À quelques kilomètres de Compiègne, sur un promontoire, se dresse le château de Pierrefonds. Un monument à l’histoire fascinante et rocambolesque : forteresse médiévale réputée imprenable, détruite au début du XVIIe siècle sur ordre du cardinal de Richelieu, ruine romantique qui a inspiré une génération d’artistes, puis résidence de plaisir de Napoléon III qui le fit restaurer et compléter par Viollet-Le-Duc. Aujourd’hui, le paisible château, plus bel exemple du Moyen Âge tel que rêvé par le XIXe siècle, conserve les souvenirs des fêtes impériales. C’est cette destinée fantasque que je vais vous conter.
Le château de Pierrefonds, vu depuis la ville : une première apparition féerique !
Une fois par an, je vais au Havre, pour voir l’exposition estivale du MuMa. Je retrouve toujours avec le même plaisir ce musée calme et baigné de lumière, qui abrite une fabuleuse collection de paysages impressionnistes. J’aime le rythme des immeubles du centre reconstruit, les reflets roses du béton, si subtils. Côté mer, je ne me lasse pas du ballet lent des cargos, monuments de ferraille qui glissent dans le port, tels des géants entrant dans un chas d’aiguille.
Entrée du port du Havre, malheureusement, ce dimanche, il n’y avait pas beaucoup de bateaux…
Est-ce un musée qui s’éteint ? On en sait peu sur l’avenir de la collection de moulages de l’université Lyon 2, en cours de déménagement pour une destination inconnue. C’est pourtant un patrimoine dont l’université devrait s’enorgueillir tant il est précieux et rare. Au XIXe siècle, de telles collections de plâtres étaient répandues. Chaque école et université se devait de posséder la sienne, qu’elle enseigne les beaux-arts ou l’archéologie : le moulage de l’antique comme modèle parfait pour le dessin académique, étape incontournable avant d’accéder au modèle vivant ; la copie en trois dimensions comme substitut de l’oeuvre dans l’écriture d’une histoire de l’art, l’expérience à grandeur nature pour former l’oeil du connaisseur. Deux approches du moulages pour l’enseignement qui se mêlaient parfois, comme à l’École des Beaux-Arts de Paris.
Musée des Moulages de l’université Lumières Lyon 2, en 2012
Début d’été, il fait beaucoup trop chaud à Paris : le jour, je me réfugie dans la fraîcheur des bibliothèques, le soir je profite de celle des musées. Le jeudi soir, c’est le musée d’Orsay qui fait nocturne. D’habitude, j’aime déambuler dans le hall et les espaces adjacents, mais ce soir, exceptionnellement, ce sont les impressionnistes que je veux voir. Cela fait plusieurs semaines que je travaille sur Pissarro et Sisley et je ressens le besoin d’être face à leurs œuvres. D’habitude la galerie des impressionnistes est noire de monde, mais en nocturne l’ambiance au cinquième étage est toujours un peu plus calme. Je sais que je ne verrai pas lesraboteurs de parquet de Caillebotte, une de mes œuvres préférées, partie en voyage aux États-Unis pour quelques mois : elle reviendra en octobre, pour mon anniversaire.
La galerie des impressionnistes quelques instants avant la fermeture du Musée d’Orsay
La galerie du cinquième étage, c’est un cours d’histoire de l’impressionnisme mis sur les murs. Tout y est : les signatures prestigieuses, la touche claire, les portraits des personnalités clés, les paysages champêtres, la vie moderne… Mais ce soir, je n’ai pas envie de lire linéairement mon cours d’histoire de l’art, de chef-d’œuvre en chef-d’œuvre, mais plutôt de déambuler sans autre guide que la sensibilité et la sérendipité : voyageons de fenêtres ouvertes en souvenirs. Lire la suite →
Il y a deux semaines, l’École des Beaux-Arts ouvrait ses portes pour fêter la fin de l’année et les nouveaux diplômés. Un moment particulier de l’École où, dans une ambiance joyeuse et foutraque, les ateliers — exceptionnellement rangés — s’ouvrent à tous les vents et les joyaux patrimoniaux, jalousement gardés, se dévoilent aux yeux des curieux.
Une année de plus, je quitte Paris précisément ce week-end-là. Mais cette année, exceptionnellement, les portes ouvertes s’étalent sur quatre jours : juste ce qu’il faut pour que j’y passe en coup de vent.
Atelier de fresque à l’Ecole des Beaux-Arts
Revenir à l’École des Beaux-Arts, c’est toujours un moment d’émotion pour moi. J’ai passé des heures à la bibliothèque, à éplucher les inventaires et les registres, pour reconstituer l’histoire d’une collection d’images. La création de la bibliothèque au XIXe siècle et le rôle des images dans celle-ci, tel était mon sujet de mémoire. Plus tard, pendant quelques mois, j’y ai travaillé. Avec la conservatrice de l’époque, je classais des centaines d’estampes, entassées là au début du XXe siècle et que personne n’avait jamais vraiment rangées. C’est ainsi que nous avions découvert, entre deux chromolithographies, une quarantaine d’affiches de mai 68. Partout l’École transpire l’histoire. Lire la suite →
Il y a quelques jours, j’ai effectué ma première sortie cyclotouristique en Île-de-France, renouant avec une tradition familiale que j’avais abandonnée depuis mon installation à Paris. Pour cette première donc, nous avions un objectif, aller voir Moret-sur-Loing, ce village médiéval que Sisley a beaucoup peint à la fin de sa vie.
Sisley, Moret-sur-Loing, la porte de Bourgogne, 1891, collection privée
Il semblerait presque qu’une invention de Jules Verne ait envahi une vue gravée de Paris comme en produisaient de nombreux aquafortistes de la seconde moitié du XIXe siècle. Nous sommes à l’extrémité nord de la place de la Concorde. La façade latérale du ministère de la Marine se dresse, massive, à notre gauche. Le ciel est dégagé, le temps clair. Mais la foule s’agite : tous ont les yeux braqués vers le ciel. Les chevaux de la garde s’affolent tandis que des coups de fusil détonnent. On tire en l’air. Dans le ciel a surgi un étrange cortège d’êtres volants : entouré d’un escadron de poissons, un char tiré par sept chevaux survole Paris. À ses côtés vogue une pirogue mue par des ailes.
Vision fantasmagorique d’un Paris envahi de créatures étranges, cette estampe est l’œuvre d’un graveur fameux et torturé, Charles Meryon, figure emblématique et singulière, qui illustre le renouveau de l’eau-forte au milieu du XIXe siècle.
Charles Meryon, Ministère de la Marine, eau-forte, 6ème état (détail) Gallica/BnF
En 1803, Louis-Pierre Baltard réalise une série de dessins au Palais du Louvre : à la sanguine, il reproduit les ornements sculptés des façades et des plafonds. Cette série de dessins, achetée par le collectionneur Destailleurs est aujourd’hui conservée à la Bibliothèque nationale de France et numérisée sur Gallica. Curieuse, j’ai profité d’un samedi après-midi pour marcher dans les pas de Baltard et retrouver les détails qu’il avait dessinés.
Baltard, Accumulation de détails de la salle des cariatides, dessin, 1803, Gallica/BnF
Monument de l’édition du XIXe siècle, incontournable entreprise de l’histoire patrimoniale française, les Voyages pittoresques et romantiques dans l’Ancienne France formaient jusqu’à récemment un ouvrage aussi inaccessible que célèbre. Lourds, peu maniables et extrêmement précieux, les dix-neuf tomes des Voyages, conservés avec soin dans les bibliothèques, ne se dévoilaient qu’aux yeux des spécialistes. Aujourd’hui, tout un chacun peut les feuilleter librement grâce à la campagne de numérisation menée par la Bibliothèque nationale de France. À la suite de l’exposition « La Fabrique du romantisme » au Musée de la Vie Romantique, je vous propose de découvrir quelques-unes des 3282 planches qui illustrent cette fabuleuse aventure éditoriale.
Fragonard, lithographié par Engelmann, Ruine du Palais de la Reine Blanche à Liry, Voyages (…), Ancienne Normandie, tome 2, 1824, Gallica/BnF
Les photographies de Girault de Prangey figurent parmi les plus anciennes que l’on connaisse de l’Orient. Parmi les plus côtés également… Pourtant, ce n’est que très tardivement qu’a été redécouverte cette figure singulière, aristocrate sans descendance, artiste érudit et aventurier. La Bibliothèque nationale de France possède une très belle collection de ses daguerréotypes que je vous invite à découvrir sur Gallica.
La vie de Joseph Philibert Girault de Prangey (1804-1892) est fascinante à bien des titres : artiste et érudit, il a été un des premiers photographes de l’Orient. Ses centaines de clichés ont traversé le XXe siècle dans le plus grand secret, avant d’être redécouverts à l’aube du XXIe siècle.
Girault de Prangey, Kaire, S. Kérabat, Coupole, daguérreotype, 1843, Gallica/BnF
L’œuvre de Gustave Doré est foisonnante : des milliers d’illustrations contenues dans les pages de monumentaux ouvrages, accompagnant les textes de Cervantes, Rabelais, La Fontaine… Paradoxalement, peu de dessins préparatoires subsistent de ces gravures. Et pour cause : le multiple que nous admirons est né de la destruction de l’œuvre originale.
Gustave Doré et Héliodore Pisan, « Et on acheva de laver Don Quichotte », matrice inachevée (gouache sur bois), vers 1860, BnF, réserve du département des Estampes et de la photographie (détail)
Le XIXe siècle a eu un goût marqué pour les prouesses techniques. Dans les arts décoratifs, les exemples en sont pléthoriques. Le musée du Louvre conserve ainsi un fabuleux déjeuner chinois réticulé, dit de Marie-Amélie qui témoigne des recherches de pointe menées à Sèvres sur la porcelaine sous la Monarchie de Juillet.
Manufacture de Sèvre, Déjeuner « chinois réticulé », 1840, porcelaine dure, musée du Louvre.
Près d’un siècle et demi après la Commune, les photographies des ruines laissées dans la capitale par ces événements continuent à fasciner. Elles dévoilent notre paysage parisien quotidien sous un jour étrange, presque inconcevable à nos yeux : des lambeaux fumants. Alors que l’histoire de la Commune est assez floue dans la mémoire collective, ces images nous frappent : quelles sont ces scènes apocalyptiques dans les rues de notre « ville-musée » que nous pensons immuable depuis Haussmann?
Rue de Rivoli, photographie anonyme, Paris incendie, 1871, Album historique, BNF/Gallica
Le long de la rivière du Cailly, à quelques kilomètres du centre-ville de Rouen, une vieille bâtisse du début du XIXe siècle abrite une ancienne manufacture transformée en musée industriel : la corderie Vallois. Un lieu vivant, où se raconte le passé industriel Seinomarin, dans le bruit assourdissant de quelques vaillantes tresseuses mécaniques encore en état de fonctionnement.
Corderie Vallois : tresseuses mécaniques, juillet 2014
A en observer le nombre de visites guidées proposées aux touristes dans l’East End, le Londres populaire de la fin XIXe siècle fait encore frissonner les imaginations : ruelles sombres de Whitechapel, ballets des dockers, crimes de Bricklane, misère des prostituées… Si le souvenir est fort, il faut se demander à quelles images se réfère notre mémoire collective. Quelques adaptations cinématographiques de Dickens, une vignette d’un journal de faits divers titrant en 1888 sur Jack l’Éventreur, et, surtout, des illustrations fascinantes de Gustave Doré. En effet, vers 1870, l’artiste, qui séjourne alors régulièrement à Londres, illustre l’un de ses chefs-d’oeuvre, London, a pilgrimage, qui va marquer la culture visuelle de toute une époque. Frappantes, ses images du petit peuple londonien sont-elles pour autant le reflet d’une réalité ? Ne témoignent-elles pas plutôt de la vision fantasmée d’un illustrateur poète à l’imagination débordante?
Gustave Doré, Over London by rail, planche pour London, a pilgrimage, 1872, BnF/Gallica
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