Après vous avoir entretenu des estampes au Salon du livre rare, il est temps de vous parler de bibliophilie. Un gros morceau, puisque le salon compte près de 150 stands de libraires et que ces derniers réservent évidemment leurs plus remarquables pièces pour l’événement.
Stand de la librairie Eppe Frères au Salon du Livre rare 2018
Les hasards de la vie sont parfois surprenants : vendredi soir, en sortant d’une formation sur l’estampe que je donnais à Merideck (Mediaquitaine) avec Astrid Mallick, nous avons traversé un marché d’antiquités brocante bordelais. Je prêtais un oeil bien distrait jusqu’à ce qu’une plaque de métal brillant attire mon regard : « oh, une matrice d’estampe ! ». Après quelques jours d’hésitation, la plaque en question a rejoint ma collection personnelle, d’une part parce qu’elle illustre une technique (le burin mêlé à l’eau-forte) dont je n’avais jusqu’ici aucun témoignage parmi mes matrices, mais surtout parce qu’elle restait à identifier précisément… Voilà de quoi alimenter une nouvelle enquête sur ce blog !
Une nouvelle matrice gravée dans ma collection
Du premier coup d’oeil, avant même de m’approcher de l’objet, une certitude : nous avons là une gravure d’interprétation de la fin du XVIIe siècle ou du début du XVIIIe. Une gravure d’interprétation, c’est-à-dire une estampe réalisée d’après un modèle, le plus souvent peint. Tout l’art du graveur d’interprétation consiste à traduire les qualités picturales de l’original au moyen du vocabulaire graphique propre à l’estampe, fait de tailles et contre-tailles.Lire la suite →
En février dernier, je publiais un billet sur une matrice conservée au musée d’Abbeville, qu’en vue d’une conférence, il avait fallu documenter et identifier. Avec la conservatrice de l’établissement, Agathe Jagerschmidt, nous l’avions sans trop de difficultés identifiée comme une estampe du XIXe siècle réalisée par le graveur Émile Rousseau d’après un modèle du XVIIe siècle, probablement dans le cadre de sa préparation au Prix de Rome, vers 1850-1852. Vous pensiez l’enquête terminée ? Moi aussi… mais il y a eu quelques rebondissements ! Et pas des moindres.
Emile Rousseau, étude, milieu XIXe siècle, cuivre gravé, Musée Boucher de Perthes, Abbeville
Entre le jour où Agathe Jagerschmidt m’a montré la matrice et le moment où nous avons pu, conjointement, trouver le nom du graveur, Émile Rousseau, il s’est écoulé quelques jours.
Nous avions prévu que je revienne, début octobre, afin de consulter la documentation sur Rousseau et de feuilleter ses autres oeuvres, gravées ou dessinées, que le musée conserve. Mais faute de train entre Paris et Amiens le jour prévu, mon voyage était tombé à l’eau. J’avais donc concentré mes recherches sur d’autres problématiques : l’identification du sujet gravé, la pratique du burin au XIXe siècle…
Le jour de ma conférence, je suis arrivée six heures en avance afin de boucler in extremis mon texte et rechercher dans les réserves d’autres oeuvres de Rousseau… Et j’en ai fait, des découvertes ! Lire la suite →
En septembre dernier, de passage à Abbeville, la directrice du musée Boucher-de-Perthes m’a présenté quatre matrices d’estampe récemment découvertes dans leurs réserves afin que j’en choisisse une pour « l’œuvre du mois ». Des trois cuivres gravés et de la xylographie populaire qu’elle m’a proposés, j’ai sélectionné la planche la mieux conservée et la plus mystérieuse : un grand cuivre apparemment inachevé, où figurent un homme nu allongé, un lion, trois mulots et un melon. L’identifier a été une aventure pleine de rebondissements, que je raconterai lors d’une conférence à la bibliothèque d’Emonville le vendredi 12 février. Mais pour ceux qui n’auront pas l’occasion d’assister à cette rencontre, je vous propose une transcription libre et condensée de ma conférence !
Emile Rousseau, étude, milieu XIXe siècle, cuivre gravé, Musée Boucher de Perthes, Abbeville
Il y a toujours quelque chose de fascinant à observer lorsqu’on passe dans les locaux des ateliers d’art de la Réunion des Musées Nationaux (RMN). Lors de ma dernière visite, quelques jours avant Noël, je rencontre Lucile Vanstaevel, jeune imprimeur d’art anciennement apprentie et employée depuis quelques mois à la Chalcographie du Louvre. Elle tirait une planche figurant les ponts de Paris, gravée vers 1910 par Caroline-Helena Armington (1875-1939). L’occasion de décrire le savoir-faire perpétué ici, ou « comment imprime-t-on des matrices anciennes ? ».
L’œuvre de Gustave Doré est foisonnante : des milliers d’illustrations contenues dans les pages de monumentaux ouvrages, accompagnant les textes de Cervantes, Rabelais, La Fontaine… Paradoxalement, peu de dessins préparatoires subsistent de ces gravures. Et pour cause : le multiple que nous admirons est né de la destruction de l’œuvre originale.
Gustave Doré et Héliodore Pisan, « Et on acheva de laver Don Quichotte », matrice inachevée (gouache sur bois), vers 1860, BnF, réserve du département des Estampes et de la photographie (détail)
Il y a presque deux ans (déjà !) je recevais à Noël un lot de matrices anciennes sans aucune indication sur leur provenance. Je m’étais lancée dans l’identification de ces cuivres, avec la volonté de diffuser sur le blog les étapes de ma recherche. Malheureusement, je n’ai jamais eu le temps d’écrire la suite du premier épisode, bien que mon enquête ait progressé. Presque deux ans plus tard, je vous livre donc l’identification des trois premières matrices, en espérant dévoiler la suite dans des délais plus raisonnables !
Daniel Chodowiecki, La danse, détail de la matrice, 1780.
Une image peut en cacher une autre, ou comment les éditeurs d’estampes ‘actualisaient’ leurs fonds…
Petit imprimeur d’imagerie populaire installé à Nancy, François Desfeuilles décide d’éditer un portrait du souverain en place. Son jeune collaborateur, le graveur Jean-Baptiste Thiébault réalise une estampe représentant Charles X, laquelle est déposée par Desfeuilles le 31 mai 1830. Manque de bol pour notre éditeur, la révolution de Juillet intervient. Charles X abdique le 2 août, et, sept jours plus tard, Louis-Philippe est intronisé roi des Français.
Jean-Baptiste Thiébault, Louis-Philippe Ier, roi des Français, 1830, xylographie, ed. Desfeuilles, Nancy (BnF, estampes)
Que faire du portrait d’un souverain qui n’est plus roi de rien ? Il n’y a plus d’acheteurs pour cette image tandis que la demande risque d’être forte pour le portrait du nouveau roi des Français, Louis-Philippe. Desfeuilles ne veut pas rater cette mane, d’autant que le contexte est devenu difficile pour sa fabrique : depuis quelques années, il est concurrencé par deux autres éditeurs qui se sont installés à Nancy et qui publient, comme lui, des images populaires. Desfeuilles veut donc être le premier à commercialiser le portrait de Louis-Philippe pour leur couper l’herbe sous le pied!
J’ai reçu à Noël un original cadeau : un lot d’une quinzaine de matrices d’estampes (plaques de cuivres) achetées par mon grand-père lors d’une brocante. Mon sujet de mémoire à l’Ecole du Louvre étant la conservation des matrices d’estampe dans les collections françaises, un tel cadeau ne pouvait pas mieux tomber !
[ill. 1] : Petit cuivre XVIIIe et son tirage en bistre
Plus que de posséder ces matrices, c’est l’enquête qui leur est associée qui m’amuse, car de ces cuivres je ne sais rien : ni leur auteur, ni leur histoire matérielle, ni leur provenance… Il va falloir trouver des indices, remonter des pistes pour connaître leur histoire :
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