25 octobre 1836, le jour où l’obélisque se dressa dans le ciel parisien

25 octobre 1836, le jour où l’obélisque se dressa dans le ciel parisien

Suite et fin de notre triptyque consacré à l’histoire de la place de la Concorde à l’occasion de l’exposition du musée de la Marine. Après vous avoir raconté la création de la place Louis XV au XVIIIe siècle et l’épique voyage de l’obélisque, il me reste à vous relater le spectacle extraordinaire qui se déroula sous les yeux de 200 000 spectateurs, le 25 octobre 1836 : l’antique monument se dressant lentement dans le ciel parisien! 

Cayrac, Erection de l'Obélisque en 1836, aquarelle, 1837, Musée de la Marine
Cayrac, Erection de l’obélisque en 1836, aquarelle, 1837, Musée de la Marine

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De Louxor à Paris, la fabuleuse épopée de l’obélisque

De Louxor à Paris, la fabuleuse épopée de l’obélisque

En 1829, l’Egypte offre à la France un cadeau d’envergure : les deux obélisques du temple de Louxor. Un présent légèrement encombrant : deux colosses d’une vingtaine de mètres pesant 230 tonnes pièce! Le voyage de l’un des obélisque jusqu’à Paris est une aventure pleine de rebondissement.

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Ce billet est le second volet d’un triptyque de trois articles accompagnant l’exposition « Le voyage de l’obélisque«  présentée jusqu’au 6 juillet 2014 au Musée de la Marine. Si vous avez raté le premier épisode, celui de l’histoire de la place Louis XV avant l’arrivée de l’obélisque, vous pouvez le lire ici.

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Arpenter le chantier de la Tour Eiffel

Arpenter le chantier de la Tour Eiffel

Il y a quelques jours, nous fêtions l’anniversaire de la Tour Eiffel. De sa construction nous avons tous en tête trois ou quatre clichés alignés sur une même carte postale : une succession de vues frontales d’un chantier en cours, et une silhouette qui s’élève sur le ciel blanc. D’autres images, bien moins connues, existent et racontent plus intimement cette extraordinaire aventure technique.

Durandelle, 14 janvier 1888, Vue prise des chantiers prise de la 1ère plate-forme : l'échafaudage , photographie, fonds Eiffel, musée d'Orsay/RMN
Durandelle, 14 janvier 1888, Vue prise des chantiers prise de la 1ère plate-forme : l’échafaudage , photographie, fonds Eiffel, musée d’Orsay/RMN

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Louis-Emile Durandelle, le photographe et les architectes

Louis-Emile Durandelle, le photographe et les architectes

De la photographie française de la seconde moitié du XIXe siècle, nous regardons souvent les clichés du « Paris qui s’en va ». Avec une pointe de nostalgie, nous admirons les rues d’une vieille ville en sursis, immortalisées par Marville ou Atget alors que progressaient les pioches des démolisseurs. Il est en revanche moins fréquent que nous nous penchions sur l’autre visage de cette même ville, celui du « Paris qui s’en vient »,  avec ses colossaux chantiers de construction. Pourtant, ce Paris-là a également été photographié à mesure qu’il s’élaborait. Peut-être est-ce que la démolition est toujours plus éminemment romantique que la construction… 

Jusqu’à la fin avril 2014, une exposition présentée à la Bibliothèque des Arts Décoratifs propose de redécouvrir quelques facettes de l’œuvre de Louis Emile Durandelle. Spécialisé dans la photographie d’architecture, il a immortalisé les travaux de construction du Sacré Cœur, de l’Opéra et de la Tour Eiffel, mais aussi ceux de restaurations de quelques sites anciens, tels le Mont Saint-Michel.

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Le diorama de Daguerre

Le diorama de Daguerre

Alors que la postérité a retenu Daguerre comme « inventeur » – du moins révélateur – de la photographie, un autre aspect de sa carrière – et non des moindres – est tombé dans l’oubli: celle de créateur du diorama, l’un des spectacles d’illusion les plus prisés du XIXe siècle. Plusieurs documents disponibles sur Gallica éclairent cette aventure.

Marlet, Le Dyorama... port de Boulogne, lithographie, s. d., coll. George Eastman House, Rochester
Marlet, Le Dyorama… port de Boulogne, lithographie, s. d., coll. George Eastman House, Rochester

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Avant le périph’, la zone et les fortifs’

Avant le périph’, la zone et les fortifs’

Le boulevard périphérique ceinture fermement le Paris d’aujourd’hui. Mais qu’en était-il hier? Les abords de la capitale ont maintes fois changé de visage au cours de l’histoire. A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, la « Zone » entourait la capitale. Cette bande de terrains vagues précédait l’enceinte défensive érigée par Thiers. Décrétée inconstructible, elle est pourtant rapidement devenue le refuge d’une population aussi miséreuse que nombreuse. Inquiétant le bourgeois, préoccupant le politique, la Zone est aujourd’hui associée au mythe des bas-fonds parisiens. Les photographies qu’en firent Atget et les employés des agences Rol et Meurisse témoignent de la réalité sociale malheureuse.

Agence Rol, Zoniers d'ivry, 1913, Gallica
Agence Rol, Zoniers d’ivry, 1913, Gallica

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Vues panoramiques sur Istanbul (1875-1895)

Vues panoramiques sur Istanbul (1875-1895)

Aujourd’hui, notre aéroplane se pose à Istanbul pour une exploration de la ville à la fin du XIXe siècle. Le support de notre voyage immobile consiste en deux vues panoramiques de la ville, saisies depuis la tour de Galata à vingt ans d’intervalle par les photographes Mihran Iranian et Pascal Sebah. Ces clichés témoignent de l’évolution urbaine de la capitale turque durant le dernier quart du XIXe siècle. Par leur qualité exceptionnelle, ces photographies sont également le reflet du dynamisme de l’industrie photographique en Orient à la même période.

Pascal Sebah, Panorama de Constantinople pris de la tour de Galata, 1875, INHA
Pascal Sebah, Panorama de Constantinople pris de la tour de Galata, 1875, INHA (détail)

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Mata Hari, courtisane, danseuse exotique et espionne

Mata Hari, courtisane, danseuse exotique et espionne

Le nom de Mata Hari évoque encore aujourd’hui le mystère, l’exotisme et l’érotisme. Sa vie a été dissolue et romanesque : prostituée, courtisane, danseuse et espionne, elle n’a cessé de changer de masque, brodant son passé de mille petits mensonges, qui, s’ils ont participé à la construction de son mythe ont également conduit à sa tragique perte. 

Mata Hari, tome 39, vue 6
Albums Reutlinger, Mata Hari, tome 39, vue 6, Gallica/BnF

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La cocotte et le couturier : la demi-mondaine comme lanceuse de mode

La cocotte et le couturier : la demi-mondaine comme lanceuse de mode

Les demi-mondaines qui apparaissent dans les albums Reutlinger sont souvent des femmes de spectacle. Pourtant, au fil des pages, elles posent plus souvent dans leur toilette de ville ou de soirée que parées de leur costume de scène. Rivalisant d’audace pour être toujours au centre de l’attention, les demi-mondaines ont été pour les maisons de coutures des ambassadrices de choix et de très efficaces lanceuses de tendances. Qu’il s’agisse de diffuser la beauté de ces femmes ou des tenues qu’elles portaient, la photographie a été le plus efficace outil que l’on puisse imaginer.

Gipsy,  album Reutlinger, tome 61, vue 38, Gallica
Gipsy, album Reutlinger, tome 61, vue 38, Gallica

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Cléo de Mérode

Cléo de Mérode

Elle est l’une des icônes de la décennie 1890, une beauté au visage éternellement juvénile et virginal… Cléo de Mérode est certainement aujourd’hui encore la plus célèbre des modèles de la maison Reutlinger. Ce sont d’ailleurs les clichés réalisés par Léopold Reutlinger qui ont le plus efficacement véhiculé l’image de cette mystérieuse courtisane.

Regard Cléo de Mérode Reutlinger
Reutlinger, Cléo de Mérode (détail), photographie, Gallica/BnF

Le cas de Cléo de Mérode est passionnant à double titre. D’une part, elle fut l’une des plus singulières « cocottes » de la fin de siècle, dont la vie privée, jalousement préservée, suscite encore d’intenses interrogations. D’autre part, son rapport très particulier à la photographie en fait l’une des premières icônes modernes. Contrairement à la plupart des autres femmes du monde de son temps, elle ne se prête pas passivement au jeu de la photographie mais habite avec force un personnage qu’elle a patiemment construit et mis en scène.

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15.360 clichés des demi-mondaines à découvrir sur Gallica, les albums Reutlinger numérisés

15.360 clichés des demi-mondaines à découvrir sur Gallica, les albums Reutlinger numérisés

Depuis quelques semaines, les Gallicanautes peuvent découvrir en ligne la soixantaine d’albums de Léopold Reutlinger que le département des Estampes et de la photographie de la BnF conserve. Près de 15 360 clichés, réalisés entre 1875 et 1917 qui figurent tout ce que Paris compte de cocottes, demi-mondaines et actrices. C’est pour marquer l’arrivée de ce nouveau corpus sur Gallica que j’ai décidé de publier une série de billets donnant un aperçu de sa richesse. Pour ce premier numéro, il s’agit de présenter la maison Reutlinger.

Photographie de Mata Hari par Reutlinger
Reutlinger, Mata Hari, (tome 39, vue 6), photographie, Gallica/BnF

Nadar, Reutlinger, Disderi, voici le nom des studios où il était de bon ton de se faire photographier. Si le studio de Nadar était plutôt spécialisé dans le gotha intellectuel, la maison Reutlinger comptait dans sa clientèle une myriade d’actrices, artistes de scène, chanteuses de music-hall et autres cocottes.

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Mes expositions de la rentrée

Mes expositions de la rentrée

Septembre, la rentrée littéraire, le début de la saison culturelle… Sur les blogs et dans les journaux spécialisés, voici que fleurissent les sélections des « expositions de la rentrée ». Orion en aéroplane n’y coupe pas, voici la liste des événements que j’attends avec impatience pour la fin d’année 2013.

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Gallica insolite: Petit traité des fraudes alimentaires

Gallica insolite: Petit traité des fraudes alimentaires

 Si vous avez assez mal vécu l’idée d’avoir mangé du cheval dans vos lasagnes, soyez rassurés, on a fait, par le passé, bien pire en matière de fraudes alimentaires. Âmes sensibles s’abstenir, ce qui suit pourrait se révéler peu soutenable.

Pierre Delcourt (1852-1931), journaliste et écrivain, passionné par l’histoire du commerce (il a donné à la BnF une surprenante collection de prospectus offrant un panorama du commerce parisien pour la dernière décennie du XIXe siècle), a publié en 1888 un livre intitulé « ce qu’on mange à Paris ». Bien loin de ce que j’avais imaginé en l’ouvrant, il ne s’agit pas d’un guide de meilleures tables de la capitale mais d’une longue liste des fraudes alimentaires observées à Paris.

Agence meurisse, Boucherie témoin application des barèmes de la préfecture, 1927, Gallica/BnF
Agence meurisse, Boucherie témoin application des barèmes de la préfecture, 1927, Gallica/BnF

BONBONS : La chimie vient puissamment en aide aux confiseurs pour la manipulation de leurs sucreries. C’est ainsi que les dragées sont confectionnées avec de vieilles amandes rancies, recouvertes d’une composition dans laquelle le sucre se mêle, pour une faible part, à l’amidon, au plâtre blanc ou l’argile blanche. (…) Certains pâtissiers font usage d’amandes amères pour mieux faire lever la pâte, et colorent leur marchandise avec du chromate de plomb. D’autres, dans la confection du pain d’épice, mêlent savamment la potasse ou le savon à la farine, ce qui constitue un mélange assez bizarre dont on se régale néanmoins pour la modique somme de dix centimes.

CHARCUTERIE : S’imagine-t-on qu’on vend actuellement à  Paris plus d’un million de kilogrammes de charcuteries? Aussi les rebuts de tout ordre vont-ils se fondre dans l’immense creuset où se manipule une aussi gigantesque production alimentaire.
Point de viandes gâtées en charcuterie ; le feu les purifie! Là, un touchant éclectisme réunit les productions les plus hybrides : le cheval se transforme en porc, pour la confection des pâtés, des saucissons et des saucisses

Ainsi, pendant 200 pages, Pierre Delcourt dénonce les abus d’une industrie alimentaire naissante. Horrifiée par cette lecture, je me suis demandé en quelle mesure l’auteur avait exagéré la situation. S’il est difficile pour nous de prendre au pied de la lettre les énumérations de Delcourt, quelques ouvrages ont confirmé certains abus évoqué par l’auteur. Ainsi, il semble établit que la poudre de cuivre était employée pour colorer les légumes tandis que le lait pouvait être allongé d’une eau (sale et) farineuse. Quand au plâtre, il entrait dans la composition d’un certain nombre de denrées.

Un fléau du XIXe siècle : la fraude alimentaire, tromperies et falsifications en tous genres

Au XIXe siècle, le frelatage alimentaire atteint son paroxysme. Les mutations rapides de la société, au premier rang desquels l’urbanisation massive, ont entrainé une industrialisation fulgurante mais non contrôlée du circuit de production et de distribution alimentaire. Profitant de l’ignorance des consommateurs et de l’inefficacité des cadres juridiques, les producteurs et commerçants s’adonnent, dans les fabriques à l’abri des regards et dans l’intimité des arrières boutiques, à des pratiques peu avouables.

« La falsification des denrées est devenue un art véritable qui nous fait consommer chaque jour du café de chicorée, du beurre de margarine, du vin fait sans raisin, et du lait sans vache ni chèvre. »

Gide Charles, « La guerre entre commerçants et coopérateurs et l’évolution commerciale. Conférence pour la Société coopérative ». La Coopération, 17 février 1900

Agence Rol, La vie chère à Paris [étal du commerce alimentaire Alexandre, 79 boulevard de Magenta, 10e arrondissement, Gallica/BnF
Agence Rol, La vie chère à Paris [étal du commerce alimentaire Alexandre, 79 boulevard de Magenta, 10e arrondissement, Gallica/BnF

On distingue deux types de fraudes : la tromperie et la falsification. La première consiste à faire croire que « le produit est, par sa nature, ses qualités, son origine ou sa quantité différente de ce qu’elle est en réalité ». En vrac, vous pouvez vendre 900 grammes là où vous annoncez 1kg, positionner de beaux grains sur le haut d’un sac contenant un mauvais blé, offrir une piquette comme un vin de premier choix, annoncer de la viande de cheval pour de la viande de porc… (et oui, déjà !). Le second type de fraude, la falsification, consiste à « additionner un corps différent et de moindre valeur à la denrée ». Là, tout est permis ! Pas de gâchis !

CHICOREE (…) La poussière de semoule et les débris de vermicelle, colorés, sont aussi transformés en excellente chicorée ; Le noir animal épuisé la remplace parfois fort avantageusement ; on y joint alors une faible partie de poudre de la plante ; La poudre de chicorée allongée de sable et de brique rouge pulvérisée, va quelquefois donner du ton aux cafés parisiens;

Le Traité des fraudes en matière de marchandises, tromperies, falsifications et de leur poursuite en justice, publié par Charles Million en 1858, regorge de belles trouvailles d’ingénieux faiseurs d’argent peu scrupuleux de santé publique !

Agence Rol, La vie chère à Paris [devant une épicerie], 1918, Gallica/BnF
Agence Rol, La vie chère à Paris [devant une épicerie], 1918, Gallica/BnF

La naissance d’un contrôle

Au début du XIXe siècle, l’Etat n’est que peu engagé dans le contrôle des denrées : on pense alors que le jeu de l’offre et de la demande suffira à l’autorégulation du marché. [On a depuis prouvé que cet état des choses ne favorisait pas la bonification de l’offre, bien au contraire que « le mauvais produit chassait le bon »].

Face aux scandales, une première loi, promulguée le 27 mars 1851, réprime les tromperies et falsifications des marchandises alimentaires. Cependant, faute d’outils de contrôle efficace, cette première législation ne suffit pas à endiguer le problème. De même, si la loi du 21 juillet 1881 instaure un contrôle sanitaire des animaux, ce ne sont finalement que les initiatives isolées de contrôle de certaines municipalités qui permettent des améliorations locales de l’offre.

Bien que dans le dernier quart du XIXe siècle, de plus en plus de personnes, telles Charles Gide, leader du mouvement coopératif ou notre Pierre Delcourt cherchent à alerter l’opinion publique, de vraies solutions ne seront mises en place au niveau national que dans les années 1910. Face aux impératifs économiques d’une bonne image des produits français sur le marché international et aux soucis sanitaires du courant hygiéniste, une loi est promulguée le 1er aout 1905. Il s’agit désormais non seulement réprimer, mais également de prévenir les tromperies et falsification en organisant le dépistage des fraudes. Et au vu de notre actualité, le combat n’est toujours pas terminé !

Agence Rol, La vie chère à Paris [l'étal d'une poissonnerie], 1918, Gallica/BnF
Agence Rol, La vie chère à Paris [l’étal d’une poissonnerie], 1918, Gallica/BnF

Les ouvrages cités dans ce billet sont accessibles sur Gallica. Rapportez en commentaires vos pires trouvailles en matière de fraude dans ces ouvrages !

Retrouvez tous les autres « Gallica insolites » du blog ici.

La sorcière au chat de Paul-Emile Ranson

La sorcière au chat de Paul-Emile Ranson

Dans le cadre de la manifestation « un soir à Orsay », des étudiants de l’Ecole du Louvre et des universités parisiennes ont été invités à présenter les 7 et 14 février 2013 une œuvre de leur choix issue des collections du musée. Pour ma part, ma prestation concernait une nouvelle acquisition d’Orsay, le tableau de Paul-Elie Ranson intitulé « La sorcière au chat ».

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D’abord, le visiteur est surpris par cette peinture aux couleurs intenses qui contrastent tant avec les coloris pastels et évanescents des tableaux de la galerie symboliste. L’œuvre de Ranson, nouvellement accrochée sur les cimaises, saisit l’œil. Quand on demande aux visiteurs ce qu’ils y voient, la réponse est invariablement la même ; les éléments toujours énoncés dans le même ordre : « un chat, un truc à corne (une gargouille ou… peut-être bien un diable, non ?), un oiseau (corbeau, aigle), une étoile… et un personnage bien-sûr » concluent-ils comme une évidence…

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Félix Thiollier au Musée d’Orsay

Félix Thiollier au Musée d’Orsay

Il vous reste un peu plus d’une semaine pour découvrir les magnifiques photographies de Félix Thiollier au musée d’Orsay. Un de mes coups de cœur parmi les expositions de l’hiver 2012-2013 pour le travail de ce photographe amateur qui n’avait presque jamais été exposé dans les institutions parisiennes. Invitation pour un voyage en noir et blanc d’une extrême beauté dans la campagne forézienne et auprès des usines stéphanoises du début du XXe siècle… Deux paysages à jamais disparus.

Félix Thiollier, Usines au bord de l’Ondaine, 1895-1910, Centre Pompidou
Félix Thiollier, Usines au bord de l’Ondaine, 1895-1910, Centre Pompidou

Félix Thiollier, un nom oublié de l’histoire de la photographie

L’œuvre de Félix Thiollier est celle d’un photographe amateur, qui, malgré 50 ans de pratique, ne s’est jamais intégré aux milieux photographiques parisiens. Photographe amateur et érudit local féru d’art et d’archéologie, Félix Thiollier décide, à 35 ans, d’abandonner la rubanerie familiale pour se consacrer à ses deux passions. L’exposition du musée d’Orsay met précisément en avant ces deux facettes de son activité dès lors : celle d’un défenseur du patrimoine forézien, tant bâti que paysager et celle d’un artiste photographe.

Félix Thiollier, Figure contemplant monts du Mézenc, Collection Julien-Laferrière
Félix Thiollier, Figure contemplant monts du Mézenc, Collection Julien-Laferrière

En défenseur du patrimoine régional, il publie en 1889 un ouvrage intitulé « le Forez pittoresque et monumental » qu’il illustre de ses propres clichés. La campagne forézienne figure parmi les premiers motifs qu’il saisit. Face à ces paysages dont il pressent la disparition prochaine, Félix Thiollier adopte une esthétique proche de celle des artistes de Barbizon dont il collectionne par ailleurs les œuvres. Proche de Auguste Ravier, un peintre local, Thiollier n’hésitera pas à poser son matériel au côté du chevalet de son ami, lui-même également photographe : leurs œuvres entretiennent d’évidents liens. La première partie de l’exposition est consacrée à ces photographies champêtres dont on admire la poésie. Dès ses débuts de photographes, Thiollier porte une attention particulière aux reflets sur les plans d’eaux et aux beaux effets atmosphériques, conférant à ses clichés une grandeur théâtrale.

Félix Thiollier, Etang à Mornand, Forez (Loire), Musée d'Orsay/photoRMN
Félix Thiollier, Etang à Mornand, Forez (Loire), Musée d’Orsay/photoRMN

Son intérêt pour les paysages champêtres de sa région natale l’amène à fréquenter les paysans dont il réalise de très émouvants portraits. Une dizaine sont exposés à Orsay. Loin des codes photographiques du portrait de l’époque, ses clichés surprennent par la proximité des modèles et marquent le visiteur par leur sensibilité et leur justesse.

Fumée des usines stéphanoises

La seconde partie de l’exposition présente une autre facette de l’œuvre de Thiollier photographe : ses vues industrielles stéphanoises. A la fin de sa vie, en effet, Félix Thiollier se passionne pour le paysage industriel de Saint-Etienne. Ses clichés sont un étonnant témoignage d’un bâti dont les ruines qui subsistent sont aujourd’hui élevées au rang de patrimoine.

Thiollier, Décor de fête ou de foire, Saint-Etienne(?), 1890 et 1910, Paris, musée d'Orsay/photoRMN
Thiollier, Décor de fête ou de foire, Saint-Etienne(?), 1890 et 1910, Musée d’Orsay/photoRMN

Image saisissante qui ouvre cette seconde partie d’exposition : un décor de théâtre usé, peuplé d’exotiques figures d’Asie et d’Amérique, de femmes au port de princesse, d’anges… Nous sommes sur un champ de foire. Dans l’ouverture de la toile relevée, une vieille femme courbée… et l’envers du décor ; une cour, les vestiges de quelques bâtisses abattues, un cabanon, le sol boueux, une échelle, des hommes, des poutres amassées. Plongée auprès des ouvriers des mines et aciéries stéphanoises.

Thiollier, La cokerie Verpilleux, environs de Saint-Etienne, Musée d'Orsay/photo RMN
Thiollier, La cokerie Verpilleux, environs de Saint-Etienne, Musée d’Orsay/photo RMN

Au visiteur contemporain, ces paysages charbonneux semblent irréels, magnifiés par d’extraordinaires effets atmosphériques saisis par Félix Thiollier. Du paysage champêtre aux paysages industriels, on retrouve ainsi le même goût des cadrages pittoresques, le même intérêt pour les belles lumières. Tas de crassier fumants, enfants parmi la ferraille, mineur poussant un tombereau, à Saint-Etienne, Félix Thiollier concentre son regard sur l’architecture des usines, les décharges, baignées d’une fumée vaporeuse, dans laquelle se détachent quelques silhouettes d’ouvriers, achevant de composer ces nouveaux paysages pittoresques.

Thiollier, Grappilleurs au sommet d'un crassier, Saint-Etienne, Musée d'Orsay/photo RMN
Thiollier, Grappilleurs au sommet d’un crassier, Saint-Etienne, Musée d’Orsay/photo RMN

Il faut venir ici avec une loupe pour véritablement voir. Voir la moue boudeuse de cet enfant à la casquette, l’expression goguenarde de cet adolescent, le sourire que l’on devine édenté de cet autre… Curieux amassés autour de l’appareil du photographe, grappilleurs indifférents à la présence du bourgeois amateur, il faut regarder ces visages…

Félix THIOLLIER, Mineurs à Saint-Etienne, vers 1900, musée Art moderne Saint Etienne
Félix THIOLLIER, Mineurs à Saint-Etienne, vers 1900, musée Art moderne Saint Etienne

Retrouvez toutes les informations sur cette exposition sur le site officiel du Musée d’Orsay