Le Blon, Préparation anatomique des parties de l’homme servant à la génération, vers 1721

Le Blon, Préparation anatomique des parties de l’homme servant à la génération, vers 1721

Devant vos yeux mi-ébahis, mi-dégoûtés, voici ce qui pourrait ne sembler être que la simple image d’une dissection de pénis mais qui, bien plus encore, est une épatante réussite technique: publiée en 1721, cette estampe est l’un des premiers exemples aussi aboutis de l’emploi d’un procédé alors nouveau, la manière noire en couleurs. Bien sûr, j’aurais pu vous présenter une anatomie moins licencieuse, mais pourquoi se priver du plus croustillant ?

Le Blon, Préparation anatomique des parties de l’homme servant à la génération, vers 1721

Une charmante dissection

Avant de s’attaquer à la complexe technique de la manière noire en couleurs, penchons nous sur le sujet de l’estampe et la destination de celle-ci. Réalisée par J.C. Le Blon, elle était apparemment destinée à illustrer une des multiples éditions d’un célèbre ouvrage de médecine du début du XVIIIème siècle, The Symptoms, Nature and Cure of Gonorrhea du docteur William Cockburn M.D. Pour ceux qui ne l’auraient pas compris, il s’agit d’un livre consacré à la gonorrhée – plus communément appelé  « chaude-pisse » (pour plus d’infos sur cette ravissante maladie, Wikipédia saura vous renseigner, je n’ai personnellement pas eu la curiosité de dérouler les photos illustrant le phénomène).

Il s’agit donc d’une dissection du pénis, sobrement intitulée « Préparation anatomique des parties de l’homme servant à la génération, faite sur les découvertes les plus modernes ». Je ne saurais vous en dire plus sur les différents éléments de cette vue anatomique, dont vous pouvez à loisir admirer la précision : mon propos n’est pas là…

Une prouesse technique

Gautier-Dagoty, Femme debout, partiellement disséquée, 1750

L’œuvre que je vous présente ici est une prouesse technique. L’image que vous admirez est une estampe en couleur. Son impression a nécessité trois plaques de cuivre encrées chacune d’une couleur différente (bleu, rouge et jaune). Ces planches ont été travaillées selon la technique de la manière noire, mise au point au milieu du XVIIe siècle. Si ce procédé permet de délicats effets de velouté, il est extrêmement long à mettre en œuvre. Le graveur doit préalablement grainer de façon uniforme chaque planche : à l’aide d’un instrument appelé berceau, il travaille méticuleusement le cuivre pendant des heures et des heures jusqu’à ce que celui-ci soit couvert d’une infinité de minuscules creux. Si la planche était tirée à cette étape du travail, on obtiendrait un monochrome d’une intensité remarquable.

La seconde étape consiste à faire apparaître l’image sur ce fond uniforme. A l’aide d’un grattoir et d’un brunissoir, le graveur polit le cuivre là où il souhaite que la clarté soit. Ainsi, du noir profond, nait l’image. Dans le cas d’une estampe en couleurs, comme ici, le travail est doublement difficile. Le graveur doit en effet diviser mentalement l’image en couche de couleur et ne reporter sur chacun des cuivres qu’une partie de l’image finale.

Une fois les trois plaques obtenues, le graveur – ou l’imprimeur – n’est pas au bout de ses peines. On imprime successivement sur la même feuille les trois couleurs : en se superposant, elles révèlent le sujet. Pour que l’image rende parfaitement, il faut encore que l’impression soit d’une précision irréprochable. Si l’une des planches est très légèrement décalée par rapport aux deux autres, tout l’effet visuel est fichu.

Ici, vous en conviendrez, la précision du repérage est remarquable : tous les détails sont rendu avec une extrême finesse. Mais au-delà de cette perfection technique, le graveur, Le Blon, montre une réelle sensibilité artistique : employant à merveille un éclairage délicat, il évoque parfaitement les différentes textures des chairs.

L’estampe est publiée en 1721: par ce coup de maître, Le Blon est parvenu à convaincre le cercle savant des apports avantageux que sa nouvelle technique de gravure, fruit de vingt années de recherches acharnées, pouvait fournir à la diffusion des connaissances scientifiques.

Merveilleuses planches d’anatomies en couleurs

Suite à la publication de cette planche et malgré l’intérêt que suscitent les résultats de Le Blon, le graveur n’arrive pas à rendre l’exploitation commerciale de sa technique rentable. La famille Gauthier-Dagoty récupère le procédé et parvient, en le simplifiant, à rentabiliser les coûteux investissements que nécessitent la réalisation des planches. De leurs presses sort ce que l’on a retenu comme le chef d’œuvre de la gravure en manière noire en couleur, l’ange anatomique. Le succès est cependant de courte durée : faute d’une bonne gestion financière, les Gauthier-Dagoty font à leur tour faillite en 1780.

Gautier-Dagoty, l’ange anatomique, 1746

Pour en savoir plusL’anatomie de la couleur. L’invention de l’estampe en couleurs, catalogue d’exposition, Bibliothèque nationale de France, 1996.

Moustache Tea Cup – l’accessoire indispensable du dandy moderne

Portrait d’homme moustachu, photographie, 1911, Agence Rol, BNF

Messieurs, vous hésitez encore à vous laisser pousser la moustache ? Lassé de changer régulièrement vos lames de rasoirs, la peau irrité par le contact du métal, il vous titille de caresser d’un air sûr les pointes (délicatement recourbées) d’une moustache ?

Cependant, avouez-le, une seule chose vous retient encore…. Quoi de moins distingué qu’une moustache pleine de bière ? Et oui, comment ferez-vous, une fois votre virile pilosité installée, pour siroter tranquillement votre pinte ?

Grâce à une merveilleuse invention anglaise, ce dernier obstacle à votre accomplissement masculin total est abattu. Car en effet, ces gentlemans anglais ont rencontré avant vous ce délicat problème, non pas avec la bière, mais avec le tea. Comment dignement boire son thé en société, si la moustache en est trempée ?

En 1860, le potier Harvey Adams a une idée de génie : il ajoute une petite bordure sur l’intérieur de la lèvre des tasses de thé pour y faire reposer les moustaches, qui se trouvent ainsi protégées de l’eau chaude. La production de cette délicieuse vaiselle s’arrêtera avec la première guerre mondiale, qui marque également la fin de la mode des moustaches « handlebar » .

L’image de ces trois tasses et leur histoire ont été trouvées sur le site de la BBC : elles proviennent d’une collection privée. Chacune d’elles commémore un événement royal anglais : le jubilé de la reine Victoria en 1887, son règne de 1837 à 1897 et le couronnement d’Alexandra et d’Edouard VII, en 1902.

Comemorative moustache tea cups, photo BBC
L’homme qui a la plus longue moustache du monde, photographie, 1937, agence Meurice, BNF

Ces trois tasses sont destinées à un homme droitier, mais il faut savoir qu’il en existait aussi pour les gauchers, avec logiquement, l’anse du coté gauche !

 Alors, Messieurs, il ne vous reste plus qu’une chose à faire : boire votre bière dans une tasse de thé ! D’après mes indics, vous pouvez vous procurer ces indispensables objets chez Mariage Frères [ à condition de faire le cass du siècle dans leur musée].

Quant à Jean Koutra, l’homme qui avait la plus longue moustache du monde, rencontré au détour d’une ballade sur Gallica, on ne peut rien pour lui !

« C’est la sardine qui a bouché le port de Marseille »

Mercredi, je lisais le superbe catalogue de l’exposition la photographie timbrée  consacrée à la carte postale fantaisie au début du XXe siècle. J’ai eu un coup de coeur pour une carte postale éditée par Eugène Le Deley en 1914, La sardine qui bouche le port de Marseille. En essayant de la retrouver sur le net, j’ai faits quelques autres découvertes charmantes:

Mais d’où vient l’expression « C’est la sardine qui a bouché le port de Marseille »? Née au XVIIIe siècle, cette petite phrase a pour origine un évènement historique: en 1780, une frégate, la Sartine, s’apprête à entrer dans le port de Marseille, quand elle est attaquée par un navire anglais. Touchée par une salve de canon, elle coule dans le chenal du Vieux-Port. Pendant quelques temps, l’épave empêche tout accès au port aux navires…

Déformé par la langue, la « Sartine » est devenue « la sardine »…

Les cartes postales qui illustrent ce billet sont issues des collections du MUCEM

Les toilettes de mes rêves…

Le billet d’aujourd’hui est un peu insolite. Depuis longtemps, je rêve de la maison que j’aurais (peut-être) un jour (plus tard). Dans l’idéal, je l’imagine avec un salon orientalisant, dans le goût XIXe. La cuisine, très colorée. Le jardin? Travaux manuels inspiration facteur Cheval- Niki de Saint Phalle et Gaudi. Quand aux toilettes, j’en ai une idée très précise. L’illumination m’est venue à Istanbul, plus précisément dans les toilettes de l’Institut Français d’Etudes Anatoliennes. Ca ressemble grosso modo à ça:

Toilettes de l'Institut Français d'Etudes Anatoliennes, Istanbul

Quelques mois plus tard, j’ai croisé une autre cuvette de WC dans le même esprit… mais dans un musée ce coup ci!

Cuvette de toilettes, Musée Salisbury, Grande Bretagne.

Donc si par le plus grand des hasards, vous croisez un tel objet sur une brocante au fin fond de la Bretagne, prévenez moi!