Alfons Mucha, connu et méconnu

Alfons Mucha, connu et méconnu

Des silhouettes sensuelles et fatales, de longues chevelures ondoyantes, ornées de fleurs ou noyées dans des volutes de fumée. Vous pensiez tout connaître de l’esthétique d’Alfons Mucha ? Au Musée du Luxembourg, une rétrospective permet de redécouvrir le parcours de cette figure majeure de l’Art nouveau… et d’explorer des facettes bien moins connues de sa carrière.

Alfons Mucha, Rêverie, Lithographie en couleurs, 1897, Fondation Mucha

Mucha, ce n’est pas que l’Art nouveau ! Et cela décevra peut-être ceux venus au Musée du Luxembourg spécialement pour s’enivrer des courbes gracieuses de ses créatures féminines : moins de la moitié de l’accrochage leur est consacré, le reste du parcours explorant d’autres aspects de la personnalité de l’artiste. On y découvrira son obédience franc-maçonne, son intérêt pour le mysticisme, son œuvre peinte et — surtout — son engagement en faveur des peuples slaves.

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Paris couvert d’affiches

Paris couvert d’affiches

Dans un précédent article, je vous parlais de l’affichomanie, cette mode de collectionnisme née alors que l’affiche illustrée envahissait Paris. A quoi ressemblaient ces rues couvertes de papiers colorés? Les superbes images de Chéret, si convoitées aujourd’hui sur le marché de l’art, étaient elles-vraiment placardées sur les palissades, laissées aux outrages du vent et de la pluie? Les photographies d’Atget, disponibles en grand nombre sur Gallica, témoignent de la réclame à Paris autour de 1900.

Atget, Rue de l'abbaye : Saint-Germain des Prés, 1898, Gallica/BnF
Atget, Rue de l’abbaye : Saint-Germain des Prés, 1898, Gallica/BnF
Atget, Rue des Deux-Ecus pendant sa démolition, 11 Septembre 1907, Gallica/BnF
Atget, Rue des Deux-Ecus pendant sa démolition, 11 Septembre 1907, Gallica/BnF

L’oeil averti devine sur ces photographies quelques affiches passées à la postérité. Certaines d’entre-elles, présentes dans les collections du département des estampes, ont été numérisées et il est possible de les mettre en regard de ces vues parisiennes. L’exercice est cependant un peu difficile, du fait de la piètre résolution des numérisations d’Atget, mises en ligne en 2007. Les possibilités techniques ayant évoluées, Gallica s’est heureusement lancée dans une opération de re-numérisation de ses fonds précieux. Pour retrouver dans Gallica les documents qui ont servis aux montages qui suivent, cliquez sur les liens dans le texte! 

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1886-1896 : l’Affichomanie. Parcours sur Gallica autour des premiers collectionneurs d’affiches.

1886-1896 : l’Affichomanie. Parcours sur Gallica autour des premiers collectionneurs d’affiches.

Décennie 1890, Paris se couvre d’affiches. La loi de juillet 1881 a instauré la liberté d’affichage. Aucune palissade, aucun pan de mur, pas même celui d’un lieu sacré n’est épargné par la frénésie du collage. S’accumulent sur le bois, la brique ou la pierre des couches de papiers aux couleurs vives. Belles images, les affiches sont conçues comme éphémères. A peine lacérée, à peine la couleur un peu passée, voici qu’on la couvre d’une autre. Pourtant, nos bibliothèques et nos musées conservent de cet âge d’or de l’affiche illustrée des témoins représentatifs et nombreux. Aussi éphémère soit-elle, l’affiche a survécu, a été conservée. Les collections publiques sont nées du dépôt légal, versé par les principaux imprimeurs, mais aussi des dons de généreux amateurs, qui, pris de passion pour ces images colorées, les ont accumulées dans leur cabinet, avant de s’en défaire au profit du patrimoine national.

Il est remarquable de constater que la figure du collectionneur d’affiches est née en même temps que l’affiche illustrée elle-même. Dès les premiers développements de la réclame chromolithographiée, des connaisseurs accumulent ces images nouvelles et industrielles.

Centenaire lithographie affiche alesi
Hugo d’Alési, Exposition du Centenaire de la lithographie Galerie Rapp, 1895

Aussi précoce soit-elle, cette mode de collectionnisme fut éphémère. Son acmé coïncide avec l’âge d’or de l’art de l’affiche, que l’on peut situer entre 1886 et 1896. Quelques années pendant lesquelles l’Affichomanie, terme forgé en 1891 par Uzanne, triomphe.

A travers les collections numérisées de Gallica, je vous propose un itinéraire à la découverte de cette mode, de sa naissance dans un milieu d’hurluberlus décolleurs d’affiches à sa consécration qui mènera à son déclin.

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Pub Mania, ils collectionnent la publicité

Pub Mania, ils collectionnent la publicité

Par leur qualité, les expositions du Musée de la Publicité au sein des Arts Décoratifs mettent en valeur la richesse d’une collection, qui, par sa nature, ne peut être exposée de façon permanente. Cet été, l’institution rend hommage aux collectionneurs de pub, dont la générosité a contribué à la qualité des fonds aujourd’hui en sa possession. A travers une sélection choisie d’objets publicitaires, témoins modestes et éphémères de notre société de consommation, cette exposition rend compte de la diversité de l’objet de collection et tente un portrait psychologique et sociologique du publiphile.

Merveilleux éventails publicitaires

L’exposition, dont le projet est né de la donation en 2012 d’un ensemble d’un millier d’éventails publicitaires par Anne et Michel Lombardini, s’ouvre sur une très belle sélection d’une centaine de pièce de ce type.

Eventail, Bally, d’après Leonetto Cappiello, 1933, bois, métal, papier, lithographie couleur  Don Anne et Michel Lombardini, 2011  © Jean Tholance
Eventail, Bally, d’après Leonetto Cappiello, 1933, Don Lombardini 2011 © Jean Tholance

Comme l’affiche illustrée, l’éventail publicitaire est né des progrès que connait la lithographique en couleur à la fin du XIXe siècle. Ce n’est d’ailleurs pas surprenant de voir les plus grands noms de l’affiche signer également des compositions pour des éventails. Alors que son utilité décline dans les couches supérieures de la société, l’éventail connaît grâce la publicité une nouvelle jeunesse auprès d’un public populaire qui le plébiscitera jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale. Conçu comme éphémère, l’éventail publicitaire, bien qu’édité en très grand nombre d’exemplaires, est aujourd’hui d’une rareté extrême, ce qui explique en partie l’engouent des collectionneurs pour ce type d’objets.
2013-05-22 19.35.43Regroupés par thème ou style, une centaine d’éventails sont présentés dans les vitrines de la première salle. On admire ici une composition de Cappiello ; là on s’amuse des partis pris publicitaires des crématoriums américains, qui, dans les années 1960, offraient à leurs futurs clients des éventails ornés d’images pieuses.

Monomanie du copocléphile et du yabonophile

Il est fréquent que le collectionneur de publicité s’adonne à rassembler de objets d’un seul type : porte-clés, étiquettes de fromages, de sous-bocks de bière… La deuxième salle témoigne de quelques exemples repandus de cette pratique monomaniaque. Ces accumulations de porte-clés ou de cendriers forment de très beaux assemblages visuels, dont on se plait à faire l’inventaire. Chacune de ces monomanies typologiques a un nom, sur lesquels je reviendrai dans un prochain billet.

D’autres collectionneurs, en revanche, s’intéressent de façon exclusive à une marque, focalisant leurs efforts à amasser tout ce qui s’y rapporte. Leur collection peut alors témoigner de façon représentative de l’identité visuelle de celle-ci au cours du temps. Très tôt, en effet, certaines marques ont cultivé un style qui leur était si propre que d’un seul coup d’œil le consommateur pouvait y associer leur nom et leurs produits. Slogan, code graphiques, mascottes… autant d’éléments qui sont parfois devenus de véritables icônes, à l’instar du Bibendum de Michelin, du tirailleur sénégalais de Banania ou du Petit Écolier de Lu.

Bibendum, pubmania, Arts décoratifs exposition

Le collectionneur, historien de l’identité visuel des produits de notre quotidien

Consciente très tôt des pratiques de collectionnisme de certains consommateurs, les marques ont cherché à les fidéliser en maintenant, par le renouvellement régulier de leur packaging, leur intérêt. Ainsi, prolongeant la pratique des boîtes de ferraille imprimées de chromolithographies réutilisées dans le foyer après que leur contenu premier ait été épuisé, les marques se sont lancées dans le packaging événementiel, les séries limités et les produits collectors. L’exposition consacre plusieurs vitrines à quelques emballages remarquables qui ont marqué les trente dernières années au fil des occasions : coupe du monde de football de 1998, passage de l’an 2000…

Canette Perrier Dita Von Teese, Kreo, Hartland Vila, 2010, © Jean Tholance
Canette Perrier Dita Von Teese, Kreo, Hartland Vila, 2010, © Jean Tholance

L’affichomanie, une pratique à la naissance de la publiphilie

Cinquième étape de l’exposition, l’espace consacré aux affiches clôt le parcours. Connaissant véritablement son essor dans le dernier quart du XIXe siècle, l’affiche illustrée s’affirme presque d’emblée comme art. Liée aux techniques nouvelles de la chromolithographie, l’affiche illustrée a fait appel aux lithographes les plus talentueux du temps. De l’estampe à l’affiche, il n’y a qu’un pas, que les artistes comme les collectionneurs ne tardèrent pas à passer. La sélection présentée pour cette exposition témoigne tout à la fois de la virtuosité de l’art de l’affiche dans les années 1890 et pendant l’entre-deux-guerres, de la passion précoce des collectionneurs pour ces éphéméras que de la qualité extraordinaire du fonds du Musée des Arts décoratifs.

Affiche Arnould, 7 rue Racine, Marcel-Lenoir, vers 1895 © Jean Tholance
Affiche Arnould, 7 rue Racine, Marcel-Lenoir, vers 1895 © Jean Tholance

Portrait du collectionneur de l’éphémère et du modeste

Entre art et objet populaire… Tout au long du parcours la figure du collectionneur est interrogée : qu’est ce qui distingue le publiphile du collectionneur d’œuvres d’art ?  Quelle est la légitimité d’accumuler ces objets modestes, multiples, fruits de la société de consommation ? A l’étude, il apparaît que ce sont les mêmes ressorts interviennent dans les pratiques de collectionnismes des amateurs d’œuvres d’art et des amateurs de publicité. On retrouve la même quête de l’objet rare, le même souci de la représentativité, les mêmes délectations du regard, les mêmes pratiques de classement et de documentation… De la même façon que le marché de l’art, le marché de la collection d’objets publicitaires s’est structuré, se dotant de foires, de galeries spécialisées, de réseaux, de revues…

Casserole Banania, anonyme, vers 1980 © Jean Tholance
Casserole Banania, anonyme, vers 1980 © Jean Tholance

Un regret peut-être quant à la question de la présentation de ces trésors accumulés dans l’espace privé du collectionneur, qui n’est pas traitée ici. On a tous en tête ces clichés du collectionneur monomaniaque, accumulant pieusement l’objet de son désir dans une cave ou un grenier, au grand dam de ces proches, exaspéré par cette obsession envahissante.

Hétéroclite, amusante, sérieuse, l’exposition Pub Mania vous attend, au Musée des Arts décoratifs jusqu’au 6 octobre 2013 . Plus d’informations sur le site de l’institution.