif, 1803
Dans un précédent article, je vous parlais de l’affichomanie, cette mode de collectionnisme née alors que l’affiche illustrée envahissait Paris. A quoi ressemblaient ces rues couvertes de papiers colorés? Les superbes images de Chéret, si convoitées aujourd’hui sur le marché de l’art, étaient elles-vraiment placardées sur les palissades, laissées aux outrages du vent et de la pluie? Les photographies d’Atget, disponibles en grand nombre sur Gallica, témoignent de la réclame à Paris autour de 1900.
Atget, Rue de l’abbaye : Saint-Germain des Prés, 1898, Gallica/BnFAtget, Rue des Deux-Ecus pendant sa démolition, 11 Septembre 1907, Gallica/BnF
L’oeil averti devine sur ces photographies quelques affiches passées à la postérité. Certaines d’entre-elles, présentes dans les collections du département des estampes, ont été numérisées et il est possible de les mettre en regard de ces vues parisiennes. L’exercice est cependant un peu difficile, du fait de la piètre résolution des numérisations d’Atget, mises en ligne en 2007. Les possibilités techniques ayant évoluées, Gallica s’est heureusement lancée dans une opération de re-numérisation de ses fonds précieux. Pour retrouver dans Gallica les documents qui ont servis aux montages qui suivent, cliquez sur les liens dans le texte!
Après l’immense succès du premier billet croisé sur Paris et les excréments, Marine et moi réitérons l’exercice autour du thème de la Révolution. Sur le blog « Raconte-moi l’histoire », Marine parle des portraits des Capitouls tandis que je vous dévoile quelques détails surprenants sur la démolition de la Bastille.
Tout le monde sait que la Bastille a été prise le 14 juillet 1789 et que cet événement marque le début de la Révolution française… Mais saviez-vous que la Bastille aurait quand même disparu, même sans la Révolution ? Louis XVI avait en effet prévu de la raser…
Demolition de la Bastille, estampe, éditée par Basset, 1789, Gallica/BnF
Visiter un grand musée peut se révéler très intimidant. Par quoi commencer ? Que regarder ? Comment comprendre et apprendre quand on « n’y connaît rien » ? Comment profiter de ces musées « un peu chiant, avec un tableau, une étiquette, une sculpture, une étiquette… » ? Voici une rengaine que j’entends souvent dans la bouche de mes amis « non familiers des musées ». Il y a mille et une manières de rendre une sortie au musée plus vivante, plus enrichissante. L’une d’elles est de profiter des opérations « les jeunes ont la parole » : plusieurs musées parisiens proposent régulièrement des après-midi ou des soirées pendant lesquelles l’animation et la médiation des collections est confiée à des étudiants en histoire de l’art et en médiation.
photo: Musée du Louvre
Vendredi dernier, 300 étudiants bénévoles avaient investis les salles du musée du Louvre pour présenter au public une œuvre qu’ils avaient choisie et étudiée. Ici, pas de visite guidée ni de parcours imposé, c’est à la carte. Les étudiants, reconnaissables à leurs t-shirt orange et noir, sont positionnés devant les œuvres : libre au visiteur de les solliciter pour une courte présentation des pièces exposées. Prenant souvent la forme d’un dialogue, la médiation est personnalisée et intimiste. Les étudiants s’adressent à des groupes réduits (souvent moins de 3 auditeurs simultanés), ce qui facilite l’échange et les jeux de questions-réponses.
Le concept n’est pas spécifique au Louvre : de nombreuses institutions parisiennes offrent des opérations similaires en partenariat avec les écoles et universités parisiennes. Ainsi, on retrouvera des étudiants médiateurs au Musée d’Orsay et à la Cité de l’architecture certains jeudi soir. D’autres établissements ont préféré programmer ça le premier dimanche du mois, quand l’accès au musée est gratuit, afin de toucher le public le plus large. C’est ainsi le cas au Musée de Cluny et au Musée des années trente.
Pour beaucoup d’étudiants, participer à ces opérations est expérience formatrice marquante : c’est l’opportunité d’une première confrontation à la réalité du « face public ». Il faut prendre la parole devant des inconnus, s’adapter à l’auditoire, rendre son propos compréhensible et surtout transmettre sa passion ! Bien sûr, le public doit faire preuve d’une certaine indulgence : certains étudiants sont déjà rodés à l’exercice, auquel ils participent régulièrement, tandis que d’autres, plus jeunes, débutent à peine.
Opération « Les jeunes ont la parole » (JOP) au Musée du Louvre, 29 nov 2013, photo: Mathilde Ledur
Prochaines dates (2014-2015)
En général, les opérations jeunes médiateurs ont lieu de novembre à avril.
dimanche 1 mars 2015 : Musée de Cluny – 13h30-17h30 – entrée gratuite pour tous
vendredi 13 mars 2015 : Musée du Louvre – 19h-21h – entrée gratuite pour les – de 26 ans
jeudi 19 mars 2015 : Cité de l’architecture – 18h30-20h30 – entrée gratuite pour les – de 26 ans
vendredi 20 mars 2015 : Musée du Louvre – 19h-21h – entrée gratuite pour les – de 26 ans
vendredi 27 mars 2015 : Musée du Louvre – 19h-21h – entrée gratuite pour les – de 26 ans
dimanche 5 avril 2015 : Musée de Cluny – 13h30-17h30 – entrée gratuite pour tous
dimanche 5 avril 2015 : Musée des Années 30 – 15h30-17h – entrée gratuite pour tous
dimanche 3 mai 2015 : Musée de Cluny – 13h30-17h30 – entrée gratuite pour tous
dimanche 5 avril 2015 : Musée des Années 30 – 15h30-17h – entrée gratuite pour tous
dimanche 7 juin 2015 : Musée de Cluny – 13h30-17h30 – entrée gratuite pour tous
A savoir : le musée du Louvre également des nocturnes « musique et danse » avec la participation des étudiants des conservatoires d’île de France. Des étudiants des écoles d’art (Estienne, Duperré, Boulle) participent également aux soirées « les jeunes ont la parole »
En octobre, j’avais visité le squat LE BLOC (19e arrondissement) dans le cadre des journées portes ouvertes. Séduite par les pièces de graff et de street-art qui rythment les murs du squat et par la rencontre avec quelques artistes sympathiques, je comptais y revenir pour un reportage. Malheureusement, il est désormais trop tard. Le 6 décembre, le squat a été évacué, privant 170 personnes de logement et/ou d’atelier.
Le squat le BLOC (Bâtiment Libre Occupé Citoyennement) animait depuis plus d’un an la vie culturelle du quartier de la Mouzaïa, au fin fond du XIXe arrondissement de Paris. Installé dans un (moche) immeuble de 7000 m2 – qui abritait auparavant la Direction régionale des Affaires sanitaires et sociales d’île de France -, le BLOC aura été un des plus ambitieux squats de la capitale : il a été tout à la fois résidence d’artistes, incubateurs pour start-up et associations citoyennes, hackerspace, galerie d’art, lieu de cours…
On y trouvait en effet les ateliers de quelques 160 artistes, le hackerspace Blackboxe (qui a participé à museomix 2013), des musiciens, un ciné-club, des salles de concert…
Lors de ma (trop rapide) visite, j’avais été marquée par le nombre de belles pièces de graff et de street art qui ornaient les murs du rez-de-chaussée, seul espace librement accessible aux visiteurs. Les étages et sous-sol dissimulaient mille autres trésors, qui se dévoilaient uniquement lors de visites guidées organisées par un bénévole. Contrairement aux blogueurs du Mag de Poche et à Wonder Brunette, je n’ai pas eu la chance de les suivre. Et comme je regrette…
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