Israël Silvestre ou une invitation à la promenade dans la France du Grand Siècle

Israël Silvestre ou une invitation à la promenade dans la France du Grand Siècle

Des centaines d’estampes, des dizaines de dessins — moins connus, il est vrai — : voici l’œuvre d’Israël Silvestre, un des plus célèbres graveurs de vues topographiques du XVIIe siècle. Son crayon et sa pointe ont immortalisé les plus beaux points de vue de la France d’alors (on ne disait pas encore panoramas), façonnant et fixant l’image de quelques remarquables châteaux depuis disparus ou de perspectives urbaines aujourd’hui transformées.

Israël Silvestre, Vue du collège des Quatre-Nation, Plume et encre brune, noire et grise, lavis gris et brun-vert, vers 1670, Paris, Musée du Louvre

Israël Silvestre : en dehors des amateurs d’estampes et des passionnés du Grand Siècle, qui a retenu son nom ? Et pourtant, tant de fois ses gravures ont été reproduites ! Besoin d’évoquer un château du milieu du XVIIe siècle ? C’est certainement une gravure de Silvestre que l’on reproduira. Mais au-delà de ces quelques eaux-fortes tant de fois montrées, que faut-il retenir de sa carrière ?

Israël Silvestre, Château et parc de Meudon, vus du côté du village de Fleury, Graphite, plume et encre brune, lavis brun, aquarelle, 1687, Paris, Musée du Louvre

Jusqu’au 25 juin 2018, le Musée du Louvre consacre une belle exposition à Israël Silvestre, renouvelant profondément la connaissance que nous avons de cet artiste, notamment par la mise en avant de ses dessins, jusqu’alors injustement méconnus. Lire la suite

Le Louvre-Lens : le Louvre, mais autrement

Le Louvre-Lens : le Louvre, mais autrement

J’aime énormément le Louvre-Lens et surtout son exposition « semi-permanente », La Galerie du Temps. Elle offre une expérience de visite incomparable, qui permet de redécouvrir les collections et l’histoire du plus célèbre musée du monde sous un autre jour.

La Galerie du Temps au Louvre-Lens

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Poupons de plâtre et de marbre : Jean-Antoine Houdon et ses filles

Poupons de plâtre et de marbre : Jean-Antoine Houdon et ses filles

Dans l’avant-dernier numéro de Grande Galerie, la revue du Louvre, j’ai appris l’acquisition toute récente par le musée d’un buste dû aux mains de Jean-Antoine Houdon, un des plus fameux sculpteurs du XVIIIe siècle. Ce buste vient compléter une série de portraits des proches de l’artiste que j’appréciais déjà tout particulièrement. N’est-ce pas une belle occasion de vous en parler ?

Houdon, Anne-Ange Houdon, marbre, Musée du Louvre

C’est une des plus touchantes vitrines du département des sculptures. Sur une étagère, des poupons joufflus et le visage d’une belle jeune femme. Houdon a modelé dans la terre puis sculpté dans le marbre les portraits de sa femme et de ses filles. Le Louvre possède, des trois sœurs, deux portraits de Sabine, l’aînée. Le premier a été réalisé alors que le bébé n’avait que quelques mois. Le second, alors que Sabine avait 4 ans. Les bustes de Anne-Ange et Claudine, les cadettes, sont conservés dans différentes collections publiques et privées, de par le monde. D’Anne-Ange, le Musée du Louvre n’avait que le plâtre original. L’institution a acquis en mai 2017, lors d’une vente publique, la version sculptée dans le marbre de ce même portrait.

La famille Houdon dans les collections du Louvre

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Une promenade au Louvre en 1803 : les dessins de Baltard

Une promenade au Louvre en 1803 : les dessins de Baltard

En 1803, Louis-Pierre Baltard réalise une série de dessins au Palais du Louvre : à la sanguine, il reproduit les ornements sculptés des façades et des plafonds. Cette série de dessins, achetée par le collectionneur Destailleurs est aujourd’hui conservée à la Bibliothèque nationale de France et numérisée sur Gallica. Curieuse, j’ai profité d’un samedi après-midi pour marcher dans les pas de Baltard et retrouver les détails qu’il avait dessinés.

Baltard, Accumulation de détails de la salle des cariatides, dessin, 1803,  Gallica/BnF
Baltard, Accumulation de détails de la salle des cariatides, dessin, 1803, Gallica/BnF

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Les faïences de Saint Porchaire

Les faïences de Saint Porchaire

Témoin de la virtuosité atteinte dans les arts du feu en France durant la Renaissance, la « céramique de Saint Porchaire » demeure encore très mystérieuse. On ne sait rien ou presque des circonstances de production de ces pièces d’un raffinement extrême, dont seuls 70 témoins nous sont parvenus. 

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L’Art de ne jamais faire la queue au musée

L’Art de ne jamais faire la queue au musée

Le Louvre, l’été : une file interminable serpente autour de la pyramide sous un soleil de plomb. Grand Palais, l’automne : une foule trempée se presse pour voir la dernière expo à succès sous une pluie torrentielle. Qui n’a jamais renoncé à voir une exposition devant les mètres et les mètres de queue qui le séparent de l’entrée d’un musée ? La file devant le musée, ce supplice interminable à vous faire haïr la culture à tout jamais, mais dont l’image est cependant fièrement exhibée à la une de quelques journaux nationaux, comme preuve d’une fréquentation record dans les musées français, pourtant discutable.

Longues files, immenses queues, attente interminable… pourtant si faciles à éviter … pour peu que l’on connaisse quelques astuces! Aujourd’hui, je vous livre mon guide de survie pour impatients assoiffés de culture.

Esplanade d'Orsay trente minutes avant l'ouverture du musée - été 2011
Esplanade d’Orsay trente minutes avant l’ouverture du musée – été 2011

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Laissez vous guider ! Les soirées jeunes médiateurs dans les musées

Laissez vous guider ! Les soirées jeunes médiateurs dans les musées

Visiter un grand musée peut se révéler très intimidant. Par quoi commencer ? Que regarder ?  Comment comprendre et apprendre quand on « n’y connaît rien » ? Comment profiter de ces musées « un peu chiant, avec un tableau, une étiquette, une sculpture, une étiquette… » ? Voici une rengaine que j’entends souvent dans la bouche de mes amis « non familiers des musées ». Il y a mille et une manières de rendre une sortie au musée plus vivante, plus enrichissante. L’une d’elles est de profiter des opérations « les jeunes ont la parole » : plusieurs musées parisiens proposent régulièrement des après-midi ou des soirées pendant lesquelles l’animation et la médiation des collections est confiée à des étudiants en histoire de l’art et en médiation.

photo: Musée du Louvre
photo: Musée du Louvre

Vendredi dernier, 300 étudiants bénévoles avaient investis les salles du musée du Louvre pour présenter au public une œuvre qu’ils avaient choisie et étudiée. Ici, pas de visite guidée ni de parcours imposé, c’est à la carte. Les étudiants, reconnaissables à leurs t-shirt orange et noir, sont positionnés devant les œuvres : libre au visiteur de les solliciter pour une courte présentation des pièces exposées. Prenant souvent la forme d’un dialogue, la médiation est personnalisée et intimiste. Les étudiants s’adressent à des groupes réduits (souvent moins de 3 auditeurs simultanés), ce qui facilite l’échange et les jeux de questions-réponses.

Le concept n’est pas spécifique au Louvre : de nombreuses institutions parisiennes offrent des opérations similaires en partenariat avec les écoles et universités parisiennes. Ainsi, on retrouvera des étudiants médiateurs au Musée d’Orsay et à la Cité de l’architecture certains jeudi soir. D’autres établissements ont préféré programmer ça le premier dimanche du mois, quand l’accès au musée est gratuit, afin de toucher le public le plus large. C’est ainsi le cas au Musée de Cluny et au Musée des années trente.

Pour beaucoup d’étudiants, participer à ces opérations est expérience formatrice marquante : c’est l’opportunité d’une première confrontation à la réalité du « face public ». Il faut prendre la parole devant des inconnus, s’adapter à l’auditoire, rendre son propos compréhensible et surtout transmettre sa passion ! Bien sûr, le public doit faire preuve d’une certaine indulgence : certains étudiants sont déjà rodés à l’exercice, auquel ils participent régulièrement, tandis que d’autres, plus jeunes, débutent à peine.

Opération "Les jeunes ont la parole" (JOP) au Musée du Louvre, 29 nov 2013, photo: Mathilde Ledur
Opération « Les jeunes ont la parole » (JOP) au Musée du Louvre, 29 nov 2013, photo: Mathilde Ledur

Prochaines dates (2014-2015)

En général, les opérations jeunes médiateurs ont lieu de novembre à avril.

    • dimanche 1 mars 2015 : Musée de Cluny – 13h30-17h30 – entrée gratuite pour tous
    • vendredi 13 mars 2015 : Musée du Louvre – 19h-21h – entrée gratuite pour les – de 26 ans
    • jeudi 19 mars 2015 : Cité de l’architecture – 18h30-20h30 – entrée gratuite pour les – de 26 ans
    • vendredi 20 mars 2015 : Musée du Louvre – 19h-21h – entrée gratuite pour les – de 26 ans
    • vendredi 27 mars 2015 : Musée du Louvre – 19h-21h – entrée gratuite pour les – de 26 ans
    • dimanche 5 avril 2015 : Musée de Cluny – 13h30-17h30 – entrée gratuite pour tous
    • dimanche 5 avril 2015 : Musée des Années 30 – 15h30-17h – entrée gratuite pour tous
    • dimanche 3 mai 2015 : Musée de Cluny – 13h30-17h30 – entrée gratuite pour tous
    • dimanche 5 avril 2015 : Musée des Années 30 – 15h30-17h – entrée gratuite pour tous
    • dimanche 7 juin 2015 : Musée de Cluny – 13h30-17h30 – entrée gratuite pour tous

A savoir : le musée du Louvre également des nocturnes « musique et danse » avec la participation des étudiants des conservatoires d’île de France. Des étudiants des écoles d’art (Estienne, Duperré, Boulle) participent également aux soirées « les jeunes ont la parole »

A lire chez les autres blogueurs : la sortie « que vois-tu? » de Frélie, « Les jeunes ont la parole » et « Un dimanche avec les étudiants à Cluny » vus par le Point Culture.

Tutoyer le musée du Louvre

Tutoyer le musée du Louvre

Cinq ans d’études à l’École du Louvre, des milliers d’heures passées à arpenter les innombrables salles du palais du même nom. Munie d’une carte « magique » conférant un accès gratuit et illimité aux collections, j’ai appris à tutoyer le Musée du Louvre.

Pyramide du Louvre, automne 2013
Pyramide du Louvre, automne 2013

Le rapport qu’un étudiant en histoire de l’art entretient avec le musée est de l’ordre de l’intime et du singulier. Les trois premières années de l’École du Louvre impliquent de passer beaucoup de temps « au contact direct des œuvres », un principe qui est la marque de fabrique de l’institution. Aux centaines d’heures de travaux dirigés devant les œuvres (T.D.O.) se succèdent autant de temps à réviser dans les mêmes salles. Tout élève assidu en vient à connaître par cœur les chemins qui conduisent de la Victoire de Samothrace à la cour Marly, de la Joconde aux appartements de Napoléon. Les heures de pointe, les raccourcis, les jours tranquilles, les flux de touristes, la quiétude des salles isolées sont autant de choses que nous connaissons parfaitement.

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Mes expositions de la rentrée

Mes expositions de la rentrée

Septembre, la rentrée littéraire, le début de la saison culturelle… Sur les blogs et dans les journaux spécialisés, voici que fleurissent les sélections des « expositions de la rentrée ». Orion en aéroplane n’y coupe pas, voici la liste des événements que j’attends avec impatience pour la fin d’année 2013.

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La visite au musée : le provincial au Louvre en 1841

En attendant la nuit des musées ce week-end, Gallica vous propose une journée des musées à travers les nombreux documents numérisés disponibles sur la bibliothèque en ligne. Je profite de l’événement pour vous annoncer la création d’une nouvelle rubrique sur ce blog, intitulée « La visite au musée« . A la manière de ce que fait Virgile Septembre sur son excellent tumblr, cette nouvelle catégorie sera nourrie d’extraits littéraires, d’images anciennes et de divers documents mettant en scène les visiteurs des musées. Pour ce premier billet, nous suivons un provincial dans sa visite du Louvre en 1841.

Un provincial au Louvre en 1841. Extrait de la physiologie du provincial à Paris, pp. 67-71.

Physiologie du provincial à Paris, p.67« Il va sans dire que le provincial consacre une de ses premières expéditions à la visite du Musée, qu’il appelle et qu’il écrit: Musaeum, pour prouver qu’il a fait ses humanités. Il n’y va pas le dimanche; -car c’est bon pour le peuple, pour les Parisiens vulgaires. Lui, provincial, a des privilèges. Avec son passe-port, le Louvre lui est ouvert tous les jours. C’est là un des bénéfices, une des prérogatives de sa qualité, c’est un avantage qu’il possède sur les indigènes, et il en use avec une noble, une risible fierté.
Le moment où notre provincial visite les tableaux du Louvre, est l’heure matinale employée aux études classiques. Trente chevalets sont plantés dans la galerie. Des artistes des deux sexes se livrent à la copie des maîtres. Des demoiselles reproduisent l’académie pure sous l’oeil maternel. Les mamans tricotent en rêvant l’avenir raphaélique de leur fille. Les rapins vont choisir leurs modèles sous les corniches, et travaillent perchés au bout d’une échelle comme de simple peintres d’enseigne, se préparant ainsi peut-être à la haute mission que leur réserve l’avenir.
L’arrivée d’un oisif, d’un curieux, produit nécessairement un mouvement de distraction parmi les travailleurs. la tournure du provincial, son costume, produisent leur effet. On le lorgne en souriant, en ricanant. Sept ou huit copies de Rubens, de Rembrandt, de Léonard de Vinci sont momentanément abandonnées pour une mois grave composition. De caustiques crayons esquissent rapidement sur le papier une caricature, ou plutôt un portrait aussi ressemblant que s’il avait été procrée par l’opération du daguerréotype.
– Que signifie ceci? s’écrie le provincial, dont l’indiscrète curiosité s’est égarée par-dessus l’épaule d’un des dessinateurs.
– Vous le voyez bien, répond l’artiste sans se déconcerter.
physiologie du provincial à Paris, p.70-Je trouve cette plaisanterie assez déplacée! répond le provincial, mécontent de voir son image si peu flattée.
-Qu’appelez vous une plaisanterie! s’écrie l’artiste; rien n’est plus sérieux. Voici le fait: Je suis attaché au Journal des Modes, pour les gravures. L’apparition d’un dandy tel que vous, était une bonne fortune: je l’ai saisie. Votre élégant costume fera l’ornement du prochain numéro.
A
 ces mots, le provincial sourit, s’excuse, salue, remercie, se rengorge et s’éloigne en faisant la roue et en se disant:
– Voilà que je vais donner le ton aux merveilleux de Paris! je suis le type de l’élégance. »

Au Louvre, une spectaculaire opération de moulage du Milon de Crotone

Au Louvre, une spectaculaire opération de moulage du Milon de Crotone

Les visiteurs du Louvre avaient dernièrement un drôle de spectacle à admirer dans la cour Puget. Le chef d’œuvre du lieu, le Milon de Crotone, sculpté entre 1671 et 1683 par Pierre Puget était entouré d’une palissade. Les mezzanines alentours offraient une vue imprenable sur ce qui se passait derrière cet échafaudage. Autour du monumental bloc de marbre de Carrare, deux personnes en combinaison blanche s’activaient. Un spectacle assez rare qui se jouait : le moulage d’une œuvre pour en tirer des copies fidèles.

Moulage du Milon de Crotone au Louvre 1

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La visite au musée: le Louvre en 1953 imaginé par Albert Robida

Albert Robida, auteur d’anticipation génial et artiste rêveur, dont je vous reparlerai avec plaisir tant j’apprécie son oeuvre, a imaginé, en 1883, ce à quoi ressemblerait Paris en 1952. A la page 48 de son roman Le vingtième siècle, il emmène ses deux héroïnes, Hélène et Barnabette visiter le musée du Louvre. Plus de fatigue muséale pour nos deux jeunes filles puisqu’on parcourt désormais le musée en tramway pour une visite guidée d’une heure, avec audioguide s’il vous plait! Les grandes querelles sont passées et la photographie s’expose sur les cimaises. Et surtout, Robida imagine la reproduction à grande échelle et à faible coût des chefs-d’oeuvres de la peinture…

« Allons reposer un instant nos esprits dans le temple des Arts ! proposa Hélène en arrivant aux portes du Louvre.

— Voici le tramway circulaire, dit Barnabette; nous ferons à l’aise le voyage à travers les chefs-d’oeuvre… »

En effet, dernier progrès accompli par un ministre des Beaux-Arts ennemi de la routine, un charmant et élégant tramway, mû par l’électricité, court maintenant sur des rails à travers toutes les galeries du musée.

Partant toutes les heures de la galerie des Antiques, le tramway, après avoir traversé toutes les salles du rez-de-chaussée, monte par des pentes préparées au premier étage, commence par la galerie des Maîtres primitifs, arrive an grand salon de la Renaissance, parcourt les galeries des écoles Italienne, Espagnole, Hollandaise, Allemande, suit doucement et religieusement la grande galerie de l’école Française et bifurque ensuite pour monter, par une pente adoucie, au second étage, réservé à la peinture moderne.

Le tramway du musée du LouvreCe voyage à travers les Arts dure une heure à peine. En une heure, les visiteurs ont parcouru toute l’histoire des Beaux-Arts, depuis les superbes époques grecques et romaines jusqu’à la grande révolution des modernistes ou des photopeintres ; en une heure, le visiteur le plus ignorant peut, s’il a des yeux et des oreilles, en savoir presque autant que le critique le plus transcendental.

Les jeunes demoiselles entreprirent avec délices ce pèlerinage artistique. L’effort est inutile et la fatigue supprimée, le tramway est bien suspendu et les coussins fort moelleux invitent au repos. Il suffit de regarder et d’écouter; on n’a pas besoin de livret, car en passant devant chaque tableau le tramway presse un bouton et instantanément un phonographe donne le nom du peintre, le titre du tableau ainsi qu’une courte mais substantielle notice.

« Raphaël. Sujet religieux. La Vierge dite la Belle Jardinière. — La Fornarina posa, dit-on, pour la figure de la Vierge. Le calme et la sérénité des oeuvres de Raphaël sont tout à l’éloge de cette jeune personne.

« Tiziano Vecellio. Sujet intime. La Maîtresse du Titien. Le Titien a réhabilité les rousses. Cette bonne action a été récompensée : l’illustre peintre vécut jusqu’à quatre-vingt-dix-neuf ans.

« Le Corrège. Sujet léger. Antiope. Le Corrège est un peintre vaporeux, etc., etc. »

Dans le grand salon carré, le tramway fait une station de huit minutes pour permettre d’étudier consciencieusement les oeuvres des artistes géants de la Renaissance.

 La grande galerie était pleine d’étudiants en peinture et de photopeintres; partout des objectifs étaient braqués pour reproduire les tableaux célèbres sur toile sensibilisée.

Les progrès de la science ont permis de supprimer à peu près complètement l’usage de la palette et du pinceau. Sauf quelques retardataires obstinés, les peintres ou plutôt les photopeintres collaborent avec là lumière électrique ou solaire ; ils obtiennent ainsi presque instantanément de véritables merveilles en photopeinture sur toile, carton, bois ou peau d’âne; des reproductions fidèles, soit de tableaux célèbres, soit de modèles vivants habilement groupés.

Grâce à cette rapidité d’exécution, une toile comme les Noces de Cana, dont l’original, entre parenthèses, a dû demander un temps prodigieux à Paolo Caliari dit Véronèse, — reproduite en grandeur de modèle, peut être livrée au public pour la faible somme de 99 fr. 95 ! C’est l’art à la portée de toutes les bourses. Quel est le petit rentier, le capitaliste minuscule qui, pour la faible somme de 99 fr. 95, se refusera les exquises jouissances d’un tête-à-tête perpétuel avec le chef-d’oeuvre de Véronèse? La question de grandeur du chef-d’oeuvre ne fait rien à l’affaire, puisque les personnes habitant Un local trop étroit peuvent se faire livrer les Noces de Cana non encadrées — moyennant rabais bien entendu — et les faire coller sur leurs lambris, à la place d’un vulgaire papier de tenture sans valeur artistique. 

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Lorsque, il y a déjà  longtemps, l’invention de la photopeinture, exploitée en secret par quelques artistes, tomba dans le domaine public, l’État comprit vite la portée de l’invention et l’importance de la révolution artistique qui allait en découler.

Loin de prendre parti pour les artistes rétrogrades, acharnés défenseurs des vieux et naïfs procédés de Raphaël et de Rubens, — l’Etat aborda franchement la grande réforme de l’enseignement artistique. La vieille école des Beaux-Arts, regardée comme l’asile des antiques préjugés, fut supprimée et, à sa place, l’État fonda sur des bases nouvelles et scientifiques, à côté des Facultés de droit et de médecine, une troisième Faculté, la Faculté de peinture et de sculpture, qui eut pour mission de lancer la jeunesse artistique dans la voie de l’art nouveau.

L’antique constitution du quartier universitaire s’enrichit d’un élément nouveau : à côté de l’étudiant en droit et de l’étudiant en médecine parut l’étudiant en photopeinture ou en galvanosculpture. De tous côtés accoururent en foule au pays latin, les jeunes gens que les familles bourgeoises, moins éprises qu’autrefois du titre de docteur ou d’avocat, destinaient au métier de photopeintres ou d’ingénieurs en sculpture.

Quant au progrès réalisé, les ombres de Rubens, de Rembrandt -ou de Michel-Angé, si on pouvait les convier à une promenade aux expositions, l’attesteraient par une stupéfaction respectueuse. — Gloire à l’art moderne, scientifique, puissant et génial !

Agréablement bercées par le tramway dans leur excursion à travers les richesses artistiques du Louvre, Barbe et Barnabette s’endormirent presque. Un coup de sifflet les tira brusquement de ce délicieux engourdissement; le tramway virait sur une plaque tournante pour reprendre sa promenade en sens inverse.

C’était assez pour un jour; les jeunes filles descendirent du tramway et quittèrent le Louvre.

La visite au musée: la solution des visiteurs en cage

La visite au musée: la solution des visiteurs en cage

En 1911, suite au vol de la Joconde, certains caricaturistes proposent des solutions des plus innovantes pour éviter les dégradations et cambriolages…

Visiteurs cage Louvre vol Joconde

Illustration parue dans le n°573 du périodique Le Frou-Frou, 8 octobre 1911 et évidemment disponible sur Gallica.

On remarque que cette pratique solution offre aux gardiens la possibilité de roupiller sans gêne. 

J’avoue que ce billet était à la base le recyclage d’un des premiers tweet à succès de mon alors tout jeune compte twitter, heureusement grâce aux merveilles de Gallica, je lui adjoins une touche fraîche avec une anecdote croustillante extraite du Frou-Frou n° 572 (1er octobre 1911).

Vol de la joconde

Louis Béroud, les joies de l’inondation (dans la Galerie Médicis)

Louis Béroud, les joies de l’inondation (dans la Galerie Médicis)

Le nom de Louis Béroud est souvent associé à celui du vol de la Joconde. C’est en effet ce peintre, copiste au Louvre, qui a signalé aux gardiens l’absence des cimaises de Mona Lisa, au matin du 22 août 1911.

Louis Béroud, les joies de l'inondation (galerie Médicis), 1910, collection Iris & B. Gerald Cantor

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